Lutte de l’UE contre la pêche INN : une transparence accrue est nécessaire

Ce 5 Juin, la Journée Internationale de lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN) est célébrée par l’Union européenne. Si l’UE peut se targuer d’avoir une législation ambitieuse en termes de lutte contre la pêche INN, la transparence dans la mise en œuvre de cette législation doit être améliorée.

 Ainsi, lorsque la Commission européenne notifie un pays tiers qu’il pourrait être considéré comme pays non coopérant dans la lutte contre la pêche INN, la Commission fournit à ce pays un plan d’actions qu’elle estime devoir être mises en place pour éviter ‘le carton rouge’, la notification qui entraîne des sanctions importantes, comme un arrêt des importations par l’UE des produits de la pêche de ce pays.

La procédure de notification est stoppée lorsque l’UE estime que le pays tiers à mis en œuvre les mesures nécessaires. Mais sur quelles mesures prises par le pays tiers l’UE se base t’elle pour arrêter la procédure? Difficile à dire vu que ces éléments restent confidentiels. Dès lors, peut-on être sûr que le pays tiers a mis en œuvre toutes les mesures nécessaires pour lutter efficacement contre la pêche INN? Au regard de ce qui s’est passé en Corée du Sud début 2019, rien n’est moins sûr.

 Le cas de la Corée du Sud

 Le 26 novembre 2013, la Commission européenne notifiait à la Corée qu’elle pourrait être considérée comme pays non coopérant dans la lutte contre la pêche INN. Cette décision[1] décrit de manière exhaustive et minutieuse, les manquements de la Corée à l’égard du règlement INN, y compris des opérations de pêche illicites au large des côtes africaines. Un an et demi plus tard, le 29 avril 2015, le Journal Officiel publie une courte notice d’à peine une page où il est dit que la Commission met fin aux démarches en question car « La République de Corée a pris les mesures nécessaires pour faire cesser les activités de pêche INN en question et prévenir toute activité de ce type, rectifiant tout acte ou omission ayant conduit à la notification de la possibilité d’être recensée en tant que pays non coopérant dans la lutte contre la pêche INN » (JO C 142). La Corée était dorénavant lavée des soupçons de favoriser la pêche INN.

Mais, en février 2019, un groupe d’ONG annonçait que le gouvernement coréen avait failli à ses obligations en matière de lutte contre la pêche INN: “Le gouvernement coréen n’a pas sanctionné deux bateaux qui avaient pêché illégalement dans les eaux de l’Antarctique. Les autorités coréennes ont permis au propriétaire de vendre le poisson capturé illégalement, de haute valeur, sur le marché mondial”[2].

 Est-ce là un signe que la Corée, contrairement à ce qui a été annoncé par l’UE en 2015, n’avait pas mis en œuvre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre la pêche INN ?

Notre demande d’accès aux documents

Pour en avoir le cœur net, le 20 février 2019, CAPE a demandé à la Commission de communiquer le plan d’action qu’elle avait proposé à la Corée de mettre en œuvre pour éviter d’être recensée comme pays tiers non coopérant, ainsi que le rapport établi par la DG Mare sur base duquel la Commission a mis fin aux démarches engagées à l’égard de la Corée.

La DG MARE nous a répondu le 13 mars 2019 que les documents demandés contenaient des informations très sensibles qui sont au cœur des relations bilatérales avec la Corée pour lutter contre la pêche INN et que le succès du dialogue formel avec ce pays dépendait de la confidentialité des échanges que la Commission avait avec lui. Par conséquent, ces documents ne pouvaient pas être communiqués. Quant au rapport établi par la DG MARE et qui, selon nous, avait nécessairement servi de base pour prendre la décision de mettre fin aux démarches, la DG MARE nous a tout simplement répondu qu’il n’existait pas !

Cette réponse de la DG Mare n’était pas acceptable. Pour quelles raisons la publication du plan d’action mettrait-elle en péril les relations bilatérales avec la Corée, sauf à vouloir cacher au public des éléments qui comporteraient des contradictions avec la décision de mettre fin aux démarches vis-à-vis de ce pays? Et comment croire que cette décision aurait été adoptée sans qu’aucun rapport d’évaluation n’ait été établi, démontrant que les manquements avaient été adressés ?

 Dès lors, conformément au règlement n° 1049/2001 relatif à l’accès du public aux documents des institutions de l’UE, CAPE a décidé de confirmer notre demande d’informations auprès du Secrétariat Général de la Commission, le 25 mars 2019. 

 Celui-ci nous a répondu le 8 mai 2019, en nous transmettant les documents suivants, reconnaissant de fait que le rejet catégorique opposé par la DG MARE à notre première demande n’était pas fondé.

 1) la lettre adressée le 26 novembre 2013 à la Corée avec le plan d’action joint à cette lettre

2) trois documents, correspondant, selon le Secrétariat-Général, à notre demande relative au rapport qui a servi de base pour prendre la décision de mettre fin aux démarches :

i) la « Note to file » établie le 10 mars 2015 à l’issue d’une mission réalisée par une équipe de la DG MARE en Corée les 24 et 25 février 2015,

ii) la note du 17 mars 2015 de la DG MARE au commissaire chargé de la pêche

iii) la lettre du 21 avril 2015 adressée par le commissaire chargé de la pêche au ministre des océans et des pêches en Corée

 Que nous apprennent les documents fournis?

 De nombreux passages essentiels des documents envoyés sont masqués. Cela nous empêche de connaître le détail des raisons qui ont abouti, pour la Commission, à stopper la procédure de notification engagée par rapport à la Corée en 2013.

Dans la lettre adressée au Ministre des Océans et des Pêches de Corée, on relève seulement que la Corée a révisé le cadre juridique de l’exercice de la pêche en adoptant une loi sur le développement des pêches lointaines, en actualisant le système de gestion des pêches, en renforçant le respect des obligations relatives aux Etats du port, mais sans décrire les éléments concrets menant à cette appréciation.

 Une chose est claire cependant: la position de la Commission manque de cohérence.

En effet, la lettre du 26 novembre 2013 était explicite: toutes les mesures proposée dans le plan d’action devaient être prises, sans exception[3]. Dans la notice publiée au Journal officiel en 2015, annonçant l’arrêt des démarches, il est d’ailleurs indiqué que la Corée “a pris les mesures nécessaires pour faire cesser les activités de pêche INN et en prévenir de nouvelles, et qu’elle a rectifié tout acte ou omission ayant conduit à la notification de la possibilité d’être recensée comme pays non coopérant dans la lutte contre pêche INN”.

Mais alors, pourquoi, dans la réponse du Secrétariat général de la Commission que nous avons reçue le 9 mai 2019, nous est-il répondu que « l’évaluation dans le cadre de la Réglementation (CE) N°1005/2008 est en cours »[4]?

De deux choses l’une : soit le plan d’action a été correctement mis en œuvre, soit il ne l’a pas été dans sa totalité. Puisque l’évaluation est toujours en cours, cela veut dire que la deuxième hypothèse est la plus probable.

Les démarches visant à notifier la Corée comme partie non coopérante dans la lutte contre la pêche INN auraient donc été arrêtées sans que le plan d’action proposé par la Commission soit mis en œuvre dans l’ensemble de ses éléments, contrairement à ce qui était requis.

 Au-delà de cette constatation, il est très regrettable que la Commission refuse de nous communiquer les éléments qui nous auraient permis d’élaborer notre propre appréciation sur la réelle volonté – ou non – de la Corée de lutter contre la pêche INN.

Cette décision n’est pas fondée en droit. Etant donné que la décision d’entreprendre des démarches a fait l’objet d’une décision motivée publiée au Journal officiel, la décision d’y mettre fin doit, en toute logique juridique, faire de la même manière l’objet d’une décision motivée publiée dans le Journal officiel. La simple notice d’information qui a été publiée ne correspond pas à ce qui est requis.

 La Commission justifie son attitude par le fait que la divulgation des informations contenues dans les passages masqués des documents qui nous ont été remis porterait atteinte à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales[5]:

 La position de la Commission est assez étonnante.

En effet, alors que la décision d’engager des démarches, telle que publiée au Journal officiel, contient des appréciations très sévères à l’égard de la Corée, en revanche, la publication d’éléments qui sont censés montrer les progrès faits par ce pays pour mettre en œuvre le plan d’action proposé porterait atteinte aux relations que l’UE a avec lui? Cela est plutôt contradictoire.

En ne divulguant pas ces éléments, la Commission agit en réalité comme si les progrès constatés sont en réalité bien moins significatifs que cela a été annoncé officiellement.

Le cas de la Corée du Sud montre combien il est nécessaire que la Commission européenne publie les plans d’action proposés aux états tiers en passe d’être notifiés comme parties non coopérantes, ainsi que la publication des actions prises par ces Etats tiers, en particulier lorsque cela résulte dans l’arrêt de la procédure.

Ceci est essentiel pour garantir l’efficacité de la réglementation de l’UE pour lutter contre la pêche INN, et, lorsque la procédure de notification concerne des activités illégales de pêche lointaine de pays tiers, pour contribuer à protéger les communautés côtières des pays en développement, qui sont souvent les premières victimes de ces activités illégales.


[1] publiée au Journal officiel de l’UE, JO C 346 du 27 novembre 2013 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32013D1127(02)&from=FR

[2] https://ejfoundation.org/news-media/2019/korean-government-allows-illegally-caught-fish-onto-global-seafood-market-1

[3] « As a consequence, the Commission invites the Republic of Korea : 1. to take all necessary measures to implement the actions contained in the action plan. … »

[4] « … the evaluation under Regulation (EC) No 1005/2008 is fully ongoing. » (page 7)

[5] « The EU main interest is to encourage the Republic of Korea (as well as other third countries) to comply with the relevant international obligations in a smooth and peaceful manner without recourse to more onerous international dispute settlement procedures and without any further interference that might aggravate the dispute.

In this context, an atmosphere of trust and confidentiality is a prerequisite for a successful completion of the dialogue with the country concerned in the perspective of inducing them to comply with their conservation and cooperation obligations. The breach of the trust would jeopardise the relations between the EU and the countries concerned. Disclosure of information included in the internal documents and concerning the assessment of the compliance of third countries with their international obligations would compromise the EU objective of resolving this matter with these countries in a cooperative manner and in a climate of mutual trust and in a long standing perspective.

