Les Accords de pêche avec l'UE vont-ils aider au développement de la pêche africaine?

Depuis le début des années 2000, la CAPE a soutenu que l'UE devrait cesser de payer une partie des redevances pour les navires de l'UE ayant accès aux pays en développement. Il s'agit d'une subvention injuste et l'industrie devrait payer ces coûts. Pourtant, l’UE, à travers la DG MARE, dépense des millions d’euros par an pour contribuer aux coûts de ces arrangements commerciaux - 71 millions d’euros ont été dépensé en 2015 comme contribution à ses Accords de Partenariats de Pêche Durable (APPD). La CAPE estime que les fonds publics de l'UE consacrés à la pêche dans les pays en développement doivent être entièrement utilisés pour réaliser le développement de la pêche locale et que le rôle de l'UE dans ces accords devrait se limiter à la négociation des aspects techniques des accords de pêche commerciale et à un rôle de surveillance réglementaire.  
Bien qu'il existe un argument solide pour dissocier les fonds de l'UE des paiements d'accès, un problème connexe réside dans l'assurance que les fonds de l'UE pour le développement de la pêche sont bien utilisés. Déjà, la DG MARE s'efforce de soutenir la gestion des pêches dans les pays partenaires. Environ 31 millions d'euros (en 2015) des paiements totaux des APPD ont été utilisés pour développer la capacité des Etats côtiers à gérer leurs pêcheries, bien que cette somme ne soit pas techniquement une « aide ». La proposition de la CAPE prévoit un découplage clair entre les fonds de l'UE et le paiement de l'accès, avec des décisions sur la meilleure façon de soutenir les pays étrangers basée sur une évaluation des besoins. Nous nous attendons donc à ce que le montant des fonds européens disponibles à la DG MARE pour soutenir le développement de la pêche augmente.
La Cour des comptes européenne a toutefois procédé à un examen de la manière dont ces fonds sont gérés dans son rapport : « Les accords de partenariat dans le secteur de la pêche sont-ils bien gérés par la Commission ? ». Il souligne un certain nombre de problèmes. Il a soulevé des inquiétudes quant à l'impact du fonds, il a montré qu'il y avait des problèmes en termes de transparence et de responsabilité, et il a fait valoir qu'il y avait un manque de coordination avec d'autres sources d'aide au développement. La recommandation de dissocier l'aide des paiements d'accès doit donc s'ajouter aux efforts visant à améliorer la surveillance et le suivi des fonds mis à la disposition de la DG MARE pour le développement de la pêche locale.
Qu’est-ce que le soutien sectoriel de l’UE ?
Le soutien sectoriel apporté par les accords de pêche de l'UE avec les pays en développement remonte à l'accord de pêche Sénégal-UE de 1994. Jusqu'alors, les fonds allaient simplement dans le budget central de l'Etat. Cependant, les critiques croissantes concernant l'impact des accords d'accès aux pêcheries de l'UE signifiaient que, dans l'accord de 1994, le gouvernement du Sénégal et l'UE avaient convenu qu'une partie des fonds versés pour l'accès à la pêche serait réservée aux « actions ciblées ». Celles-ci étaient directement liées au renforcement de la gestion des pêches et à l'appui aux organisations de pêche artisanale. Cela était important car les deux parties reconnaissaient les pêcheurs artisans comme parties prenantes de l'accord de pêche. L'accord UE-Sénégal de 1994 était aussi la première fois qu'un représentant de la pêche artisanale était autorisé à assister à la négociation de l'accord.

Des actions ciblées ont ensuite été introduites dans la plupart des accords entre l'UE et les pays africains. En règle générale, les fonds ont été gérés séparément du budget central de l'État (c'est-à-dire traités comme des revenus hors budget). Avec la réforme de la politique commune de la pêche (PCP) de l'UE en 2002, ces accords ont été transformés en accords de partenariat dans le secteur de la pêche et le soutien ciblé a été qualifié de « soutien sectoriel ». Le règlement de base de la nouvelle PCP, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2014, prévoit d'autres directives juridiques pour le soutien sectoriel (voir articles 31 et 32).
Le soutien sectoriel fait donc partie de la contribution financière versée par l'UE dans le cadre d'un APPD, bien que ce ne soit pas une forme d'Aide Publique au Développement (APD) (bien que l'UE ait parfois signalé cela dans le cadre de son APD, ce qui était une erreur). Le montant identifié pour ce soutien sectoriel est une proportion, décidée par l'Etat côtier, du montant global du paiement d'accès. Un pays peut décider que la totalité de ses recettes provenant de l'UE soit réservée à un soutien sectoriel, comme c'est le cas dans l'île Cook. Cependant, comme l'a signalé la Cour des comptes, la Commission européenne a pour objectif politique de limiter le soutien sectoriel à 50% des paiements d'accès, ce qui est à peu près ce qui est convenu dans la plupart des pays aujourd'hui. La plus faible proportion des fonds réservés au soutien sectoriel se trouve en Mauritanie, où elle a diminué au cours des années, en grande partie du fait que la Mauritanie rencontre des problèmes d'absorption de ces fonds. Dans l'accord le plus récent, les paiements annuels pour l'accès aux pêcheries sont d'un peu moins de 60 millions d'euros et 4 millions pour l'appui sectoriel (environ 15%). Néanmoins, le soutien sectoriel fourni à la Mauritanie par le biais des protocoles des accords de pêche entre 2008 et 2012 s'est élevé à 65 millions d'euros.
La taille de ces transferts est évidemment plus importante pour les pays qui peuvent accorder des accords d'accès aux pêcheries de valeur, y compris ceux qui ont des « accords mixtes ». Ceux-ci tendent à valoir plus que les accords portant uniquement sur le thon. En même temps que la Mauritanie, le plus grand accord mixte existe avec le Maroc, d'une valeur de 30 millions par an avec 14 millions affectés au soutien sectoriel. La Guinée-Bissau et le Sénégal ont également des accords mixtes. Pour la Guinée-Bissau, cela vaut 9,2 millions par an, dont 3 millions sont destinés au soutien sectoriel, et au Sénégal, l'accord de l'UE vaut environ 1,8 million et 750 000 pour le développement de la pêche. En comparaison, le soutien sectoriel le plus restreint se retrouve dans l’APPD Côte d'Ivoire-UE, avec seulement 275 000 euros par an, grâce à un accord thonier de 680 000 euros par an.
L'utilisation de l'aide sectorielle devrait être définie par l'État partenaire sur la base de ses priorités et validée par le Comité mixte qui assure la gestion globale de l'accord de partenariat dans le secteur de la pêche, composé de représentants de l'UE et du pays côtier. La gamme de projets tend à inclure ceux qui visent à améliorer la recherche scientifique sur les stocks de poissons, à soutenir la surveillance, le contrôle et la surveillance des navires de pêche, à améliorer la santé et les conditions sanitaires des exportations de poissons ou à soutenir les petites pêcheries. Il y a aussi des cas, comme le Mozambique, où la majorité des fonds destinés à l'appui sectoriel ont été consacrés à l'aménagement des infrastructures, y compris la construction de bureaux de l'autorité des pêches.
Les paiements de soutien sectoriels dépendent des résultats. Si les fonds affectés au soutien sectoriel n'ont pas été dépensés ou s'il n'existe pas de preuve que les fonds ont été utilisés conformément à la matrice de résultats convenue conjointement, les paiements annuels ultérieurs de l'UE au titre du soutien sectoriel peuvent être retenus. Cela s'est déjà produit auparavant, comme à Madagascar en 2011.

