Les transformateurs espagnols importent des longes de thon de PNG sans sourciller

Sous l’APE intérimaire UE-Pacifique signé par la Papouasie-Nouvelle-Guinée (PNG), une dérogation aux Règles d’Origine (RoO) permet au thon capturé par les navires de n’importe quel pays d’être débarqué et transformé dans les conserveries de PNG avant d’être importé vers le marché européen. Dès l’entrée en vigueur de ces nouvelles règles (initialisées en 2007), l’industrie thonière européenne a exprimé son inquiétude, estimant que cette dérogation ouvrirait la porte à des importations massives dans l’UE de produits d’origine douteuse vis-à-vis des normes SPS et INN.

En janvier 2011, la Commission Pêche du Parlement européen a souligné que cette dérogation pour l’approvisionnement global "a fait de ce pays un véritable carrefour pour le traitement d’énormes quantités de thon de divers pays, (...) a causé une perturbation considérable sur le marché du thon en conserve, et constitue une concurrence déloyale pour le secteur européen, déjà désavantagé économiquement en raison des coûts du travail beaucoup plus élevés et de l’application de normes environnementales, de santé et d’hygiène beaucoup plus strictes".

Les intérêts espagnols, comme le signale un récent article dans The Courier, ont franchement remis en cause cette dérogation : "Bien que le Parlement européen a ratifié l’APE avec la PNG, des protestations se font encore entendre de la part d’un certain nombre de MPE au sujet de l’accès de la PNG au marché de l’UE, notamment du côté de l’Espagne qui possède également une industrie de la conserve".

Suite à une requête fondée sur le règlement concernant l’accès à l’information, la CAPE a reçu une copie d’une étude récente (2010) commandée par la DG Mare au sujet des règles d’origine préférentielles pour les produits de la pêche et de l’aquaculture. Celle-ci tend à montrer que cette réticence des importateurs européens au sujet des produits en provenance de PNG ne concerne que le thon en boîte. En effet, sur la même période (2007-2009), l’étude montre que les importations de longes de thon en provenance de PNG à destination des conserveries européennes ont presque triplé. Les conserveries de thon européennes sont fortement dépendantes des matières premières en provenance de pays tiers pour approvisionner le marché de l’UE (70% à 80% de la consommation de thon dans l’UE est basée sur les importations) et exporter leurs produits.

En ce qui concerne l’Espagne, le rapport Globefish de la FAO sur le marché du thon pour le premier trimestre de 2011 observe une meilleure performance des exportations espagnoles de thon en conserve, "qui se reflète dans ses importations de matières premières sous la forme de longes de thon précuites, qui ont augmenté de 31,8% par rapport à l’année précédente". Il est utile de noter que, durant la même période (1er trimestre de 2011), la PNG a subi un revers du côté de ses exportations de thon en boîte vers l’Europe, et que celui-ci a été compensé par les importations espagnoles de longes de thon en provenance de PNG.

On est donc en droit de se poser la question suivante : pourquoi l’industrie espagnole ne s’inquiète-t-elle pas des questions de SPS et de pêche INN quand il s’agit d’importer des longes de thon pour ses propres conserveries sous les nouvelles règles d’origine ?