Disclosure of the information relating to internal national reform processes could also be detrimental to legitimate trade flows between the parties and put at stake the credibility of the Republic of Korea as fish supplier at global level. » (cf. p. 6)

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L'esprit AKWAABA - le rôle des femmes dans les pêcheries artisanales en Côte d'Ivoire

Alexandre Rodriguez, Secrétaire Exécutif du Conseil Consultatif pour les Pêches lointaines de l’UE (CCPL) nous partage ses réflexions suite à sa visite aux femmes transformatrices d’Abidjan.

Abidjan, le 28 août 2018

Cette semaine, j’ai eu l’occasion de me rendre en Côte d’Ivoire sur invitation de l’une de nos organisations partenaires en Afrique, la Conférence ministérielle sur la coopération halieutique entre les états africains riverains de l’Océan Atlantique (ATLAFCO-COMHAFAT). Ces deux jours et demi ont été aussi intenses que productifs, car nous sommes parvenus à un accord sur le plan d’action pour les états africains riverains de l’Atlantique en termes de pêcheries durables pour 2019 et 2020.

J’ai parlé avec M. Gaoussou Gueye,  Président de la Confédération Africaine des Organisations Professionnelles de la Pêche Artisanale (CAOPA), également présent à cette rencontre, de la possibilité de rencontrer notre collègue commune, Micheline Dion,  Coordinatrice des Programmes Femmes de la CAOPA, sur son lieu de travail afin de voir « l’action en direct, sur le terrain ».

J’ai eu une chance immense car le Président de la CAOPA est non seulement un être humain au grand cœur mais aussi un professionnel respecté et très connu pour son travail au sein des communautés halieutiques de l’Afrique Occidentale. Il ne lui a donc pas été très difficile de contacter Micheline et d’arranger une courte visite au port pour me permettre de découvrir le travail des femmes de la coopérative des transformateurs qu’elle dirige.

Nous avons pris un taxi local pour nous rendre à Locodjro Miami, un tranquille quartier périphérique à 12 km de Plateau. Nous sommes arrivés sur un petit quai niché au cœur d’un superbe paysage, les hauts gratte-ciels et les thoniers-senneurs de la pêche industrielle étrangère amarrés dans le port d’Abidjan se découpant à l’horizon, de l’autre côté de la baie.

À notre descente du taxi, nous avons été accueillis par le grand sourire et la chaleureuse bienvenue de Micheline et ses collègues, qui nous ont souhaité la traditionnelle « bonne arrivée ». J’ai immédiatement été envahi par cette subtile sensation de chaleureuse hospitalité qui habite l’esprit Akwaaba, un mot qui vient du Twi, la langue des Ashantis (peuple du voisin Ghana), et a le même sens dans le dialecte ivoirien.

Micheline est l’une des fondatrices et principales artisanes de la création de la Coopérative des transformatrices de Locodjro, qui a vu le jour avec le but d’améliorer les recettes et les conditions de travail de la communauté locale vivant de la transformation du poisson ; en particulier le thon tropical mais aussi d’autres espèces comme la langoustine.

Le président et la coordinatrice  semblaient connaître tout le monde et discutaient joyeusement avec tous les travailleurs que nous croisions, écoutant attentivement chacune de leurs inquiétudes et chacun de leurs espoirs. Grâce à d’ingénieuses questions, ils parvinrent habilement à me faire participer à la conversation. Me sentant ainsi intégré à la communauté, j’ai moi aussi pu commencer à poser mes propres questions à propos des conditions de travail quotidiennes.

L’activité était relativement calme à notre arrivée, car la plupart des pirogues qui pêchent le thon étaient sorties en mer. Elles partent toutes tôt le matin et reviennent au crépuscule. J’ai quand même pu voir la pirogue du président de la FENACOP-CI restée amarrée ce jour-là. À la question de savoir quelle quantité de poisson ils prennent habituellement avec les pirogues, on m’a répondu que cela dépendait des jours mais que cela pouvait aller de 200 kilos à une tonne par jour.

Micheline m’a expliqué que le travail dépend énormément de la disponibilité de matière première, à savoir le thon. Dans l’ensemble, elle estime que la coopérative travaille environ de 2 à 3 mois sur l’année. Côté postes de travail, la Coopérative emploie actuellement 902 pêcheurs, 305 transformatrices, 173 découpeurs et 283 chargeurs, principalement des habitants de la région d’Abidjan. D'après Micheline, « chaque élément de la chaîne de valeur est important et joue un rôle clé du fonctionnement ». Cela comprend aussi plusieurs bénévoles qui ont proposé d’aider à différentes tâches comme le nettoyage des installations ou la comptabilité de base.

Jusque-là, j’avais été très impressionné par ce que je voyais et par la clairvoyance et les explications de Micheline par rapport au fonctionnement de la Coopérative. C’est pourquoi je lui ai demandé de me donner une idée de la chaîne de valeurs pour m’aider à mieux comprendre le cycle économique complet. Elle m’a patiemment expliqué que le travail se découpe en cinq étapes essentielles :

  1. Débarquement : Les prises fraîchement pêchées chaque jour sont débarquées ou transportées sur le PDA, le point de débarquement, au petit embarcadère.

  2. Triage : Les prises sont triées, séparées et étiquetées dans une zone séparée, puis allouées à chacun des pêcheurs, de leurs femmes et de leurs familles pour la vente à la criée. Les femmes sont également présentes à la criée, dans un espace réservé d’où elles supervisent l’ensemble du processus.

  3. Conservation : Le meilleur poisson est placé dans une chambre réfrigérée pour être vendu aux restaurants et marchés locaux. Le reste du thon est conservé dans du sel et de la glace. Ainsi placé dans des containers en bois remplis de glaçons et recouverts de sel, le poisson peut être conservé à l’air libre pendant 2 à 3 jours car une croûte se forme au-dessus.

  4. Découpage : C’est à ce stade que le thon frais est normalement découpé en trois morceaux, séparés dans différents seaux. La tête est tranchée et donnée aux femmes. La queue et le tronc/la longe sont placés dans d’autres cuves.

  5. Transformation : J’ai été impressionné de voir les vieux fourneaux en fer, allumés au charbon pour faire le poisson fumé.


Four Poisson Fumée.jpg

Plusieurs services auxiliaires sont aussi en cours de développement, comme la salle de soins, les vestiaires, une cantine pour les travailleurs et une salle polyvalente, une garderie et une salle de stockage.

Micheline m’a expliqué que des comptables enregistrent toutes les recettes et les dépenses et s’occupent de la tenue des comptes. Sans oublier la coordination de tous les approvisionnements nécessaires, dont 25 000 sacs de sel que la Coopérative achète à un tarif plus compétitif que les pêcheurs individuels grâce à son pouvoir de négociation concerté.

La réflexion personnelle que je tire de cette visite est que toutes les bases d’une organisation professionnelle sont en place. Mais l'activité se heurte à deux grands obstacles : le manque de ressources financières pour la maintenance des installations et les améliorations requises pour conformité aux normes sanitaires de conservation et vente du poisson ; et l’approvisionnement discontinu qui ne permet d’assurer ni les emplois, ni un revenu économique régulier. Cette initiative constitue un exemple de comment apporter une valeur ajoutée aux activités halieutiques en créant une économie collaborative qui aide à améliorer les conditions de vie et à retenir la population locale grâce à des emplois décents.

Pour résoudre ces difficultés, on peut envisager diverses actions :

  • Embaucher des professeurs et assistants pour la garderie : cela permettrait aux femmes qui viennent avec leurs bébés de mieux travailler sans devoir les porter sur leur dos, et tout en ayant la tranquillité de savoir que leurs enfants sont bien,  dans un cadre sûr. Cette initiative servirait aussi à préparer l’entrée des jeunes enfants en primaire et éviterait l’exposition des plus petits aux fumées et produits chimiques employés dans le fumage du poisson, aux infections et aux maladies découlant de systèmes d’évacuation des déchets de poisson déficients.

  • Bien qu’ayant réussi à signer un accord avec des opérateurs thoniers espagnols privés d’OPAGAC, qui débarquent une partie de leurs captures pour approvisionnement régulier lorsqu’ils accostent ou se ravitaillent au port d’Abidjan, la Coopérative rencontre des difficultés et se heurte à des restrictions du fait de problèmes internes avec les administrations locales et les agents privés du commerce halieutique au port d’Abidjan. Il est urgent de mettre immédiatement en place un système permettant aux autorités ivoiriennes de garantir que l’approvisionnement direct soit mis à disposition de ces femmes gratuitement, sans blocus administratifs ou de facto.

  • Les techniques et les conditions employées pour conserver le poisson sont pour le moins extrêmement précaires, les cuves placées à l’air libre sont très vieilles et ne ferment pas. Le poisson est plongé dans la glace dans ces cuves en bois ou en vieux plastique, ce qui n’est pas bon pour la chaîne du froid. L’emploi de meilleurs fours (FTT) devrait se généraliser.

  • Les hangars ne disposent d’aucun réseau de drainage des eaux ou d’égout pour évaluer les huiles et les eaux usées suite au traitement du poisson dans la zone de transformation. La zone de découpage a dû être installée à l’extérieur du fait du manque d’espace et de maintenance malgré les fonds apportés par le gouvernement marocain. Des investissements adéquats devraient être consacrés à l’amélioration de ces infrastructures.

Toutes les lacunes soulignées pourraient être comblées par la bonne volonté politique et administrative, et par le soutien de bailleurs de fonds. Les ressources adéquates et le soutien continu d’une organisation locale, nationale ou internationale pertinente restent à fournir, usant par exemple des fonds disponibles liés au soutien sectoriel prévus dans les APPD ou projets de développement à la coopération de l’UE ou sponsorisés par des organisations internationales comme la Banque Mondiale ou la Banque Africaine de Développement.