Le Soutien Sectoriel fonctionne-t-il ?
La décision d'allouer jusqu'à 50% des redevances d'accès au développement de la pêche est ouverte à des interprétations différentes. Un point général est que les recettes de la pêche commerciale reçues par les pays fortement sous-développés peuvent être mieux utilisées pour d'autres priorités de développement et non pour les coûts de gestion des pêches. En effet, pour des pays comme la Mauritanie, les fonds totaux de l'UE pour le soutien sectoriel des pêches ont représenté plus de 10% de l'ensemble du budget national du pays. La canalisation de ces fonds vers la pêche peut priver d'autres secteurs (santé, éducation, etc.). Le revers de la médaille est que l'affectation de fonds peut aider le pays à améliorer la gestion des pêches et à contribuer à la durabilité de la pêche, ce qui devrait contribuer au développement et à la sécurité alimentaire du pays. De plus, dans certains pays africains, on craint que les fonds de l'UE versés au budget central ne soient également perdus par la corruption ou dépensés pour des activités nuisibles. Le soutien sectoriel peut également améliorer l'opinion publique sur les accords de pêche, car il démontre que les contributions aux accords de pêche sont utilisées de manière productive.
Cependant, la manière dont les fonds sectoriels de l'UE ont été gérés a fait l'objet de nombreuses critiques. Sur la base du rapport des commissaires aux comptes européens, il y a plusieurs questions.

Efficacité
Une partie du problème auquel sont confrontés les fonds de soutien sectoriels de l'UE réside dans la faiblesse des capacités des États à définir leurs priorités. De nombreux États côtiers ne disposent pas encore d'une stratégie nationale de pêche, ce qui signifie que l'identification des projets financés par le soutien sectoriel peut être décentralisée et ne pas avoir de stratégie cohérente à long terme. Il y a également un manque d'information et de consultation publique dans la manière dont le soutien sectoriel des accords de partenariat de pêche de l'UE est alloué et utilisé. Les rapports nationaux concernant l'utilisation du soutien sectoriel restent confidentiels. C'est ce qu'a découvert un groupe de députés européens qui ont visité la Guinée-Bissau cette année pour en savoir plus sur les défis du pays et ses relations avec l'UE. Les réunions tenues par les députés ont souligné que :
“... le manque généralisé d'informations sur l'aide de l'UE ou sur la mise en œuvre de l'APP, sur les projets qui pourraient être financés au titre du" soutien sectoriel "ou sur la manière et le lieu d'application; Tandis que les parties prenantes ont été incitées à intervenir plus activement auprès des autorités nationales afin que leurs projets deviennent éligibles au financement de l'UE, des plaintes ont également été exprimées sur le manque de transparence dans l'allocation des fonds publics / d'aide.“
L'issue de cette situation est que l'allocation des fonds peut ne pas refléter les priorités du pays. Comme l'indique le rapport de la Cour des comptes, la tendance indique que la plupart des fonds sectoriels sont consacrés à la lutte contre la pêche illégale, non réglementée et non déclarée (INN) par le renforcement du suivi et du contrôle des navires de pêche industriels. Par exemple, près de 60% du soutien sectoriel apporté à Madagascar en 2013 a été consacré à la surveillance et au contrôle des navires de pêche et le reste a été investi dans des entreprises exportatrices de poissons, dont bon nombre appartiennent à des entreprises européennes et asiatiques. Ce sont clairement des secteurs qui peuvent avoir un avantage plus direct pour les gouvernements des États côtiers (par le biais de la fiscalité), mais pas nécessairement pour un développement et une sécurité alimentaire plus larges, qui sont les objectifs de la politique de développement de la pêche européenne. En effet, les décisions des gouvernements partenaires et de l'UE sur la meilleure façon d'utiliser les fonds sectoriels sont principalement axées sur les efforts visant à améliorer la gestion des pêches dans le secteur industriel sans tenir compte des besoins et de l'importance de la pêche artisanale locale.
Tous les pays ne suivent pas le même chemin. Quelques exemples montrent que le soutien sectoriel de l'UE est utilisé pour le développement de la pêche locale. Les Seychelles utilisent au moins 50% de leurs fonds sectoriels de l'UE pour le développement de la pêche locale, y compris l'établissement d'un prêt pour les flottes de pêche artisanale et semi-industrielle. Néanmoins, certains pays estiment qu'une part importante du paiement de l'accès à l'UE découlant de la présence de flottes industrielles européennes est utilisée pour couvrir les coûts de gestion de ces flottes. Cela peut nuire à l'objectif de développer les capacités locales de pêche, simplement comme une autre subvention pour la pêche industrielle. En effet, lorsque les États côtiers ne disposent pas des ressources nécessaires pour couvrir les coûts de base de la gestion de la pêche industrielle, c'est peut-être parce que les droits d'accès sont trop bas. Il est important de savoir si les compagnies de pêche étrangères paient suffisamment de droits d'accès pour que les États côtiers puissent couvrir les coûts de gestion qui en découlent sans avoir à compter sur un soutien supplémentaire de la part des donateurs. Il serait extrêmement utile que les États côtiers soient en mesure de déterminer quels sont les coûts totaux de la gestion de la pêche étrangère ainsi que la valeur ajoutée de leurs économies, ce qui pourrait se traduire par des négociations pour un paiement plus juste des redevances d'accès.

Coordination et Cohérence des Donateurs
La Cour des comptes européenne a identifié des « difficultés d'absorption » dans de nombreux pays. C'est un problème répandu pour les gouvernements en Afrique, où les attentes et le soutien des bailleurs de fonds peuvent dépasser les capacités de délivrance des autorités qui reçoivent ces fonds. Il s'agissait d'un problème majeur du soutien sectoriel fourni à la Mauritanie dans le protocole 2008-2012, où 25 millions d'euros des fonds sectoriels alloués n'ont pas été dépensés. Les protocoles précédents avec les Seychelles et le Mozambique avaient des problèmes similaires, puisque les deux pays ont déclaré des fonds non dépensés représentant 63% de leur budget d'appui sectoriel (bien que la situation semble s'améliorer).
Ce problème est exacerbé par l'existence d'une autre aide publique au développement pour la pêche, qui a augmenté au cours de la dernière décennie dans toute l'Afrique. De nombreuses autorités de pêche ont été encouragées vis-à-vis de la dépendance à l'aide, où l'aide au développement représente une part importante des dépenses de l'État et rien n'indique que le recours à cette aide diminue. Il existe désormais une reconnaissance internationale croissante que la dépendance à l'égard de l'aide a des conséquences négatives pour les pays en développement, bien qu'elle ne soit pas encore sérieusement envisagée dans le secteur de la pêche en Afrique.

