Un rapport publié aujourd'hui par Greenpeace expose les fraudes massives impliquant des sociétés chinoises de pêche en Afrique de l'Ouest, pêchant avec des bateaux battant pavillon chinois ou bien avec des bateaux sous sociétés mixtes.
Les informations obtenues par Greenpeace, principalement au Sénégal, en Guinée-Bissau et en République de Guinée (Conakry), montrent que la plus grande compagnie de pêche lointaine chinoise, la China National Fisheries Corporation (CNFC), ainsi que d’autres entreprises chinoises de la pêche, ont systématiquement sous-déclaré le tonnage de leurs navires de pêche depuis des années.
La sous déclaration du tonnage des navires, c’est de la pêche illégale, selon la législation des États côtiers et des Etats du pavillon impliqués, ainsi que dans les termes du Plan d'Action International pour prévenir, décourager et éliminer la pêche INN de la FAO. Selon Greenpeace, cette forme généralisée de fraude dure depuis près de 30 ans et implique des responsabilités à différents niveaux, en Chine et dans les pays côtiers concernés.
Greenpeace a calculé que, de 2000 à 2014, CNFC a sous-déclaré le tonnage de ses navires aux autorités sénégalaises de 43 % en moyenne par an, par rapport à leur tonnage réel. En 2014 seulement, CNFC a frauduleusement caché un total de 1742 GT.
Cette pratique frauduleuse par la compagnie CNFC s’est produite aussi en Guinée Bissau et en Guinée, et implique d'autres sociétés chinoises. Pour 59 navires de la CNFC qui pêchent au Sénégal, en Guinée-Bissau et en Guinée en 2014, les preuves trouvées montrent que le tonnage de 44 navires était sous-déclaré. Au total, c’est 6757.7 GT qui ont été cachés aux États côtiers, ce qui équivaut à 22 navires de pêche industrielle supplémentaires dans leurs eaux, d'une capacité chacun de 300 GT.
Comme les droits de licence sont calculés sur la base du tonnage des bateaux, les entreprises qui sous-déclarent le tonnage de leurs bateaux privent les gouvernements des États côtiers de revenus. Par exemple, au Sénégal, cette fraude a représenté un manque à gagner estimé pour le Sénégal à au moins 371,404,800 Francs CFA (566 203 euros) en droits de licence, que la compagnie CNFC a évité de payer au cours de la période 2000 - 2014[1].
Cette fraude a aussi permis à ces navires industriels d'accéder aux lieux de pêche de pêcheurs artisanaux locaux où ils ne devraient pas pêcher, comme c'est le cas au Sénégal.
La fraude au tonnage signifie également que la capacité de pêche réelle déployée est beaucoup plus élevée que ce qui est autorisé, ce qui sape les efforts de gestion et de conservation des États côtiers, comme en témoigne l'accord CNFC et la Guinée-Bissau. Selon les termes et conditions prévus par l'accord de pêche signé entre la compagnie CNFC et la Guinée-Bissau en 2010, il apparaît que, dans la première moitié de 2014 seulement, la capacité de pêche réelle des navires CNFC a dépassé la limite de la capacité autorisée de 61 %.
Le degré de fraude au tonnage soulève également la question de la proportion des captures de la CNFC et des autres sociétés qui étaient illégales. Considérant que poissons pris par ces entreprises chinoises a été vendu, entre autres, sur les marchés européens, cela met en évidence les manquements dans les efforts actuels de l'UE pour arrêter le commerce du poisson venant de la pêche INN.
Greenpeace conclut en soulignant qu'il est urgent que les Etats, tant les états du pavillon que les états côtiers, enquêtent sur la fraude au tonnage par les sociétés de pêche chinoises, ainsi que la fraude potentielle par d'autres sociétés de pêche industrielle dont les navires pêchent dans leurs ZEE, que ce soit des navires battant pavillon étranger ou locaux. En outre, tous les États concernés devraient procéder à une évaluation complète et publier les listes des navires de pêche opérant dans leurs eaux et/ou sous leur pavillon.
[1] ces chiffres sont sans doute sous-estimés car il inclut uniquement les données pour 15 des 30 années d'opérations CNFC au Sénégal seul et que la partie des navires pour lesquels GT pourrait être estimée.
Lien vers le rapport de Greenpeace 'Arnaque sur les côtes africaines': http://www.greenpeace.org/africa/Global/africa/graphics/Amigo/Arnaque%20sur%20les%20c%C3%B4tes%20Africaines%20POUR%20LE%20WEB.pdf