J’aimerais conclure cet article par une citation du Pape François, extraite de son Encyclique de 2015 Laudato Si, qui parle directement des Objectifs de développement durable de l’ONU et s’adresse non seulement aux chrétiens mais aussi à toutes les religions et à tous les peuples du monde : Une « économie éthique doit servir tous les peuples sans exclusion et accorder à toute personne dignité, opportunité et ressources de base ».

Découpeurs de Thon.jpg
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La Convention sur les Conditions Minimales d'Accès: un outil pour la gestion concertée des ressources en Afrique de l'Ouest

Interview avec Mme Diénaba Bèye Traoré, Chef de Département Harmonisation des Politiques et Législations des Pêches de la Commission Sous Régionale des Pêches d’Afrique de l’Ouest (CSRP).

 

La gestion des stocks partagés, en particulier les petits pélagiques, est-elle un enjeu important pour la CSRP?

La CSRP est une organisation inter-gouvernementale qui regroupe sept Etats membres: le Cabo Verde, la Gambie, la Guinée, la Guinée Bissau, la Mauritanie, le Sénégal et la Sierra Leone, et trois Etats associés: le Maroc, le Liberia et le Ghana. La production halieutique annuelle dans la zone couverte par la CSRP dépasse 1.7 million de tonnes de poisson, pour une valeur estimée à 1.5 milliards de dollars US par an. Près de 77% de ces débarquements sont composés de petits pélagiques, qui sont non seulement la clé de voûte du commerce de poissons en Afrique de l’Ouest, - on estime qu’un million de tonnes par an sont commercialisées dans la région-, mais représentent aussi, en moyenne, 26% des apports en protéines animales des populations de la région. Ces stocks sont stratégiques pour la région, et la CSRP se préoccupe de promouvoir leur gestion durable.

Cet aspect a également été abordé dans l’avis du Tribunal International du Droit de la Mer (TIDM) suite aux questions de la CSRP concernant les responsabilités des Etats dans la lutte contre la pêche INN et dans la gestion durable des stocks partagés…

L’avis du TIDM réaffirme que l’Etat côtier est le premier responsable en cas de pêche INN dans sa ZEE. C’est à l’Etat côtier de prendre les mesures nécessaires en vue de prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche INN, y compris l’arraisonnement, l’inspection, la saisie et l’introduction d’instance judiciaire. Il incombe aussi à l’Etat côtier de signaler à l’Etat du pavillon lorsque son contrôle sur un de ses navires n’a pas été exercé de manière appropriée.

Concernant les stocks partagés, l’avis du TIDM réaffirme également que les Etats Membres de la CSRP ont l’obligation de coopérer afin de prendre les mesures appropriées de conservation et de gestion pour éviter que le stock partagé ne soit compromis par une surexploitation.

Il faut souligner que les Etats de la CSRP sont liés par la Convention sur les Conditions Minimales d’Accès[1] (CCMA) La CCMA demande notamment (Article 9 al.2) que ‘Les Etats membres privilégient la mise en place de plans d’aménagement concertés pour les stocks partagés’. A travers cette Convention, les Etats membres de la CSRP s’engagent également à ce que les mesures de conservation et de gestion se fondent sur les données scientifiques les plus fiables dont ils disposent, et, si ces données sont insuffisantes, à appliquer le principe de précaution. Ces principes valent aussi pour la négociation et la signature d’accords de pêche.

Quel est le problème principal rencontré par rapport aux accords de pêche signés par les pays de la région?

Je dirais que l'insuffisance de concertation dans les négociations des accords de pêche est un problème majeur. Chaque Etat privilégie sa souveraineté sur l'espace maritime national, au détriment de la concertation avec ses voisins.

Ensuite, si on regarde l’article 3 de la Convention sur les Conditions minimales d’Accès de la CSRP, il y est dit que l’accès des flottes étrangères au surplus doit se faire après avis des institutions de recherche de l’Etat concerné. Or, ces centres de recherche, qui sont censés convaincre les Etats de la nécessité de coopérer, ne sont pas bien outillés en infrastructures: inexistence ou insuffisance de navires de recherche opérationnels, pas ou peu de laboratoires, conditions de travail très difficiles pour les chercheurs...

En outre, la CCMA stipule que l'embarquement d'observateur et de marins nationaux est obligatoire à bord des navires pêchant des stocks partagés. Mais là aussi, les Etats font face à des difficultés d'embarquement de ces deux catégories de professionnels car les bateaux ne viennent pas au port dans chacun des pays. La CCMA privilégie en conséquence la négociation d’accords groupés, ce qui pourrait permettre d’éviter ce problème, en mettant à bord un observateur et des marins ayant un statut régional. Une révision de la CCMA est d’ailleurs envisagée pour prévoir la possibilité de négocier et signer des accords de pêche groupés.

La CCMA promeut l’harmonisation des mesures de gestion entre les Etats membres de la CSRP. Quel travail fait la CSRP dans ce cadre?

Au niveau de la zone de la CSRP, les législations nationales doivent être harmonisées en lien avec la CCMA sur une série d’éléments: embarquement obligatoires d’observateurs et de marins de la région, gestion de la pêche artisanale (caractérisation, obligation d'autorisation de pêche et d’immatriculation des pirogues, etc). Cette harmonisation est importante également en ce qui concerne la mise en œuvre des Mesures du ressort de l'Etat du Port pour la lutte contre la pêche INN: il faut harmoniser la nomenclature des infractions dans les États membres en établissant la liste des infractions devant être considérées comme graves dans la sous-région. Actuellement, la CSRP conduit une étude pour comparer les législations nationales par rapport à la CCMA. En outre, deux projets de protocoles sont en cours de préparation, portant respectivement sur la protection des communautés de pêcheurs artisans et sur les Aires Marines Protégées.

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[1] http://spcsrp.org/medias/csrp/documents/csrp2012/csrp-CMA_version_originale_juin_2012_fr.pdf

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Les sociétés mixtes de pêche UE en Afrique: nécessité de développer un cadre de durabilité

La constitution de sociétés mixtes dans la pêche africaine est souvent basée sur une connaissance très limitée des écosystèmes, de l’état des ressources ou de la dynamique du secteur de la pêche et des communautés côtières.
Ce manque d'information, au lieu d'encourager les investisseurs étrangers et les institutions à faire preuve de prudence, a souvent entraîné des investissements irresponsables. Il existe d'innombrables cas dans l'histoire des pêches maritimes africaines, où une surpêche, due au surinvestissement dans les installations de production, notamment à travers des sociétés mixtes, a abouti à une baisse des ressources halieutiques, des fermetures d'entreprises et des impacts négatifs pour la pêche côtière locale avec laquelle ces entreprises étaient en compétition pour l’accès aux ressources.
En Afrique de l'Ouest, des investisseurs privés étrangers - principalement chinois, coréens, européens, russes -, opèrent souvent à travers des sociétés mixtes. Ces dernières années, ces sociétés mixtes ont été dénoncées pour leur opacité et, plus récemment, certaines d’entre elles ont été impliquées dans des pratiques frauduleuses systématiques, comme la sous-déclaration de tonnage de navires d'origine chinoise opérant en sociétés mixtes en Afrique de l'Ouest.


Dans le cas de l'UE, il est convient de noter que, dans les accords de partenariat de pêche durable signés entre l'UE et les pays africains, est inséré un article, sur la "Coopération entre organisations professionnelles de la pêche, secteur privé et société civile", qui encourage la mise en place de sociétés mixtes.
Dans un document conjoint, CAPE et son partenaire CAOPA estiment que la mise en oeuvre de cet article nécessite de définir un ensemble de principes pour s'assurer que ces sociétés mixtes opèrent de façon transparente, n’entrent pas en compétition avec la pêche artisanale locale, et sont en ligne avec les objectifs de développement durable de la pêche dans le pays tiers concerné.

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Droits et Responsabilités des Etats du pavillon et côtiers en Afrique de l'Ouest - commentaires sur l'avis du TIDM à la requête de la CSRP

Le 2 avril 2015, le Tribunal International du Droit de la Mer (TIDM) a rendu un avis consultatif, à la suite d’une demande soumise par la Commission sous-régionale des pêches (CSRP), le 28 mars 2013.

 La demande d’avis consultatif a pour but d’appuyer les Etats membres de la CSRP afin qu’ils tirent le plus grand profit de la mise en œuvre effective des instruments juridiques pertinents, et qu’ils soient guidés dans leurs démarches visant à faire face aux défis de la pêche INN.

L’objectif est que les réponses aux questions posées par la CSRP lui permettent d’obtenir les éléments à caractère juridique nécessaires au bon déroulement de ses activités, notamment la mise en œuvre effective de la Convention CMA.

Dans l’ensemble, l’avis consultatif du TIDM reprend et explicite les règles du droit international existantes.

Dans sa note, CAPE résume les principaux éléments de réponse repris dans l'avis consultatif du TIDM et fait les commentaires suivants:

 

·         En général, le TIDM met l'accent sur les responsabilités de l’État du pavillon et insiste peu sur la responsabilité première des États côtiers pour la gestion et la conservation des ressources au sein de leurs Zones Economiques Exclusives, qui se traduit par des droits et obligations, notamment en matière de Contrôle, de Suivi et de Surveillance (SCS). Des lacunes dans ce domaine, ainsi que dans l’application des lois existantes, ont notamment été mises en évidence récemment dans le rapport de Greenpeace, dénonçant diverses opérations de pêche INN par des navires d'origine chinoise, - certains d'entre eux battant pavillon de pays membres de la CSRP : fraude sur le tonnage réel des bateaux, chalutiers pêchant dans la zone de pêche artisanale, etc.

·        Dans l’avis consultatif du TIDM, les Etats membres de la CSRP sont considérés comme des États côtiers, pas comme des Etats du pavillon. Ces dernières années cependant, plusieurs cas de pêche INN par des navires pavillonnés dans l'un des membres de la CSRP, ont été enregistrés (y compris le cas d'un navire thonier sénégalais, d'origine espagnole, arrêté pour pêche illégale dans l’Océan indien/ /ZEE de Madagascar en 2008). Par conséquent, les recommandations de TIDM aux États du pavillon devraient également s'appliquer aux membres de la CSRP.