La Cour des comptes européenne a également noté comment les fonds sectoriels de l'UE sont utilisés de manière non coordonnée avec d'autres aides au développement. Cela risque d'entraîner des doubles emplois, ainsi qu'un manque de cohérence. À ce titre, le soutien sectoriel de l'UE ne repose pas toujours sur une appréciation plus large de ce que font les autres bailleurs de fonds, y compris le soutien fourni par le Fonds de développement de l'UE, ainsi que par les États membres de l'UE et d'autres partenaires multilatéraux et bilatéraux. Comme l'ont constaté les auditeurs de l'UE (page 32) :
"... dans les pays de l'océan Indien visités, la coordination entre les partenaires au développement actifs dans le secteur de la pêche était faible. Le soutien sectoriel n'est pas examiné lors des réunions de coordination régulières entre les représentants responsables de l'appui du FED à la Délégation de l'UE et les autres partenaires financiers et l'attaché aux pêches ne participe pas à ces réunions ... En outre, dans aucun des pays visités, le soutien sectoriel des APPD n’est intégré dans une approche globale incluant les fonds de l’ensemble des partenaires destinés à la pêche. Par exemple, au Mozambique, où différents partenaires financent des actions similaires, il existe un risque de double financement, notamment en ce qui concerne la participation aux réunions et aux activités d'inspection. Bien que le Mozambique dispose d'une matrice mondiale, il ne comprend ni l'ensemble des partenaires concernés ni l'appui sectoriel. C'est également le cas à Madagascar. "
Il convient de noter que la DG MARE a répondu à cette observation en décrivant qu'il y avait eu des efforts pour améliorer la coordination non seulement avec la DG DEVCO, mais aussi avec d'autres partenaires de développement dans les États côtiers. Mais comme il y a si peu de publications sur l'utilisation et l'efficacité du soutien sectoriel de l'UE, il est difficile pour les autres de savoir si cette collaboration fonctionne bien.
Responsabilités et Surveillance
Le rapport de l'auditeur a également fait valoir que la DG MARE n'avait pas fourni un contrôle ni un suivi cohérents et rigoureux des financements du soutien sectoriel. Une partie du problème réside dans le fait que les fonds sectoriels ne sont souvent pas traçables dans le budget de l'État côtier et que les rapports sur les extrants des États hôtes soumis au comité mixte sont souvent difficiles à vérifier pour la commission. Parfois, les fonds sectoriels de l'UE n'ont pas été dépensés pour des activités convenues et n'ont pas été pleinement pris en compte. Étant donné qu'il n'est pas classé dans l'aide publique au développement, le soutien sectoriel de l'UE n'est pas soumis aux mêmes niveaux de contrôle et de responsabilité que les autres paiements d'aide similaires de l'UE.
Il y a certainement eu des améliorations dans la transparence et la responsabilité dans certains cas. La gestion récente des fonds sectoriels en Mauritanie et au Maroc a probablement atteint les plus hauts niveaux de responsabilité à ce jour. Toutefois, dans de nombreux pays, la transparence et la responsabilité de l'utilisation du soutien sectoriel dans le cadre des accords de pêche de l'UE sont encore considérées comme insuffisantes par la Cour des comptes. Il n'existe que peu d’information, dans le domaine public, sur la façon dont ces paiements ont été utilisés et si leur impact a été positif ou non.
Le rapport de la Cour des comptes européenne jette un doute considérable sur la capacité de la DG MARE à surveiller les dépenses des États côtiers, en grande partie parce qu'ils n'ont pas les capacités nécessaires ni même le mandat pour le faire. En outre, bien que l'UE entreprenne ses propres évaluations externes des accords de partenariat dans le secteur de la pêche, celles-ci sont incohérentes en ce qui concerne l'utilisation des fonds sectoriels. Ces évaluations se concentrent davantage sur ce que les accords de pêche rapportent à l’UE et comment ils fonctionnent sur une base durable. Elles fournissent souvent une analyse superficielle de la manière dont le soutien sectoriel a été réalisé, voire pas du tout.
L’utilisation des conditionnalités
La DG MARE a une politique rigide de retenue des paiements en cas de problèmes de dépenses. Pour le moment, elle n'a aucun moyen de réduire une partie des fonds ou de retenir l'argent pour certains projets ; ça doit être payé en totalité ou pas du tout. C'est pourquoi la Cour des comptes a fait valoir que la Commission a régulièrement fourni des fonds lorsque des problèmes se sont manifestés. La Cour des comptes fait valoir que le régime inflexible de retenue annuelle des paiements les rend extrêmement difficiles à gérer. Le passage au découplage des paiements sectoriels et des paiements d'accès devrait permettre d'atténuer ce problème.
Le rapport de l'auditeur indique également que, dans le passé, la Commission n'a pas travaillé de manière proactive pour aider les États côtiers à surmonter les problèmes de dépenses des fonds sectoriels. Dans le cas de la Mauritanie, la prise de conscience que les fonds étaient insuffisants a conduit à la décision de la DG MARE de simplement réduire la part des fonds alloués au soutien sectoriel dans le prochain protocole d'accord quinquennal. Cela a placé plus d'argent dans le budget de l'Etat central, ce qui, comme l'a fait valoir la Cour des comptes européenne, a des niveaux de transparence et de contrôle publics encore pires. Selon les vérificateurs, la décision n'était pas compatible avec l'objectif d'améliorer la gouvernance des pêches dans le pays, ce qui est contraire à la notion de partenariat durable pour le développement de la pêche.

Améliorer le Soutien Sectoriel
Les États côtiers sont en accord avec la politique de soutien sectoriel de l'UE et ils conservent un certain pouvoir pour le rejeter s'ils le souhaitent. L'inclusion d'un soutien sectoriel suggère que le modèle de commerce « partenariat durable » tente d'être résolu. Cependant, un certain nombre de réformes clés sont nécessaires.
•    Premièrement, les deux parties doivent s'efforcer de définir les priorités des États côtiers afin que les fonds sectoriels soient bien utilisés. Cela doit se faire à travers un processus plus consultatif, y compris des représentants de la petite pêche. L'UE a un rôle important à jouer pour soutenir ces efforts et devrait encourager les pays partenaires à élaborer des stratégies nationales à long terme pour la gestion des pêches. Cela permettra d'identifier clairement où l'appui est nécessaire pour améliorer la durabilité et la contribution de la pêche à la sécurité alimentaire et à la réduction de la pauvreté. Bien que la promotion de la sécurité alimentaire soit un objectif clé de la politique de coopération au développement de l'UE en matière de pêche, elle n'est pas considérée comme un objectif sérieux lorsqu'il s'agit d'identifier les actions à soutenir par le soutien sectoriel de l’APPD.
•    Deuxièmement, il faut examiner soigneusement s'il convient que les paiements d'accès contribuent aux coûts de gestion des pêches à grande échelle et comment le secteur lui-même doit faire davantage pour couvrir ces coûts. Les États côtiers doivent disposer d'un plus grand nombre d'informations sur les coûts et la valeur ajoutée des entreprises de pêche étrangères afin qu'elles puissent avoir une position plus forte dans la négociation des accords d'accès et décider de l'ordre de priorité du développement des pêches locales.
•    Troisièmement, les discussions sur l'utilisation du soutien sectoriel doivent être liées à des efforts plus larges pour coordonner l'aide au développement des pêches et d'autres investissements. Cela ne veut pas dire que tous les bailleurs de fonds et les partenaires étrangers doivent poursuivre les mêmes objectifs et les mêmes priorités, mais au minimum, il devrait y avoir ouverture et discussion sur les objectifs et les priorités. Au cours des dernières années, la DG MARE et la DG DEVCO ont mieux coordonné l'aide à la pêche dans certains pays. Toutefois, sur la base du rapport du commissaire aux comptes, il semble qu'il y ait beaucoup plus à faire, notamment avec les États membres de l'UE et les autres partenaires au développement.
•    Quatrièmement, l'amélioration des mécanismes de transparence et de notification des fonds sectoriels de l'UE est également évidente. Dans le cas de l'accord de pêche avec la Mauritanie, une fiche d'information a été publiée sur le soutien sectoriel de l'accord 2008-2012, ce qui a été un effort utile pour sensibiliser le public. Toutefois, les procès-verbaux des réunions du comité mixte qui surveille l'utilisation des fonds sectoriels et les rapports des pays tiers concernant l'utilisation du soutien sectoriel ne sont pas publiés. Ils devraient être.
•    Enfin, l'UE et les États côtiers devraient entreprendre une évaluation externe plus rigoureuse du soutien sectoriel, qui pourrait être davantage pris en compte dans les évaluations existantes des APPD. Cela aidera également à améliorer la transparence et l'intégration de multiples parties prenantes dans le processus décisionnel.