·         La demande de la CSRP concernant les accords de pêche, et l’avis du TIDM, se focalisent sur le cas où ‘une organisation internationale qui exerce sa compétence exclusive en matière de pêche’ négocie un accord – dans la région, c’est le cas uniquement des accords de pêche bilatéraux négociés par l'UE avec les pays de la CSRP. L’avis consultatif du TIDM devrait aussi servir de base pour engager la responsabilité des autres pays pêcheurs étrangers qui négocient des accords de pêche avec les États côtiers de la CSRP, comme la Russie, la Chine et la Corée, dont les activités de pêche restent généralement opaques.

·         Il est aussi nécessaire d'élargir le débat sur la base de cet avis consultatif à ce que font les entreprises privées, - avec des bateaux originaires de l'Union européenne ou d'autres pays étrangers -, qui signent des accords privés, créent des sociétés mixtes, ou signent des contrats d’affrètement, souvent opaques, pour pêcher dans les eaux de l'Afrique de l'Ouest. Il est nécessaire de renforcer les législations des États côtiers concernant ces autres types d’arrangements, ainsi que le contrôle qu’exerce l'État du pavillon initial - qui reste souvent l'état de la propriété véritable - pour assurer plus de transparence et éviter que ces navires contribuent à la surpêche et à la concurrence avec le secteur local artisanal.

·         Les ressources pélagiques, en particulier des petits pélagiques (sardinelles, sardines, chinchards, etc.) sont des ressources essentielles pour la sécurité alimentaire et la création d’emplois dans le secteur de la pêche artisanale dans la région. L’avis consultatif du TIDM devrait servir à renforcer la volonté politique au niveau régional pour gérer ces ressources de manière coordonnée, y compris lors de la négociation des accords de pêche, en tenant compte des enjeux de durabilité et de sécurité alimentaire.

·         Dans sa déclaration écrite soumise au TIDM dans le contexte de l’examen de la requête de la CSRP, l'UE a décrit sa réglementation comme un outil efficace pour lutter contre la pêche INN, soulignant en particulier les sanctions commerciales : les pays identifiés comme non-coopérants reçoivent une carte jaune, suivie d’une carte rouge si le pays ne prend pas de mesures pour lutter contre la pêche INN. Cette carte rouge signifie que les produits de la pêche du pays concerné ne peuvent pas accéder au marché de l'UE. Toutefois, la mise en œuvre de la réglementation INN de l’UE a révélé ses limites lorsque l'UE a récemment retiré la Corée de la liste des pays non-coopérants sous prétexte que le pays avait entrepris des réformes législatives, uniquement sur papier. Les indications sont que les navires battant pavillon coréen continuent à s'engager dans des activités douteuses au large de la côte occidentale africaine, en particulier en Guinée.

Cependant, la Guinée, Etat membre de la CSRP, a été elle-même répertoriée comme Etat non coopérant par l’UE en 2013, et ce même si elle a entrepris des réformes législatives sur papier. Cette situation crée un soupçon que l'UE applique deux poids deux mesures lors de l'application de sa réglementation INN à la Corée et à la Guinée.

 

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Développer l'Initiative de Transparence de l'Industrie de la pêche (FITI): Que pouvons nous apprendre de l'ITIE?

Cette année a connu le lancement de l'Initiative de transparence des industries de la pêche - la FITI (Fishing Industry Transparency Initiative). Un grand nombre de détails sur la façon dont cela va fonctionner restent à développer. Elle a été créée par une organisation basée en Allemagne, Humboldt-Viadrina Plateforme de gouvernance, fondée par le professeur Eigen, un membre de l'Africa Progress Panel, et un des fondateurs de l'Initiative de Transparence des Industries Extractives (ITIE) et de Transparency International. Le lancement de la FITI a eu lieu en Mauritanie lors d'une réunion co-organisée avec le gouvernement, et a donné lieu à la Déclaration de Nouakchott signée le 20 Janvier. Mohamed Ould Abdel Aziz, le Président de la République islamique de Mauritanie, s’est engagé à ce que la Mauritanie soit le premier pays à mettre en œuvre le FITI.

CAPE et ses partenaires, en particulier la CAOPA, ont fait campagne pour la transparence et pour des réformes politiques dans la pêche pendant depuis longtemps. En 2011, nous avons entrepris une enquête dans 11 pays africains qui a révélé que la plupart des pays gardent les détails des licences et des accords d'accès confidentiels. Il est aussi extrêmement difficile pour les groupes de la société civile locale d’obtenir des informations sur les revenus de la pêche et sur la façon dont les gouvernements l’utilisent. La majorité des autorités de gestion des pêches interrogées n’ont pas de site internet ou de rapport annuel. Des millions de dollars sont dépensés pour le développement de la pêche en Afrique, mais les informations sur les projets, les résultats et les évaluations sont rarement partagées avec la société civile, y compris les communautés de pêche.

De nombreux exemples au cours des dernières années mettent en évidence les raisons pour lesquelles un nombre croissant d'organisations appellent à une plus grande transparence. L'octroi de licences aux chalutiers russes et asiatiques au Sénégal, en Mauritanie et en Guinée-Bissau est un exemple frappant - les accords d'accès secrets entre le gouvernement du Sénégal et des compagnies étrangères a provoqué une grave menace pour le secteur de la pêche local, conduisant à de nombreuses protestations. Au Mozambique, en 2013, le gouvernement a rassemblé 850 millions USD pour financer une société de pêche privée, mais le manque de transparence qui entoure cette affaire a suscité des critiques au niveau international, y compris par les bailleurs de fonds qui menacent de suspendre l'aide au pays.

Les progrès pour accroître la transparence dans la pêche ont été décevants. Les meilleurs résultats ont été a priori obtenus par l'Union européenne, qui ont répondu positivement à la demande de commencer à publier des évaluations internes de ses accords de pêche d'accès. Une proposition de règlement de l’UE sur les autorisations de pêche pourrait également obliger les entreprises de pêche de l'UE à divulguer des informations sur l'ensemble de leurs opérations de pêche dans les pays étrangers, tandis que la flotte thonière de l'UE a récemment lancé la Tuna Transparency Initiative. Ce sont de petites étapes, et les efforts pour réformer la pêche, comme cela est fait par l'Union africaine, exigent des engagements plus fermes sur la manière dont la gouvernance des pêches devrait être plus ouverte et responsable.

L'annonce de la FITI est donc extrêmement intéressante. Il pourrait s’agir d’un moyen pratique pour obtenir que le secteur de la pêche soit géré de manière plus transparente. Cependant, les initiatives de transparence ont quelques limitations majeures et restent controversées parmi certains experts. Dans cet article, nous souhaitons décrire certaines de ces limitations et les pièges entourant les initiatives de transparence, et nous mettons en évidence six questions clés qui devront être abordées dans le processus de développement du FITI.

Comment le FITI fonctionne t’il?

L’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE) est la source d’inspiration pour le FITI. L'ITIE a été développée en raison de l'inquiétude de nombreux pays riches en ressources, dont les revenus provenant du pétrole, du gaz et des mines sont souvent pillés par les élites et contribuent très peu au développement national. La dépendance de ces gouvernements sur les revenus de l'industrie extractive est souvent dépeinte comme une « malédiction » - liée au déclin de démocratie, à des niveaux élevés de corruption gouvernementale, à des conflits civils et à divers autres problèmes économiques et sociaux.

L’ITIE est donc devenue la principale réponse internationale à la lutte contre cette « malédiction des ressources ». Elle a développé un système de plateforme multi-parties prenantes dans le but de comptabiliser des revenus de l'industrie extractive. Avec un secrétariat désormais établi en Norvège, un groupe consultatif international, avec des représentants des ONG, des entreprises et des gouvernements, informe son fonctionnement. Ce groupe consultatif examinent les standards de l'ITIE et leur mise en œuvre, toutes les décisions devant être validées par chaque membre.

Chaque gouvernement signataire de l’ITIE établit un comité national chargé de superviser sa mise en œuvre, comprenant le gouvernement, les sociétés minières locales et des groupes de la société civile locale sélectionnés. Ce comité fournit ensuite des comptes sur les revenus de l'exploitation minière qui sont vérifiés par un vérificateur indépendant. Ces rapports annuels de l’ITIE devraient démontrer au public que ce que les entreprises annoncent payer correspond à ce que le gouvernement déclare comme revenus. Les pays qui entament le processus de mise en œuvre de l'ITIE sont considérés comme des « pays d'exécution », et ceux qui produisent des rapports vérifiés sont « conformes à l'ITIE ».

L’ITIE a été particulièrement efficace en termes de zone de couverture. Elle a été créée au début des années 2000, avec le Nigeria comme premier pays en développement à mettre en œuvre le modèle. Depuis lors, 48 pays ont commencé à mettre en œuvre l'ITIE, avec 31 désormais pleinement conformes. La plupart d'entre eux sont des pays en développement en Afrique, mais l'ITIE a aussi été pleinement mise en œuvre en Norvège et au Royaume-Uni et les États-Unis sont en train de faire la même chose. Au total les rapports de l'ITIE ont suivi plus de 1,5 billions de USD de paiements des industries extractives.

Le projet de FITI fonctionnera probablement sur des bases similaires à celles de l'ITIE, avec un organe consultatif international composé de 3 groupes de parties prenantes - l'industrie, la société civile et les gouvernements. Elle va développer un ensemble de standards – c’est à dire quelle informations doivent être publiées par un pays afin qu’il soit en conformité avec la FITI, et elle va développer un système de vérification pour assurer que les données publiées sont crédibles. Nous devrions nous attendre à ce que, dans les pays qui s’engagent envers cette initiative, il y ait aussi un comité national de coordination comprenant le gouvernement, la société civile locale et une représentation de l'industrie.

Alors que l'ITIE a mis l'accent sur les paiements de revenus, la FITI va probablement s’intéresser à un large éventail de problématiques, susceptibles d'inclure la transparence dans tous les modes d'accès (les licences, les accords d'affrètement, les sociétés mixtes et les accords d'accès bilatéraux), ce qui signifie que les pays conformes à la FITI devraient publier chaque année une liste complète des entreprises autorisées à pêcher dans leurs eaux, ainsi que les informations sur les conditions de ces autorisations. La question de savoir qui sont les véritables propriétaires de navires pourrait devenir un enjeu clé.

Dépendant de l’ambition qu’elle veut se donner, la FITI pourrait inclure des données de l'industrie sur les captures, les prises accessoires et les rejets, et peut-être des données sur d'autres sujets, y compris des investissements privés et des paiements d'aide au développement. L’ITIE a progressivement élargi ses standards, et on pourrait voir quelque chose de similaire pour le FITI – elle pourrait commencer en mettant l’accent sur une gamme limitée d’informations, dans l'idée que cela pourrait devenir plus complet par la suite.

Quelles sont les limites de l'ITIE?

La principale préoccupation à propos de l'ITIE a été son impact. A t-elle vraiment fait une différence ?

L'ITIE a  été présentée comme un outil politique majeur pour réduire les possibilités de corruption, améliorer le développement des pays qui ont d'importants secteurs d'industrie extractive, et rendre la gouvernance de ces industries plus démocratique et responsable.

Il est cependant incertain que l'ITIE ait eu un impact positif significatif dans la plupart des pays. Il y a des exemples individuels où les rapports de l'ITIE ont révélé des erreurs comptables et peut-être certaines fraudes, mais l’ITIE n'a pas été en mesure d'apporter des améliorations généralisées dans la réduction de la corruption, l'amélioration des rendements des industries extractives ou la contribution de ces industries au développement. Certains pensent que cela est dû à la portée limitée des standards de l’ITIE. Les exigences de déclaration de l'ITIE n’ont pas réussi à couvrir la gamme complète des transactions financières susceptibles de révéler la corruption et les fraudes, y compris la fraude fiscale, les conflits d'intérêts, la pratique des pots-de-vin.

En 2013, l'ITIE a élaboré une liste élargie de standards espérant surmonter cela. Pourtant, il semble de plus en plus que les espérances par rapport à l'ITIE ont été surestimées. Imaginer qu’il suffit de publier les comptes sur les paiements de revenus pour réformer les comportements antidémocratiques et corrompus de gouvernements et de puissantes sociétés multinationales, et permettre aux citoyens d'influencer les choses, c’était un vœu pieux.

Au cours de la dernière décennie, depuis que l'ITIE a été lancée, la plupart des gens qui étudient la transparence ont réalisé que beaucoup dépend de la façon dont l'information est divulguée, de comment la société civile utilise cette information, et de comment les gouvernements et les entreprises peuvent être sanctionnés. Le lien entre la transparence des transactions et des gouvernements responsables et démocratiques est très complexe et variable. La recherche sur la relation entre la transparence et la corruption, par exemple, suggère que la divulgation volontaire d'informations par les Etats et les entreprises ne sont pas très efficaces – on atteint un plus grand degré de transparence lorsque l'information est divulguée ou obtenue grâce à l'utilisation de lois sur la liberté d’information. Lorsque les gouvernements et les entreprises contrôlent la publication d’informations potentiellement sensibles, cela a tendance à ne pas être très fructueux.

Lorsque la transparence devient contentieuse

Les critiques de l'ITIE ne se limitent pas à constater qu’elle est moins efficace qu'espérée. Certains pensent que l'ITIE a été néfaste. Durant les années 1990 et au début des années 2000, des critiques négatives ont été publiées, au sujet de l'impact social, environnemental et politique de l’exploitation du pétrole, du gaz et d'autres produits miniers dans les pays en développement. Ces critiques comprenaient des recommandations à la Banque et à d'autres organismes de coopération au développement, d’investir uniquement dans les industries extractives où les pays étaient politiquement stables, avaient de faibles niveaux de corruption et respectaient les droits des communautés locales.

La Banque a contesté cet avis, et a continué à augmenter ses investissements dans le secteur des industries extractives dans les pays où les risques d'échecs de projets et les préjudices locaux étaient très élevés. La Banque mondiale a justifié ces investissements sur base qu'une nouvelle initiative de transparence existait, l’ITIE, qui permettrait d'assurer que l'industrie soit mieux encadrée que par le passé. Selon des chercheurs comme Sarah Bracking, l’ITIE a fait taire les critiques concernant les entreprises et les investisseurs, et a renforcé la conviction que le problème se situait presque entièrement au niveau de la mauvaise gouvernance et de la corruption des gouvernements dans les pays en développement – laissant dans l’ombre les responsabilités des investisseurs et des sociétés étrangères.

Les déçus de l'ITIE affirment que cette initiative a permis aux entreprises ayant des antécédents douteux en matière d'environnement et de fiscalité de prétendre qu'ils agissaient de manière responsable, et a encouragé (y compris à travers une aide accrue des bailleurs de fonds) le financement de gouvernements corrompus, sans demander de réformes significatives en échange. L'ITIE a été accusée de « blanchir» certaines pratiques. Ainsi que Kees Visser conclut dans son examen critique de l'ITIE:

« Il y a de sérieux problèmes avec la présentation par l'ITIE de scénario « gagnant-gagnant », où l'introduction de la transparence dans les industries extractives devient une condition suffisante pour favoriser des gains à long terme pour toutes les parties prenantes. Ceci ignore complètement le intérêts fondamentalement contradictoires entre certains des acteurs impliqués dans les situations d'extraction des ressources et les différences dans leurs capacités respectives à exercer le pouvoir ».

Comme certains universitaires, tel que Afshin Mehrpouya, l’ont soutenu, des initiatives de transparence (ou réformes de bonne gouvernance en général) peuvent être conçues pour soutenir les intérêts de ceux qui accumulent les profits, plutôt que d'approfondir la responsabilité démocratique afin de protéger les citoyens contre les effets négatifs des opérations de certaines entreprises:

Aller de l'avant avec le FITI

La pêche doit devenir plus transparente - les informations sur qui est autorisé à pêcher et dans quelles conditions; sur les quantités de poisson capturées, les montants payés par qui et pour quoi, et comment les investissements et les profits sont utilisés, devraient toutes être dans le domaine public.

Savoir si une initiative multi-parties prenantes, basée sur le modèle de l'ITIE, est la meilleure façon d'y parvenir, c’est une question qui reste à débattre.

La recherche et l’expérience montrent que compter sur les gouvernements et les entreprises pour divulguer des informations ne permet pas de révéler beaucoup de choses sur leurs propres erreurs ou implications dans la corruption ou les fraudes. De même, la transparence peut être un argument des gouvernements et des entreprises pour attirer les investissements et améliorer la compétitivité, sans porter sur le transfert de pouvoirs politiques au citoyens. Ce sont des considérations à prendre en compte pour le développement du FITI.

Il peut y avoir une préférence pour utiliser des moyens plus directs pour obtenir des informations auprès des gouvernements et des entreprises, tels que la Convention d'Aarhus au niveau européen, qui s’étend à d'autres continents. Mais en attendant que les gouvernements mettent en œuvre et respectent cette Convention ou d’autres lois sur la liberté de l’information, ou attendre qu’il y ait une fuite sur une information confidentielle découverte par les chercheurs, c’est un scénario peu probable à court et à moyen terme. Une initiative comme le FITI peut donc être une solution pratique, même si elle n’est pas idéale.

Il est important d’entamer une discussion sur la façon dont le FITI peut bénéficier des leçons tirées de l'ITIE et accroître son impact potentiel. Les questions suivantes peuvent aider à éclairer cette discussion :

1] Etant donné que ce sont ses premiers pas, le FITI doit encore développer un message clair sur les raisons de sa nécessité. Nous avons donc besoin d'un débat sur les dimensions de la crise de la pêche pour lesquelles cette initiative de transparence serait utile: la surpêche, l'incapacité de la pêche à soutenir la croissance économique, la marginalisation des communautés de pêche artisanales, l'aggravation de l’insécurité alimentaire, etc. Ceci à son tour va influencer les données importantes à publier à travers le FITI, et voir comment mesurer son succès au fil du temps. Par exemple, si le FITI était orientée principalement pour arrêter la pêche illégale, l’initiative pourrait publier des données qui ont peu à voir avec la résolution des problèmes de sécurité alimentaire ou le développement local.

2] Nous devons être conscients des intérêts divergents impliqués dans une initiative multi-parties prenantes. Avoir les gouvernements, les donateurs, les grandes entreprises, les organisations de pêche artisanales et les ONG assis autour de la même table semble très attrayant, mais si nous reconnaissons que les intérêts et le pouvoir de chacun des partenaires sont très différents, les initiatives multi-parties prenantes peuvent s’avérer décevantes. Elles peuvent devenir un mécanisme de domination plutôt que d'autonomisation. En étant à un stade initial de la FITI, il est donc utile d'identifier les intérêts des différentes parties prenantes, et de comprendre que si l’initiative fonctionne par consensus, on pourrait ne pas en obtenir beaucoup si les intérêts divergents s’expriment tous. Si l’initiative est plus ambitieuse, elle va inévitablement produire des résultats qui auront des gagnants et des perdants, ce qui signifie qu'elle pourrait, par exemple, ne pas être soutenue par un nombre suffisant de pays et de représentants de l'industrie.

3] Il faut aussi se poser la question de comment le FITI va gérer une situation où un pays «conforme au FITI», c’est-à-dire qui publie les informations demandées par le FITI, restreint la liberté d'information de façon plus large? La FITI devra-il inciter ou obliger les pays à adopter des réformes pour l'accès du public à l'information pêche, afin que les chercheurs, les ONG et les journalistes puissent accéder à des informations qui vont au-delà de ce qui est contenu dans les rapports du FITI ? Sans cet engagement, les rapports du FITI pourraient devenir simplement un exercice de ‘relations publiques’ et de publicité pour les gouvernements et les entreprises.

4] Nous avons besoin de bien réfléchir à l'engagement de la société civile. Il s’agit d’une question délicate de savoir qui représente la société civile dans les comités multi-parties prenantes et le futur groupe consultatif international du FITI. Les ONG considérées ne partagent pas toutes la même idéologie ou les mêmes intérêts. Qui doit décider de qui parle pour les intérêts de la « société civile» », y compris dans les pays de mise en œuvre ? La représentation de la société civile ne doit pas être confisquée par les ONG privilégiées par le gouvernement local ou les bailleurs de fonds internationaux pour parler au nom de la société civile ou des intérêts des communautés côtières, alors qu’elles n’ont pas de mandat pour jouer ce rôle.