Il s'agit de recommandations pratiques sur la réforme de la gestion du soutien sectoriel. Elles doivent être mises en contexte par rapport à la nécessité de dissocier les payements à l’accès de l'aide proprement dite. À l'heure actuelle, cette question a été traitée comme une question administrative, ce qui permettra à la DG-MARE une plus grande souplesse dans le versement des fonds sectoriels par rapport au reste du paiement d'accès. Cela laisse néanmoins le contrôle et la surveillance des fonds de développement pour la pêche à ceux qui participent à la négociation et à la gestion des accords de pêche commerciale, ce qui signifie que l'UE continue à utiliser les fonds publics pour couvrir les coûts des accords de commerce. Une approche plus forte pour dissocier les paiements d'accès de l'aide se ferait par la séparation des droits d'accès et du soutien sectoriel. Le montant des fonds destinés à soutenir les États côtiers dans l'amélioration de la gestion des pêches devrait être entièrement fondé sur une évaluation des besoins et sans aucune incidence sur l'importance des paiements d'accès à la pêche. Comme c'est le cas pour d'autres flottes de pêche, les paiements d'accès devraient être effectués progressivement par l'industrie, tandis que les fonds publics au développement versés à l'Etat côtier devraient être utilisés pour le développement.

Commentaires et recommandations sur base du rapport de la Cour des Comptes sur les Accords de Pêche

Le 14 Mars 2016, le Conseil Agriculture et Pêche a adopté des Conclusions sur les accords de partenariat de pêche avec les pays tiers, comme réponse politique aux recommandations émises par la Cour des Comptes européenne sur le sujet dans un rapport spécial.

Ce rapport, « La Commission gèretelle correctement les accords de partenariat dans le domaine de la pêche? », a été publié par la Cour en octobre 2015. Son objectif était d'évaluer si les Accords de Partenariat de Pêche (APP) sont bien gérées par la Commission européenne, au cours de leurs négociations et leur mise en œuvre. Le rapport est basé sur l'audit de quatre APP : trois APP thoniers dans l'Océan Indien (Madagascar, Mozambique et les Seychelles) et un APP mixte en Afrique de l'Ouest (Mauritanie).

La principale conclusion du rapport est que dans l'ensemble, ces accords sont bien gérées mais il y a des améliorations possibles, tant en ce qui concerne la mise en œuvre que le processus de négociations. La Commission a accepté toutes les recommandations formulées par le rapport, précisant cependant que certains efforts sont déjà faits pour améliorer les APP.

En général, CAPE estime que les conclusions tirées par le rapport de la Cour doivent être approfondies et élargies, puisqu'elles ne reposent que sur quatre accords et surtout ne reflètent que les préoccupations des armateurs de l'UE. Peu d'attention est donnée par la Cour à la société civile et aux besoins et intérêts des communautés de pêche des pays tiers.

Dès lors, CAPE a publié des commentaires et des recommandations, basés sur le rapport de la Cour, sur comment la gestion des Accords de Partenariat de Pêche durables (APPD) peut être améliorée pour contribuer à l’établissement de la pêche durable dans les pays tiers. CAPE veut aussi rappeler qu'il existe d'autres types d'arrangements permettant l’accès de flottes étrangères aux eaux de pays tiers, tels que des accords privés, affrètement, sociétés mixtes, qui ont une incidence importante sur les communautés côtières de ces pays tiers, sur les écosystèmes côtiers et les économies locales. La transparence et la durabilité doivent aussi s’appliquer à ces arrangements.

Enjeux du nouveau protocole d'Accord de pêche UE-Mauritanie: petits pélagiques, prises accessoires et appui sectoriel

Le 22 Mars dernier, la Commission de la Pêche du Parlement européen a débattu du nouveau protocole d'accord de pêche entre la Mauritanie et l'UE. Si la plupart des parlementaires, comme le rapporteur, Mr Mato, ont une appréciation positive de la proposition de protocole, la question de l’absence d’un cadre de gestion régional pour les ressources partagées de petits pélagiques a été soulevée par Mme Rodust, qui a demandé que l’UE s’engage à promouvoir une telle gestion régionale.

CAPE partage entièrement ce point de vue. Notre plus grande préoccupation concernant les petits pélagiques reste le fait qu’un accès soit alloué aux flottes étrangères, notamment celles de l’UE et de la Russie, en l’absence d’un nécessaire cadre régional de gestion pour ces espèces partagées entre, essentiellement, le Maroc, la Mauritanie et le Sénégal. Comment peut-on identifier un surplus, - base pour la signature d'un accord de partenariat de pêche-, en l’absence de cette gestion régionale ?

La Convention sur les Conditions Minimales d’Accès, ratifiée par les Etats Membres de la Commission sous régionale des Pêches d’Afrique de l’Ouest (CSRP), - dont la Mauritanie-, appelle à cette gestion concertée des petits pélagiques dans la région. Cet appel est aussi lancé par la société civile et les organisations de pêche artisanale, étant donné l'importance stratégique de ces ressources pour la sécurité alimentaire de toute la région. Il y a là une urgence, vu le contexte global de pleine exploitation, voire de surexploitation de la sardinelle ronde.

Nous demandons donc à l’UE de faire tous les efforts possibles pour promouvoir cette gestion régionale, notamment par le dialogue existant au niveau des APPD avec les pays concernés : Mauritanie, Maroc, Sénégal

CAPE a publié d'autres commentaires sur la mise en œuvre de l’accord UE- Mauritanie, concernant:

- L’ Engagement de transparence

L’article 1 du nouveau Protocole stipule que ‘la Mauritanie s’engage à rendre public tout accord public ou privé autorisant l’accès à sa ZEE par des navires étrangers’.  C'est une grande avancée qui est reconnue par le rapporteur, Mr Mato. Nous espérons que la Mauritanie publiera bientôt l'ensemble de ces accords, car la transparence est un aspect fondamental de la mise en œuvre de l’accord, qui sera examinée lors de la première Commission mixte de l'accord qui se réunira sans doute en Mai.

- L’Accès aux ressources: prises accessoires de poulpes

L’état des ressources de poulpe reste préoccupant. Ainsi, le document de Stratégie de Développement pour le secteur de la pêche 2015-2019 de la Mauritanie insiste sur le fait que, ‘malgré un redressement observé récemment, l’état des stocks du poulpe est toujours préoccupant avec des niveaux de surexploitation estimés à 17%’. Dans ce contexte, il est positif qu'il n'y ait pas d'accès direct des flottes européennes à cette ressource si importante pour la pêche artisanale locale.

Néanmoins, s’il n’y a pas d’accès au poulpe en tant qu’espèce ‘cible’, le poulpe reste une des espèces pêchées comme prises accessoires: les crevettiers européens peuvent conserver à bord 8% de prises accessoires de céphalopodes, composés essentiellement de poulpe.