Nous devrions explorer d'autres approches que celle de ces comités multi-parties prenantes, pour faire en sorte que le processus résulte en une plus grande démocratisation, qui pourrait donner un plus grand rôle aux parlements ou compter sur la création d'assemblées citoyennes. Un tel objectif permettrait au FITI d’avoir un impact positif plus large sur les processus démocratiques au sein des pays, alors qu’une approche axée sur des comités multi-parties prenantes non-démocratiques pourrait être régressive.

5] Par ailleurs, pour que le FITI soit couronné de succès, il faut probablement soutenir les groupes communautaires, les médias locaux et d'autres ONG locales pour qu’elles aient la capacité d'utiliser les données et informations divulguées pour questionner les politiques et les comportements des entreprises et des Etats. Les grandes ONG, les entreprises et les consultants peuvent avoir le temps et les ressources nécessaires pour faire cette analyse, mais les organisations communautaires et les médias locaux ne peuvent pas.

6] Enfin, la FITI peut rencontrer des problèmes dans la définition de ce qu’est « l’industrie ». Est ce que l'industrie doit être couverte par la FITI à grande échelle, la pêche commerciale, ou inclut-elle également la pêche artisanale? Il est possible que la FITI puisse tomber dans le piège que les grandes entreprises soient considérées comme « le secteur de la pêche ». De toute évidence, les communautés de pêche artisanales font partie de l'industrie, et représentent la partie qui importe le plus pour déterminer le développement local, les moyens de subsistance et la sécurité alimentaire dans de nombreux pays. Comment la définition et la mise en œuvre de normes de transparence vont impliquer/être appliquées au secteur de la pêche artisanale ?

 

 

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Pas de reliquat, pas de pêche?

Dans son nouveau rapport, CAPE examine comment le principe de 'reliquat' est intégré dans le nouveau règlement de la Politique commune de la Pêche de l'UE. La nouvelle PCP fait de ce concept un élément fondamental de l’accès de l’UE aux eaux des pays tiers à travers ses accords bilatéraux de pêche.

L’UE a présenté cette approche comme étant un progrès enregistré dans le cadre de la réforme de la PCP. Il s’agit néanmoins d’un principe juridique de base des accords d’accès, codifié par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM) depuis 1982 et qui n’est pas nouveau à la dimension extérieure de la PCP.

Il doit s’entendre dans le cadre de la création de Zones Economiques Exclusives (ZEE), où un État côtier exerce des droits souverains aux fins d’exploration et d’exploitation, de conservation et de gestion des ressources vivantes des fonds marins, sous-sol et les eaux surjacentes dans sa ZEE.

En parallèle de ces droits souverains, Les Etats côtiers ont le devoir d’évaluer l’état des ressources dans leurs eaux à des fins de gestion et de conservation, afin de répartir les possibilités de pêche entre leurs flottes nationales. L’Etat côtier a le droit d’allouer aux Etats étrangers le «reliquat» qu’il ne peut pas exploiter lui-même.

La disponibilité d’un reliquat suivant la détermination de sa capacité de pêche par l’État côtier est la ‘raison d’être’ de la conclusion des accords d’accès. Les accords bilatéraux entre l’UE et les pays tiers, principalement les pays en développement d’Afrique et de l’Océan indien, ont toujours été basés sur ces règles, mais pas toujours appliqués à la lettre : dans le passé, on peut trouver de nombreux exemples où l’accès par les flottes de l’UE aux ressources des pays tiers par des accords bilatéraux n’étaient pas fondés sur l’existence prouvée d’un reliquat.

Les choses ont elles changé aujourd’hui, avec l’entrée en vigueur de la nouvelle PCP ?

 

 

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Revue du nouveau rapport de Greenpeace: 'Arnaque sur les côtes africaines'

Un rapport publié aujourd'hui par Greenpeace expose les fraudes massives impliquant des sociétés chinoises de pêche en Afrique de l'Ouest, pêchant avec des bateaux battant pavillon chinois ou bien avec des bateaux sous sociétés mixtes.

Les informations obtenues par Greenpeace, principalement au Sénégal, en Guinée-Bissau et en République de Guinée (Conakry), montrent que la plus grande compagnie de pêche lointaine chinoise, la China National Fisheries Corporation (CNFC), ainsi que d’autres entreprises chinoises de la pêche, ont systématiquement sous-déclaré le tonnage de leurs navires de pêche depuis des années.

La sous déclaration du tonnage des navires, c’est de la pêche illégale, selon la législation des États côtiers et des Etats du pavillon impliqués, ainsi que dans les termes du Plan d'Action International pour prévenir, décourager et éliminer la pêche INN de la FAO. Selon Greenpeace, cette forme généralisée de fraude dure depuis près de 30 ans et implique des responsabilités à différents niveaux, en Chine et dans les pays côtiers concernés.

Greenpeace a calculé que, de 2000 à 2014, CNFC a sous-déclaré le tonnage de ses navires aux autorités sénégalaises de 43 % en moyenne par an, par rapport à leur tonnage réel. En 2014 seulement, CNFC a frauduleusement caché un total de 1742 GT.

Cette pratique frauduleuse par la compagnie CNFC s’est produite aussi en Guinée Bissau et en Guinée, et implique d'autres sociétés chinoises. Pour 59 navires de la CNFC qui pêchent au Sénégal, en Guinée-Bissau et en Guinée en 2014, les preuves trouvées montrent que le tonnage de 44 navires était sous-déclaré. Au total, c’est 6757.7 GT qui ont été cachés aux États côtiers, ce qui équivaut à 22 navires de pêche industrielle supplémentaires dans leurs eaux, d'une capacité chacun de 300 GT.

Comme les droits de licence sont calculés sur la base du tonnage des bateaux, les entreprises qui sous-déclarent le tonnage de leurs bateaux privent les gouvernements des États côtiers de revenus. Par exemple, au Sénégal, cette fraude a représenté un manque à gagner estimé pour le Sénégal à au moins 371,404,800 Francs CFA (566 203 euros) en droits de licence, que la compagnie CNFC a évité de payer au cours de la période 2000 - 2014[1].

Cette fraude a aussi permis à ces navires industriels d'accéder aux lieux de pêche de pêcheurs artisanaux locaux où ils ne devraient pas pêcher, comme c'est le cas au Sénégal.

La fraude au tonnage signifie également que la capacité de pêche réelle déployée est beaucoup plus élevée que ce qui est autorisé, ce qui sape les efforts de gestion et de conservation des États côtiers, comme en témoigne l'accord CNFC et la Guinée-Bissau. Selon les termes et conditions prévus par l'accord de pêche signé entre la compagnie CNFC et la Guinée-Bissau en 2010, il apparaît que, dans la première moitié de 2014 seulement, la capacité de pêche réelle des navires CNFC a dépassé la limite de la capacité autorisée de 61 %.

Le degré de fraude au tonnage soulève également la question de la proportion des captures de la CNFC et des autres sociétés qui étaient illégales. Considérant que poissons pris par ces entreprises chinoises a été vendu, entre autres, sur les marchés européens, cela met en évidence les manquements dans les efforts actuels de l'UE pour arrêter le commerce du poisson venant de la pêche INN.

Greenpeace conclut en soulignant qu'il est urgent que les Etats, tant les états du pavillon que les états côtiers, enquêtent sur la fraude au tonnage par les sociétés de pêche chinoises, ainsi que la fraude potentielle par d'autres sociétés de pêche industrielle dont les navires pêchent dans leurs ZEE, que ce soit des navires battant pavillon étranger ou locaux. En outre, tous les États concernés devraient procéder à une évaluation complète et publier les listes des navires de pêche opérant dans leurs eaux et/ou sous leur pavillon.

[1]    ces chiffres sont sans doute sous-estimés car il inclut uniquement les données pour 15 des 30 années d'opérations CNFC au Sénégal seul et que la partie des navires pour lesquels GT pourrait être estimée.

Lien vers le rapport de Greenpeace 'Arnaque sur les côtes africaines': http://www.greenpeace.org/africa/Global/africa/graphics/Amigo/Arnaque%20sur%20les%20c%C3%B4tes%20Africaines%20POUR%20LE%20WEB.pdf

 

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Retrait de la Corée de la liste INN de l'UE: trop, trop vite

Le 21 avril, la Commission européenne a révisé sa liste de pays considérés comme ne faisant pas assez pour combattre la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN), conformément à la réglementation de l'UE visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche INN.

La CE a ainsi mis en demeure la Thaïlande (« carton jaune ») qui ne prend pas de mesures suffisantes pour la lutte internationale contre la pêche INN. La CE a également reconnu que la Corée et les Philippines ‘ont apporté des réformes appropriées’ de leur système juridique, qui est maintenant 'en ligne avec le droit international’, et leur permet de lutter efficacement contre la pêche INN. La CE a donc supprimé le carton jaune de ces deux pays.

CAPE estime que, dans le cas de la Corée, cette suppression est peut être prématurée. Si, en effet, une réforme de la législation de la Corée a été entreprise sur papier pour freiner les opérations de pêche INN de sa flotte de pêche lointaine, y compris des navires coréens pêchant en Afrique de l'Ouest, il n'est pas encore clair si, et dans quelle mesure, la Corée a l'intention de les appliquer.

D'après nos informations, il semble que plusieurs chalutiers coréens qui pêchent en Afrique de l'Ouest ont récemment fait des incursions illégales dans la zone de pêche artisanale, notamment en Guinée Conakry.

En 2013, la Guinée a reçu un « carton rouge » de l'Union européenne, l’UE ayant considéré que le pays ne faisait pas assez pour lutter contre la pêche INN; La Guinée s’est, depuis lors, vu interdire d'exporter ses produits de la pêche sur le marché de l'UE.

Nous sommes donc maintenant dans une situation où un État côtier en développement, la Guinée, ne peut pas exporter ses poissons sur le marché de l'UE, alors qu'une nation de pêche lointaine, la Corée, - qui n’a pas encore pris de mesures concrètes pour appliquer sa nouvelle législation afin d’empêcher que ses flottes en Afrique de l'Ouest ne soient impliquées dans la pêche INN-, peut exporter vers l'UE du poisson pêché dans les eaux ouest-africaines, guinéennes ou autres. Il s'agit d'une situation injuste, qui semble montrer que des considérations commerciales, - la Corée étant un partenaire commercial clé pour l'Union européenne, contrairement à la Guinée-, ont conduit l'Union à retirer, de façon prématurée, le carton jaune de la Corée.

Nous tenons à rappeler que, dans les pays d'Afrique occidentale, les premières victimes des opérations illégales de chalutiers étrangers dans les eaux côtières sont des communautés de pêche artisanale. Le fait que l'Union européenne a supprimé le carton jaune de la Corée, en l'absence de résultats tangibles que le pays met en œuvre ses réformes, peut non seulement causer des dommages supplémentaires aux communautés côtières africaines, mais aussi créer un dangereux précédent.

Quel intérêt y aura-t-il pour d'autres nations de pêche lointaine et d’autres pays côtiers à protéger efficacement leurs communautés côtières contre les activités illégales des chalutiers d’origine étrangère, si le message donné par l'UE, c'est qu'il suffit d'entreprendre une réforme « sur papier » pour pouvoir librement vendre son poisson sur le marché européen?

À un moment où nous assistons à grand nombre de re-pavillonnements de chalutiers des pays industrialisés, – de l’UE, de la Chine, de la Corée, entre autres-, vers les pays en développement, comment éviter le « re-pavillonnement de complaisance » en vue d’échapper aux règles, si le message donné aujourd'hui par l'Union européenne, c'est que la seule chose qui importe, c’est que la lutte contre la pêche INN se fasse sur papier?

Prévenir, contrecarrer et éliminer les activités de pêche INN qui menacent les moyens de subsistance des communautés côtières ouest-africaines devraient exige des actes concrets, pas de masquer les fissures du système avec du papier.

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'2016 devrait être l'Année africaine de la Pêche artisanale'

La Confédération Africaine des Organisations Professionnelles de la Pêche Artisanale (CAOPA) propose que l’Union africaine déclare l’année 2016 Année Africaine de la Pêche artisanale. Gaoussou Gueye, Secrétaire général de la CAOPA, en explique les raisons.

 Pourquoi faire une telle proposition à l’Union africaine ?

Nous savons tous que la mauvaise gouvernance de la pêche affecte la plupart des pays africains. La première Conférence des Ministres Africains de la Pêche et de l'Aquaculture (CAMFA) a, en 2011, recommandé que les États membres de l'Union africaine examinent la possibilité de réformer leurs politiques de pêche et d’aquaculture.

La stratégie de réforme qui a été développée par la suite identifie les objectifs essentiels pour le développement de la pêche de l'Afrique[1], y compris la conservation et l'utilisation durable des ressources halieutiques à travers la mise en place d’une bonne gouvernance. Sur ce sujet, nous nous réjouissons de l’engagement récent de l’Union africaine, sous l’impulsion de la Mauritanie, présidant alors l’Union africaine, à promouvoir la transparence dans la pêche en Afrique.

Un autre objectif clé de la stratégie de réforme panafricaine, c’est le développement durable de la pêche artisanale, par l'amélioration et le renforcement de la contribution des pêches artisanales à la réduction de la pauvreté, à la sécurité alimentaire et nutritionnelle, et l’amélioration des bénéfices socio- économiques pour les communautés de pêche.

Nous estimons, au sein de la CAOPA, qu’aujourd’hui, la seule façon d’atteindre ces objectifs requiert un engagement actif de l’Union africaine et de ses membres, ainsi que la participation de toutes les parties prenantes, en particulier les communautés côtières africaines qui dépendent de la pêche pour vivre.

Est-ce que vous pensez que la pêche artisanale est aujourd’hui mieux considérée par les décideurs ?

Je pense que, surtout, les décideurs sont aujourd’hui plus conscients de l’importance considérable de la pêche artisanale en Afrique. Les derniers chiffres de la FAO indiquent que 10% de la population du continent africain est engagée dans la pêche et l’aquaculture, ce qui en fait le second continent, après l’Asie, en termes d’emplois créés par ce secteur. Et la vaste majorité de ces 12,3 millions de gens qui vivent de la pêche en Afrique sont dans le secteur de la pêche artisanale : au moins 7,5 millions de pêcheurs et 2,3 millions de femmes. Ces emplois fournissent un revenu à des millions de familles en Afrique ! La pêche artisanale est, de loin, la principale pourvoyeuse d’emplois du secteur.

D'autre part, en Afrique, pour plus de 200 millions de personnes, le poisson est une source de protéines et de nutriments essentiels (acides gras, vitamines, minéraux) à bas prix : le poisson représente en moyenne 22% de l’apport protéique en Afrique sub-saharienne. Dans la plus grande partie de l’Afrique, la pêche et le commerce des artisans fournissent un véritable ‘filet de sécurité alimentaire’ aux populations les plus pauvres. Dans mon pays, le Sénégal, un poisson comme la sardinelle est la source la plus accessible de protéines animales en termes de prix et de quantité. Aujourd’hui, de nombreuses familles sénégalaises ne mangent qu’un repas par jour – à base de riz et de sardinelle.

Un autre aspect qui est important pour nos décideurs, c’est la contribution que fait la pêche aux PIB de nos pays. Là aussi, la pêche artisanale se détache du lot : la contribution de la pêche aux PIB des pays africains atteint presque 2 milliards de dollars, et la pêche artisanale maritime et continentale compte pour plus de la moitié de ce chiffre.

Il est dès lors presque naturel que la communauté internationale reconnaisse de plus en plus l’importance de la pêche artisanale, notamment africaine. Ainsi, dans la Déclaration de la Conférence des Nations Unies sur le Développement Durable de 2012 (Rio+20), la pêche artisanale est présentée comme «catalyseur du développement durable». Cette déclaration insiste aussi sur la nécessaire protection des droits d’accès de la pêche artisanale aux ressources et aux zones côtières.

On retrouve des dispositions similaires dans les Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale. Ces Directives aident à établir les conditions pour que les pêcheurs accèdent aux ressources de pêche, renforçant chez eux le souci de protection et de gestion durable de la ressource. En outre, ces Directives sont importantes pour nous, car elles offrent un cadre pour surmonter des obstacles tels que l’analphabétisme, les problèmes de santé, le manque d’accès aux moyens d’existence traditionnels, les privations de libertés civiles et politiques, etc.

Mais la plus grande reconnaissance de l’importance de la pêche artisanale a été obtenue par l’adoption, en Juin 2014, des Directives volontaires visant à assurer la durabilité de la pêche artisanale dans le contexte de la sécurité alimentaire et de l'éradication de la pauvreté.

Ces Directives se focalisent sur un enjeu clé pour les communautés de pêche africaines : améliorer notre contribution à la sécurité alimentaire et à la nutrition. Ces Directives insistent aussi sur l’aspect ‘équitable’ du développement, pour améliorer la situation socioéconomique des communautés de la pêche artisanale dans un contexte d’exploitation responsable des ressources. Enfin, elles intègrent dans leur approche des enjeux nouveaux auxquels sont confrontés nos communautés, comme les impacts du changement climatique.

Donc, maintenant, nous avons tous ces textes, agréés au niveau international, pour guider nos politiques. Cependant, il faut que les gouvernements africains, les bailleurs de fonds, les organisations professionnelles et les organisations de la société civile s’engagent et s’investissent dans leur mise en oeuvre.

Quelles sont vos priorités pour la mise en œuvre de ces Directives en Afrique ?

Un défi important que nous devons relever, c’est l’impact du changement climatique sur nos communautés. Cela inclut de prendre à bras le corps des enjeux très spécifiques, comme la gouvernance des Aires Marines Protégées, ou bien la promotion de la surveillance participative. Mais cela inclut aussi de reconsidérer des aspects fondamentaux de la pêche artisanale, comme la reconnaissance du rôle des femmes dans ce secteur: en vérité, les femmes sont au centre des activités de la pêche artisanale.

Elle sont présentes à toutes les étapes de la filière, qu’il s’agisse du préfinancement et de la préparation des campagnes de pêche, de la réception du poisson, de sa transformation et de sa commercialisation. Les femmes sont aussi clairement le pilier de la cellule familiale des communautés de pêche artisanale africaine. Au sein de la CAOPA, nous sommes bien conscients de cela, et nous promouvons la parité dans la représentation des femmes et des hommes dans notre organisation : nous avons un bureau composé à parts égales d’hommes et de femmes représentant les communautés de pêche artisanale africaines. Nous avons aussi un programme spécifique concernant les femmes dans la pêche.

 Une chose très importante également : depuis deux ans, la CAOPA organise, à l’occasion de la Journée Internationale de la Femme, le 8 mars, un atelier réunissant les femmes du réseau de la CAOPA. Cette année nous étions à Bissau. On a pu assister à une réelle mobilisation des parties prenantes : ainsi, lors de la Célébration de la Journée du 8 mars par la CAOPA, un millier de pêcheurs, femmes dans la pêche, décideurs et citoyens se sont rassemblés à Bissau ! L’atelier à Bissau a permis aux femmes de se rencontrer, d’échanger et d’aboutir à une Déclaration qui demande clairement à l’Union africaine de déclarer 2016 comme Année Africaine de la Pêche Artisanale. Ce serait pour ces femmes une occasion inestimable de faire reconnaître leur travail et leur investissement dans ce secteur.

Quelles ont été vos démarches jusqu’à présent?

Nous procédons à l’information informelle de partenaires, en leur demandant de soutenir cette initiative, tels que AU IBAR, NEPAD, la CSRP, le PRCM, le PNUD, la FAO, l’UEMOA, la CEDEAO, CAPE, SSNC, Pain pour le Monde, l’UE…

Nous avons déjà eu des retours favorables de Ministres des pêches d’Etats africains comme la Mauritanie, la Guinée Bissau, le Sénégal, la Côte d’Ivoire. Nous comptons également associer d’autres organisations de la société civile et pourquoi pas la COMHAFAT ?