De plus, le rapporteur souligne que la Mauritanie se serait engagée à envisager, lors de la Commission mixte, l’attribution de nouvelles possibilités de pêche pour des chalutiers congélateurs de pêche démersales, qui incluraient là aussi des prises accessoires de poulpes.

L'impact des volumes cumulés de ces prises accessoires sur l'état du stock doit être pris en compte, et aucune nouvelle possibilité de pêche ne devrait être octroyée si cela signifie un impact négatif sur les stocks non-ciblés, comme le poulpe.

Le problème des prises accessoires est aussi présent dans la pêcherie de petits pélagiques. Pour les super chalutiers pélagiques, le Comité scientifique conjoint de 2013 a émis l’hypothèse de possibles sous-déclarations de captures accessoires, ‘compte tenu de la pratique du chalutage pélagique qui a pour effet général un taux élevé de captures accessoires et de la diversité des espèces rencontrées (plus de 100 espèces)’. L’Atlas maritime des zones vulnérables en Mauritanie de l’Institut Mauritanien de Recherches Océanographiques et des Pêches (IMROP) précise que, pour la pêcherie de petits pélagiques, ‘tandis que les captures des espèces cibles sont bien réglementées, la pêche accessoire pose un problème majeur. Des efforts de sélectivité sont donc à faire pour diminuer les taux de prises accessoires et les rejets des chalutiers, notamment en introduisant, à travers la mise en œuvre de l’accord 2015-2019, l’utilisation de dispositifs de sélectivité.

 L’ Appui sectoriel

Au cours des derniers protocoles, le montant de l’appui sectoriel a substantiellement diminué, passant de 16 millions d’euros par an (2008-2012) à 3 millions par an (2012-2014). Il sera dans le nouveau protocole 2015-2019 de 4 millions d’euros par an.

Jusqu’à présent, l’utilisation de l’appui sectoriel est très insatisfaisante pour les deux parties: les fonds ont surtout servi à couvrir des dépenses de fonctionnement, plutôt que des infrastructures, indispensables pour le développement du secteur. La question de la transparence relative à l’utilisation de l’appui sectoriel a aussi été posée à de nombreuses reprises.

Pour pallier à ces déficiences, dans le nouveau protocole, il est prévu que l’appui sectoriel sera géré par une Cellule d’exécution qui coordonnera la mise en œuvre avec les bénéficiaires des projets choisis. Un rapport en fin de projet sera publié, qui examinera les impacts sur les ressources, l’emploi les investissements. Un atelier annuel avec les bénéficiaires pour présenter l’état d’avancement.

Cette approche mérite d'être rappelée et sa mise en oeuvre rapide doit être encouragée, afin d'améliorer l'utilisation des fonds de l'appui sectoriel au bénéfice du développement de pêcheries durables en Mauritanie

 

'Voix de la Pêche artisanale africaine': la parole à ceux qui pêchent pour vivre

Du Sénégal au Togo, en passant par la Guinée-Bissau, la Mauritanie, la Tunisie et le Ghana, travailler dans la pêche artisanale maritime, c’est, au quotidien, vivre le même attachement à la mer et faire face aux mêmes défis.
Entre Septembre 2014 et Novembre 2015, le Réseau des Journalistes pour une Pêche Responsable et durable en Afrique de l’Ouest (REJOPRAO), en collaboration avec la Confédération Africaine des Organisations Professionnelles de Pêche Artisanale (CAOPA), est allé à la rencontre des acteurs de la pêche artisanale dans ces six pays.
A chaque étape, nous avons multiplié les visites de sites, les échanges en groupe, les entretiens individuels et la recherche documentaire. L’objectif étant clairement de comprendre et de décrire avec honnêteté les situations dans lesquelles les acteurs de la pêche artisanale exercent leur activité et les défis auxquels ils font face. Pour montrer qu’au-delà des statistiques, généralement peu fiables, relayées un peu partout, la pêche artisanale africaine, c’est avant tout des hommes et des femmes qui demandent à se faire entendre.
Construit autour d’une série de six reportages de terrain, ce rapport leur donne la parole. Ces
femmes et ces hommes disent leurs craintes et leurs espoirs pour l’avenir de leur métier. Nous apportons une part de vérité sur la pêche artisanale. En aucun cas nous ne prétendons que ce rapport est une description complète des situations dans les pays visités.
Notre gratitude va à tous ceux et celles qui ont contribué de différentes manières à la production de ce rapport.

Pour le Rejoprao
Inoussa Maiga
Président

Ce rapport a été produit avec l'appui de SSNC et de CAPE

Téléchargez Voix de la Pêche artisanale africaine

'Le public a le droit de savoir combien on paie, combien on pêche, comment et par qui'

Cette interview de Isabella Lovin, Ministre suédoise de la Coopération internationale, réalisée par Jedna Deida, a été publiée sur Mauriweb Info http://mauriweb.info/node/1549

Vous venez juste de terminer une visite en Mauritanie. Vous avez rencontré les hautes autorités mauritaniennes. Pouvez-vous nous dire ce qui a été examiné afin d'améliorer la coopération entre la Suède et la Mauritanie?

Oui, j'ai visité la Mauritanie pour assister à la Conférence du FiTI, où j'ai été invitée comme oratrice principale, en raison de mon engagement de longue date pour une pêche durable. Bien sûr, j'ai également rencontré des membres du gouvernement et le Président, discutant des relations entre la Suède et la Mauritanie. Nous avons un intérêt commun pour une pêche durable, et nous avons également discuté plus largement sur le développement durable, l'importance de la lutte contre la corruption et l'importance de la transparence ainsi que la liberté de la presse.

 Vous avec participé à la Conférence FiTi à Nouakchott. Que pensez-vous de cette Conférence et que peut-on attendre de tous les partenaires en matière de pêche pour améliorer les résultats du FiTi?

 Je pense qu'il est excellent que la Mauritanie prenne les devants dans cette initiative pour la transparence dans la pêche, où d’autres importants pays comme l'Indonésie et le Sénégal ont aussi adhéré. Ce qui maintenant doit être développé, ce sont les normes techniques du FiTI et j'attends de la nécessaire transparence dans au moins trois domaines : sur les paiements effectués, sur les captures et sur les accords dans le domaine de la pêche. Le public a le droit de savoir combien on paie, combien on pêche, comment et par qui. 

 Quels seraient les avantages concrets de la transparence dans les pêches africaines en ce qui concerne les activités de la pêche industrielle dans nos eaux?

 C’est très important pour deux raisons ; tout d'abord pour lutter contre la corruption. En publiant tous les accords permettant l’accès à la pêche, les termes des accords, les numéros OMI des bateaux impliqués, la société civile et des médias libres peuvent demander des comptes aux décideurs responsables. Deuxièmement, il est essentiel de préserver les ressources marines. Une transparence totale sur les prises est nécessaire pour faire des évaluations de stocks, et c’est aussi important pour les populations locales et les pêcheurs locaux qui devraient avoir un accès prioritaire aux poissons. C’est seulement s’il y a un excédent qui ne peut pas être pêché par les pêcheurs locaux, que la pêche peut être autorisée pour les flottes étrangères.

Pensez-vous qu'une initiative comme la FiTI répondra à nos attentes? 

 Cela dépendra de tous les intervenants qui participent. Il est trop tôt pour le dire.

Qu’est-ce qui est nécessaire pour s'assurer que cela ne devienne pas simplement un exercice de « blanchiment» pour les gouvernements africains, afin d’attirer davantage d'investissements étrangers sans changer les comportements opaques ?

 Ce qui est nécessaire, c’est le véritable engagement par les gouvernements et la pleine participation des acteurs de la société civile et les organisations extérieures. Il est également important de garder à l'esprit que les gouvernements gagnent à adopter la transparence et la durabilité- pour l'UE, c'est une condition pour les accords de pêche : l’UE négocie uniquement pour avoir accès au surplus de poissons, ce qui ne peut pas être pêché par les populations locales. Ensuite, les pays devront publier tous leurs accords, s'ils veulent un accord de pêche avec l'UE. C'est ce qui a changé avec la nouvelle politique de pêche commune de l’UE.

Vous avez été une des combattantes les plus impliquées, au niveau de l’UE, pour défendre la pêche responsable et durable sur les côtes africaines. Maintenant, en tant que Ministre suédoise de la coopération internationale, qu’est ce qui peut être promu pour aider les pêcheurs en Afrique?

 La Suède est engagée de plusieurs façons pour soutenir la recherche sur les pêches et le renforcement des capacités en Afrique. Nous voyons que la pêche est une source de revenus importante pour des millions de personnes et aussi une source importante de protéines - il faut éviter que tout soit détruit par la surpêche. C'est pourquoi nous incluons maintenant une gestion durable des pêches dans notre stratégie de coopération régionale pour l'Afrique. 

 

Renforcer les Droits Politiques dans la Peche: L'importance des Directives de Bali

Beaucoup de problèmes dans la pêche sont de nature politique. Comme pour toutes les ressources naturelles, l'exploitation et le commerce équitable et durable du poisson dépend dans une large mesure de l'existence de droits civils et politiques, et pas juste de l’existence de droits de propriété, comme certains le croient. Les droits politiques assurent que les citoyens ont accès à l'information, qu’ils peuvent participer à l’élaboration des lois et des politiques et qu’il existe un état de droit qui fait que les puissants ont des comptes à rendre, et qui protège les plus faibles des abus et discriminations. L’exercice de ces droits politiques par le citoyen crée la responsabilité démocratique, qui doit être exercée à l’échelle des états et, de plus en plus, au niveau international.

Il ne fait aucun doute que les organisations travaillant dans le domaine de la pêche estiment ces droits essentiels. Pourtant, un grand nombre d’efforts de réforme des politiques dans la pêche et d’avis de ces organisations oublient cet aspect, ce qui conduit dans certains cas à avancer dans la mauvaise direction, en prônant le transfert de pouvoirs et de compétences à des organisations non représentatives, et qui n’ont pas d’obligation de rendre des comptes: la nécessité de renforcer le contrôle démocratique a été éclipsée par d'autres priorités et idées. Ce qui est inquiétant, c’est que bon nombre des principales organisations travaillant dans la pêche font la promotion de telles politiques, qui sont dangereuses dans la mesure où les droits civils et politiques en sont absents ou faiblement défendus.

Considérons, par exemple, l'appel croissant, au niveau international, pour renforcer l'application de la loi nationale et internationale afin de lutter contre la pêche INN. Cela peut conduire à des violations des droits de l'homme et à des manipulations par des élites politiques ou des compagnies dans les pays et régions où l'état de droit est faible et il y a des niveaux élevés de corruption. Les acteurs non étatiques, y compris des mercenaires, sont également aujourd’hui habilités pour fournir des services privés pour faire la police dans les pêcheries, ce qui pourrait diminuer la transparence et la responsabilité plus loin. Des dangers semblables peuvent être soulevées par rapport à l' approche axée sur la richesse qui est promue par des experts pour les réformes dans le secteur de la pêche, ainsi que les efforts connexes par les principales ONG environnementales internationales pour accroître l'investissement privé et les droits de propriété de pêche aux fins de conservation marine dans les pays en développement. Une grande partie des inquiétudes vis-à-vis de ces politiques, c’est le fait que le pouvoir et les responsabilités sont retirés aux citoyens locaux – des réformes bien intentionnées peuvent être dangereuses quand les droits politiques et civiques sont absents ou faiblement défendus.

Dans ce contexte, il est important de donner plus de visibilité et d’appui aux initiatives qui visent à renforcer les droits politiques dans le secteur de la pêche. Des efforts conséquents dans ce sens ont été accomplis dans le cadre de deux récentes Directives internationales préparés par la FAO – les Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts et les Directives volontaires visant à assurer la durabilité de la pêche artisanale dans le contexte de la sécurité alimentaire et de l'éradication de la pauvreté. Ce sont les textes, nous l’espérons, vont gagner en importance dans les efforts pour protéger l'environnement et les communautés de pêche marginalisées des abus de pouvoir par certaines élites politiques et entreprises.

Toutefois, un autre accord international, qui vise les mêmes objectifs, reste largement méconnu des organisations travaillant dans le secteur des pêches: les Directives de Bali, finalisées en 2010. Elles ont été développées afin d'étendre les principes de la Convention d'Aarhus de l'Europe à d'autres pays non-signataires de cette Convention. Les Directives de Bali donnent des détails sur les questions de droits politiques telles qu’abordées dans les autres Directives de la FAO, et pourraient dès lors être un complément utile pour les débats politiques et le plaidoyer dans la pêche.

Les directives de Bali : qu’est-ce que c’est?

L'histoire des Directives de Bali remonte au sommet de la Terre tenu à Rio en 1992, où plus de 170 gouvernements souscrivent à une déclaration sur l'environnement et le développement. Le Principe 10 de cette déclaration est depuis lors devenu un point critique pour les campagnes sur la justice et la responsabilité en matière d'environnement:

"La meilleure façon de traiter les questions d’environnement est d’assurer la participation de tous les citoyens concernés, au niveau qui convient. Au niveau national, chaque individu doit avoir dûment accès aux informations relatives à l’environnement que détiennent les autorités publiques, y compris aux informations relatives aux substances et activités dangereuses dans leurs collectivités, et avoir la possibilité de participer aux processus de prise de décision. Les États doivent faciliter et encourager la sensibilisation et la participation du public en mettant les informations à la disposition de celui-ci. Un accès effectif à des actions judiciaires et administratives, notamment des réparations et des recours, doit être assuré. "

Au milieu des années 90, un certain nombre de pays européens ont rédigé un texte législatif pour fournir un cadre juridique à la mise en œuvre de ce principe. Il a été finalisé en 1998 dans la ville danoise d'Aarhus et a été appelé par la suite la Convention d'Aarhus. Son nom complet est la Convention sur l'accès à l'Information, la Participation du Public au processus décisionnel et l'accès à la Justice en matière d'Environnement.

Il y a maintenant 47 Parties à la Convention d’Aarhus, y compris tous les pays européens, l'Union européenne et plusieurs pays d'Asie centrale. La Suisse a été le dernier pays européen majeur à devenir partie, par la ratification de la Convention en 2014. Bien qu'elle soit principalement une Convention européenne, elle a été établie comme étant ouverte à d’autres pays. La Convention d'Aarhus a trois piliers, qui peuvent se résumer brièvement comme suit:

  • Sur l'accès à l'information:

La Convention d'Aarhus prévoit des règles strictes pour fournir aux citoyens des informations liées à l'environnement. Elle traite de l'accès à l'information comme étant un droit et contient un cadre juridique établissant les raisons légitimes pour lesquelles les pouvoirs publics peuvent refuser de rendre une information publique. Toutefois, la Convention explique que les motifs pour refuser de communiquer les informations devraient être traités de manière restrictive; seulement dans des cas exceptionnels les gouvernements peuvent garder une information confidentielle. Cette approche est guidée par la clause de l’« intérêt public » – les informations devraient être communiquées au public lorsqu'il y a un intérêt public évident à cette fin. Des délais doivent également être prévus lorsque les pouvoirs publics répondent aux demandes d’informations. La Convention stipule aussi que toute personne qui demande des informations n'a pas à justifier pourquoi elle le fait. La Convention décrit également les responsabilités des gouvernements pour établir des systèmes de compilation régulière des informations, de publication des informations sur les activités qui influencent l'environnement. Les états doivent également s'assurer qu’il y ait des ressources suffisantes permettant de rassembler et de diffuser cette information.

  • Sur l'accès à la prise de décision:

La Convention d'Aarhus donne des indications sur la responsabilité des États pour assurer une participation précoce et active des citoyens dans les processus décisionnels. Elle prévoit des règles pour assurer que le public soit informé à temps des décisions influençant l'environnement afin que leur contribution puisse être donnée avant que les décisions finales soient prises. Les Citoyens devraient également être autorisés à se livrer à l'examen des lois qui touchent l'environnement et à contribuer au développement de nouvelles lois.

  • Sur l'accès à la justice:

Le troisième pilier de la Convention oblige les États à faire en sorte que les citoyens aient accès à un tribunal ou à un autre organe indépendant et impartial permettant de contester des décisions du gouvernement et de demander justice, y compris en ce qui concerne l'accès à l'information et la participation au processus décisionnel. Elle décrit plus loin l'importance de garantir un accès aussi facile que possible aux tribunaux. La Convention prévoit également la responsabilité des gouvernements afin d'assurer des formations et le renforcement des capacités de l'appareil judiciaire dans les matières relatives à l'environnement.

Un Comité de conformité de la Convention d'Aarhus a été créé en 2002 pour fournir des conseils aux Parties concernant sa mise en œuvre, et faire des recommandations concernant les plaintes soumises par les autres parties et les membres du public pour des cas de non-conformité.

Un aspect quelque peu négligé de la Convention, c’est que les Parties s'engagent à promouvoir les principes de la Convention dans leurs relations avec d'autres pays. C'est quelque chose à considérer lorsque les pays européens accordent une aide au développement pour la pêche ou signent des accords commerciaux ou accords de pêche avec les pays tiers.

Sur base de la Convention d’Aarhus, le PNUE a mis au point des directives pour aider les Etats non-signataires à adopter une législation similaire. Cela a conduit aux Directives pour l'élaboration d'une législation nationale sur l'accès à l'information, la participation du public et l'accès à la justice en matière d'environnement, officiellement adoptées par le Conseil d'administration du PNUE à Bali en 2010.

Le PNUE, en partenariat avec d'autres organisations, a entrepris plusieurs activités visant à promouvoir ces Directives: rencontres de haut niveau, recherche, sensibilisation, programmes de renforcement des capacités. Un récent rapport de tous ces efforts met en évidence un certain nombre de changements positifs, en particulier en Amérique du Sud, ainsi que dans certains pays d'Asie et d'Afrique. Peut-être un des signes les plus prometteurs est venu en 2012 quand 19 pays d'Amérique du Sud et des Caraïbes ont signé une déclaration commune sur leur intention de mettre en œuvre le Principe 10 de la déclaration de Rio. Nous espérons que cet engagement conduise à un instrument juridique régional en Amérique du Sud et dans les Caraïbes similaire à la Convention d'Aarhus.

Pourquoi les Directives de Bali sont importantes pour la pêche?

Jusqu'à présent les efforts faits pour promouvoir et appliquer les directives de Bali n'ont que peu impliqué les communautés de pêcheurs et organisations travaillant dans la pêche, et ces Directives, ainsi la Convention d'Aarhus sont méconnues dans ce secteur. Cependant, la Convention d'Aarhus est bel et bien applicable au secteur de la pêche: CAPE a d’ailleurs utilisé la Convention d'Aarhus pour convaincre la Commission européenne de publier des évaluations précédemment confidentielles sur des accords de pêche de l'Union européenne en 2011.

Ceux qui participent au plaidoyer pour l'amélioration de la gouvernance des pêches devraient faire davantage pour mieux comprendre et utiliser les Directives de Bali. L'une des raisons, c’est que le secteur de la pêche peut être victime de son repli sur soi – il est rare de voir des alliances entre la pêche et des campagnes et luttes semblables dans d’autres secteurs – les Directives volontaires de la FAO sur le régime foncier était une exception bienvenue, car elle fait le lien entre agriculture, pêche et sylviculture, en soulignant que les problèmes fonciers et d’occupation territoriale sont communs à ces trois secteurs. Mais ce n'est pas le cas en général, et la pêche est souvent abordée de façon isolée, maladroitement coincée entre les questions relatives au commerce, à l'agriculture ou à l'environnement. Collaborer avec les organisations qui travaillent sur les Directives de Bali permettrait de garantir que les pêches et les écosystèmes marins soient pris en compte dans les travaux visant à mettre en place des législations nationales et régionales similaires à ce qui a été fait grâce à la Convention d'Aarhus. Une telle collaboration pourrait aider à renforcer les réseaux entre les groupes de la société civile travaillant dans différents secteurs, sur des réformes législatives qui s'appliqueraient à tous les secteurs visant l’exploitation de ressources naturelles.

Toutefois, la raison la plus importante pour s’intéresser aux Directives de Bali est que celles-ci sont plus détaillées et plus complètes que beaucoup d'autres initiatives et accords dans le domaine de la pêche, qui font référence à la nécessité d'accéder aux informations (ou à la transparence), à l'importance de la participation du public et à la nécessité d'un accès à la justice, mais qui restent vagues sur la façon dont ces droits sont interprétés et peuvent être transposés dans la législation.

Les Directives de Bali s'inspirent sur la Convention d'Aarhus, qui non seulement donne des détails assez complets dans son texte sur la mise en œuvre et l'interprétation des droits politiques, mais a aussi généré une jurisprudence abondante et développé des organes forts pour soutenir et mettre en œuvre la Convention.

Par exemple, les deux directives de la FAO qui parlent de la nécessité de transparence dans la pêche fournissent peu d'indications sur la façon dont les administrations doivent interpréter la question de la confidentialité et dans quelles circonstances les citoyens ont le droit d'interjeter appel. Ces directives de la FAO sont également vagues sur les règles et procédures nécessaires à la réalisation de l'accès à l'information, et ne contiennent pas de détails précisant comment l'accès à la justice doit fonctionner dans la pratique. Ces questions sont précisées dans les Directives de Bali.

De même, d’autres accords internationaux ou stratégies de réforme en matière de pêche sont très superficiels sur la question des droits politiques. Le Plan d'Action International visant à Prévenir, à Contrecarrer et à Éliminer la Pêche Illicite, Non déclarée et Non réglementée de 2001 fait référence à la nécessité pour les États d’améliorer le partage de l'information, mais rappelle aussi la nécessité de respecter la confidentialité. Elle n'explique pas comment les États doivent interpréter cela...

Un langage similaire est utilisé dans la stratégie panafricaine de réforme des pêches et de l'aquaculture de 2014, où le manque de transparence est mis en évidence comme étant un problème dans les pêches africaines, la recommandation étant que les États africains doivent améliorer le partage de l’information tout en respectant les règles existantes sur la confidentialité de cette information. Cette formulation ambiguë laisse beaucoup trop de place à interprétation et ne contribue guère à mettre en place des réformes allant dans le sens d’une plus grande démocratie.

 Il y a également d’autres exemples, dans le domaine de la pêche, d’initiatives qui échouent à lier des réformes sur le partage de l'information ou la participation citoyenne avec la mise en place d’institutions efficaces pour l'accès à la justice – or, sans accès à la justice, les autres droits politiques sont faibles. Il s'agit là d'une faiblesse potentielle des initiatives pour la transparence, telles que l'Initiative de Transparence de l'Industrie de la Pêche (FiTI).

Il est bon que les gouvernements et les entreprises discutent de la nécessité de publier plus d'informations sur la pêche, mais les effets sur l’amélioration de la durabilité et de l’équité de l’exploitation et du commerce du poisson resteront négligeables si les citoyens ne disposent pas d'une protection juridique, ou des moyens de contribuer et de contester les décisions politiques prises. En effet, un aspect central de la Convention d'Arhus, qui est clairement repris dans les Directives de Bali, c’est la nature interdépendante des droits politiques – le droit d’accès à l'information est dénué de sens si les citoyens n'ont pas de droits d’accès à la prise de décision et l’effectivité de ces deux droits dépend de l'accès à la justice.

Il nous manque donc un cadre solide pour faire avancer les droits politiques dans le domaine de la pêche, si nous nous limitons aux accords et initiatives existants. Les Directives de Bali, en conjonction avec la jurisprudence de la Convention d'Aarhus, offrent une solution par les détails qu’elles donnent pour la mise en œuvre des droits politiques, d’une manière qui reconnaît l’interdépendance de ces droits politiques. Les Directives de Bali devraient également devenir un point de référence pour évaluer la force des initiatives existantes dans le domaine de la pêche, qui visent notamment à renforcer la transparence, et un point focal pour les activités de plaidoyer visant à promouvoir des réformes législatives pour une exploitation et un commerce durable et équitable des ressources halieutiques.

La Convention sur les Conditions Minimales d'Accès: un outil pour la gestion concertée des ressources en Afrique de l'Ouest

Interview avec Mme Diénaba Bèye Traoré, Chef de Département Harmonisation des Politiques et Législations des Pêches de la Commission Sous Régionale des Pêches d’Afrique de l’Ouest (CSRP).

 

La gestion des stocks partagés, en particulier les petits pélagiques, est-elle un enjeu important pour la CSRP?

La CSRP est une organisation inter-gouvernementale qui regroupe sept Etats membres: le Cabo Verde, la Gambie, la Guinée, la Guinée Bissau, la Mauritanie, le Sénégal et la Sierra Leone, et trois Etats associés: le Maroc, le Liberia et le Ghana. La production halieutique annuelle dans la zone couverte par la CSRP dépasse 1.7 million de tonnes de poisson, pour une valeur estimée à 1.5 milliards de dollars US par an. Près de 77% de ces débarquements sont composés de petits pélagiques, qui sont non seulement la clé de voûte du commerce de poissons en Afrique de l’Ouest, - on estime qu’un million de tonnes par an sont commercialisées dans la région-, mais représentent aussi, en moyenne, 26% des apports en protéines animales des populations de la région. Ces stocks sont stratégiques pour la région, et la CSRP se préoccupe de promouvoir leur gestion durable.

Cet aspect a également été abordé dans l’avis du Tribunal International du Droit de la Mer (TIDM) suite aux questions de la CSRP concernant les responsabilités des Etats dans la lutte contre la pêche INN et dans la gestion durable des stocks partagés…

L’avis du TIDM réaffirme que l’Etat côtier est le premier responsable en cas de pêche INN dans sa ZEE. C’est à l’Etat côtier de prendre les mesures nécessaires en vue de prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche INN, y compris l’arraisonnement, l’inspection, la saisie et l’introduction d’instance judiciaire. Il incombe aussi à l’Etat côtier de signaler à l’Etat du pavillon lorsque son contrôle sur un de ses navires n’a pas été exercé de manière appropriée.

Concernant les stocks partagés, l’avis du TIDM réaffirme également que les Etats Membres de la CSRP ont l’obligation de coopérer afin de prendre les mesures appropriées de conservation et de gestion pour éviter que le stock partagé ne soit compromis par une surexploitation.

Il faut souligner que les Etats de la CSRP sont liés par la Convention sur les Conditions Minimales d’Accès[1] (CCMA) La CCMA demande notamment (Article 9 al.2) que ‘Les Etats membres privilégient la mise en place de plans d’aménagement concertés pour les stocks partagés’. A travers cette Convention, les Etats membres de la CSRP s’engagent également à ce que les mesures de conservation et de gestion se fondent sur les données scientifiques les plus fiables dont ils disposent, et, si ces données sont insuffisantes, à appliquer le principe de précaution. Ces principes valent aussi pour la négociation et la signature d’accords de pêche.

Quel est le problème principal rencontré par rapport aux accords de pêche signés par les pays de la région?

Je dirais que l'insuffisance de concertation dans les négociations des accords de pêche est un problème majeur. Chaque Etat privilégie sa souveraineté sur l'espace maritime national, au détriment de la concertation avec ses voisins.

Ensuite, si on regarde l’article 3 de la Convention sur les Conditions minimales d’Accès de la CSRP, il y est dit que l’accès des flottes étrangères au surplus doit se faire après avis des institutions de recherche de l’Etat concerné. Or, ces centres de recherche, qui sont censés convaincre les Etats de la nécessité de coopérer, ne sont pas bien outillés en infrastructures: inexistence ou insuffisance de navires de recherche opérationnels, pas ou peu de laboratoires, conditions de travail très difficiles pour les chercheurs...

En outre, la CCMA stipule que l'embarquement d'observateur et de marins nationaux est obligatoire à bord des navires pêchant des stocks partagés. Mais là aussi, les Etats font face à des difficultés d'embarquement de ces deux catégories de professionnels car les bateaux ne viennent pas au port dans chacun des pays. La CCMA privilégie en conséquence la négociation d’accords groupés, ce qui pourrait permettre d’éviter ce problème, en mettant à bord un observateur et des marins ayant un statut régional. Une révision de la CCMA est d’ailleurs envisagée pour prévoir la possibilité de négocier et signer des accords de pêche groupés.

La CCMA promeut l’harmonisation des mesures de gestion entre les Etats membres de la CSRP. Quel travail fait la CSRP dans ce cadre?

Au niveau de la zone de la CSRP, les législations nationales doivent être harmonisées en lien avec la CCMA sur une série d’éléments: embarquement obligatoires d’observateurs et de marins de la région, gestion de la pêche artisanale (caractérisation, obligation d'autorisation de pêche et d’immatriculation des pirogues, etc). Cette harmonisation est importante également en ce qui concerne la mise en œuvre des Mesures du ressort de l'Etat du Port pour la lutte contre la pêche INN: il faut harmoniser la nomenclature des infractions dans les États membres en établissant la liste des infractions devant être considérées comme graves dans la sous-région. Actuellement, la CSRP conduit une étude pour comparer les législations nationales par rapport à la CCMA. En outre, deux projets de protocoles sont en cours de préparation, portant respectivement sur la protection des communautés de pêcheurs artisans et sur les Aires Marines Protégées.

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[1] http://spcsrp.org/medias/csrp/documents/csrp2012/csrp-CMA_version_originale_juin_2012_fr.pdf