Nous allons bien entendu travailler conjointement avec nos collègues du Réseau Ouest Africain des Journalistes pour une Pêche Responsable (REJOPRAO) afin qu’ils nous aident à mettre en place et à gérer une réelle stratégie de communication.

Quelles sont les prochaines étapes ?

Notre objectif maintenant est de formaliser cette requête auprès de différents partenaires potentiels. Nous devons également affiner notre plaidoyer. En juin, la CAOPA va organiser à cet effet une réunion avec l’ensemble de nos partenaires, pour discuter et approfondir nos propositions, et créer un comité de consultation spécifiquement dédié à promouvoir l’année africaine de la pêche artisanale.

Nous comptons lancer officiellement notre proposition à l’occasion de la célébration de la Journée Mondiale de la Pêche, le 21 novembre 2015, que nous organiserons cette année au Maroc.

En Octobre 2015, nous souhaitons profiter de la réunion organisée par la FAO pour les 20 ans du Code de Conduite pour une pêche responsable pour rencontrer le DG de la FAO.

Notre objectif, c'est de lancer un processus. L’essentiel pour nous est de sensibiliser et mobiliser les parties prenantes de la pêche en Afrique. Et nous appelons toutes les organisations intéressées à nous rejoindre dans cette initiative !

 

 

 

[1] http://www.africanfisheries.org/knowledge-output/policy-framework-and-reform-strategy-fisheries-and-aquaculture-africa

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Exploitation minière à grande échelle versus pêche à petite échelle: inquiétudes en Afrique de l'Est

L'impact potentiellement désastreux de l’exploitation pétrolière offshore sur la pêche a été démontré lors de l'explosion de la plateforme pétrolière Deepwater Horizon de British Petroleum dans le Golfe du Mexique et lors des marées noires provoquées par Shell au Nigeria. Les deux cas sont encore en justice, avec les pêcheurs nigérians qui luttent pour une compensation correcte de la part du Royaume-Uni.

La tension entre l'exploitation pétrolière et la pêche est également évidente en Afrique de l'Est, où les communautés de pêche locales voient avec une certaine appréhension le ‘boom’ pétrolier au large de leurs côtes. Au cours des cinq dernières années, l'Afrique est devenu l'un des endroits les plus attirants pour les compagnies pétrolières et gazières.

Les estimations varient sur les quantités de pétrole et de gaz qui se trouvent sous la mer en Afrique de l'est, et les chiffres sont constamment mis à jour lorsque de nouveaux gisements potentiels sont découverts. En Tanzanie, le gouvernement estime que, pour 2013-2014, le pays disposerait de 41 milliards de mètres cubes, et au Mozambique, les dernières estimations indiquent que le pays a des gisements de gaz en mer de plus 100 milliards de mètres cubes. La Tanzanie et le Mozambique devraient devenir de grands exportateurs mondiaux de gaz naturel durant la prochaine décennie.

La situation au large des côtes du Kenya est moins claire, avec la principale découverte de pétrole se situant à terre, près de lac Turkana, qui sera pompé vers la ville côtière de Lamu pour l’exportation. Mais, récemment, des découvertes de gaz et de pétrole en mer, dans les zones côtières du Kenya, ont mené à une augmentation des investissements et de l'exploration en mer. Presque toutes les zones des côtes africaines de l'Océan Indien sont désormais découpées en blocs pétroliers et gaziers, vendus au plus offrant pour l'exploration et l'exploitation pétrolière éventuelle.

Les montants qui pourraient être générés pour les gouvernements et les entreprises étrangères sont potentiellement énormes. Pourtant, au milieu de toutes ces images positives de développements futurs sous l'impulsion de cette nouvelle richesse, il existe une peur, assez répandue, que l'Afrique de l'Est soit touchée par la « malédiction des ressources » – et qui recouvre les divers problèmes qui semblent se manifester là où les gouvernements deviennent dépendants de la richesse pétrolière : dépréciation de la valeur des autres produits d’exportation, détérioration des engagements envers la démocratie, inégalités accrues et conflits. Certains rapports suggèrent que ces problèmes existent déjà. L’inquiétude monte également au sein des communautés côtières et chez les pêcheurs artisans.

L’Association ‘Action communautaire pour la Conservation de la Nature’ (CANCO) basée au Kenya,  travaille en étroite collaboration avec les communautés de pêcheurs pour faire progresser leurs droits et promouvoir l'utilisation durable des écosystèmes marins. CANCO est maintenant engagé spécifiquement sur la question de l’exploitation du pétrole et du gaz, car cet enjeu influence la vie des pêcheurs, et CANCO a établi des groupes de travail avec des groupes de co-gestion communautaire (connus comme ‘BMU’ - unités de gestion des plages) le long de la côte.

Quelles sont donc les craintes et les plaintes des communautés de pêcheurs ? Est-ce que le boom pétrolier est une catastrophe pour la pêche?

Le problème avec la cartographie sismique

Lorsqu’on pense aux dangers environnementaux de l'exploitation pétrolière au large, on pense le plus souvent aux marées noires causées par des navires qui ont chaviré, ou à la pollution massive causée par des accidents sur les plates-formes. Apparemment, ces accidents deviennent moins fréquents qu'auparavant, mais lorsqu’ils se produisent, comme au Nigeria ou dans le Golfe du Mexique, les impacts peuvent être dramatiques et de longue durée.

En Afrique de l'Est, où nous sommes encore loin de voir de grandes quantités de pétrole produites en mer, le point de tension le plus important est celui de la cartographie sismique – le processus visant à déterminer où le pétrole/gaz se trouve sous la mer. Faire une cartographie sismique consiste à faire des tirs extrêmement puissants d’armes à air comprimé sous l'eau et analyser le son quand il rebondit sur le fond marin. Ces armes à air comprimé et les récepteurs de son sont remorqués sur de longues lignes derrière les navires hydrographiques et les canons sont déclenchés normalement toutes les 20 secondes. Ces opérations peuvent durer plusieurs mois. Apparemment, les réverbérations des opérations sismiques sont audibles dans tous l’océan, jusqu’à 4000 km de la source.

Les informations sur les impacts écologiques de ces tirs soniques sous l'eau sont contestées. L'ONG Oceana a mené une campagne sur ce sujet aux États-Unis, en faisant valoir que la cartographie sismique tue les poissons et nuit mortellement aux mammifères marins, y compris les baleines et les dauphins. L’ONG a appelé à une interdiction de la cartographie sismique dans les zones marines sensibles, et l'utilisation de diverses stratégies d'atténuation pour limiter l'impact négatif sur la vie marine. Toutefois, l'industrie suggère que les craintes de l’ONG sont exagérées. Une entreprise multinationale pétrolière de Norvège, Statoil, qui est maintenant active en Afrique de l'Est, a produit un rapport il y a quelques années, affirmant que l'impact des activités sismiques dans l'océan a un effet minime sur les poissons, soulignant néanmoins que ‘Le taux de capture à proximité de sondages sismiques  peut être affecté, mais cette réduction des taux de capture ne devrait être longue durée. La raison de captures réduites est probablement le fait que poissons plongent vers le bas, ou elles se dispersent lorsqu'ils sont exposés à haut niveau sonore»

De même, là où des études d'impact environnemental sont disponibles au Kenya, il est suggéré que les risques posés par les opérations sismiques sur la pêche seraient «faibles à négligeable», même s'il est reconnu que des mesures sont nécessaires pour s'assurer que les armes à air comprimé ne soient pas utilisées trop près des baleines et requins-baleines.

Toutefois, les pêcheurs kenyans racontent une histoire très différente, se plaignant des effets négatifs des opérations de cartographie sismiques.

Lors d'une réunion avec les pêcheurs et le BMU de Ngomeni (au nord de Malindi), il a été décrit que depuis que les relevés sismiques ont commencé en 2012, les stocks de homards ont nettement baissé ; 4 requins-baleines ont été retrouvés morts à cause, selon le président de la BMU, de la trop grande proximité des navires sismologiques.

Ces allégations restent difficiles à démontrer – il y a toujours une chance que d’autres facteurs aient causé ces problèmes. Mais il y a maintenant suffisamment d’éléments pour penser que ces bateaux, traînant de puissantes armes à air comprimé dans l'océan, envoyant de fortes explosions dans des eaux qui abritent une vie marine complexe et vulnérable, auront probablement des effets négatifs. Les preuves scientifiques qui réfutent cela, citées par les sociétés pétrolières et certains consultants qui font les Etudes d’Impact Environnemental de ces sociétés, ne sont pas tout à fait convaincantes.

L'Association de pêche du Commonwealth en Australie a compilé les études scientifiques sur ce sujet (ils ont examiné plus de 40 articles scientifiques). Ils ont écrit un rapport en 2013 qui a été soumis au gouvernement australien pour tenter d'obtenir que ces activités sismiques marines soient répertoriées comme «menaçantes» en vertu d’une législation locale, le Environment Protection and Biodiversity Conservation Act, ce qui augmenterait la pression pour que le gouvernement australien et l'industrie prennent des mesures de précaution nécessaires. CFA fait valoir qu’il existe ‘des preuves scientifiques que les activités sismiques sont nocives pour la vie marine, causant des dommages physiques, le déplacement d'habitats et de la perturbation de la reproduction’ d’une série d’espèces, en particulier de crustacés.

Une exposition excessive aux explosions a aussi été associée à une mortalité accrue chez les populations de céphalopodes et des expériences montrent que des bruits anormalement puissants endommagent chez ces espèces les organes internes responsables de l'équilibre et de positionnement. Il y a des raisons de penser ces espèces modifient leur comportement reproducteur et leur alimentation à cause de l'exposition à des opérations de cartographie sismique.

Bien qu'il y n'ait eu aucune étude sur l'impact des tirs sismiques sur le thon, certains suggèrent que les opérations sismiques interfèrent avec leurs comportements migratoires et d’agrégation, sapant les efforts visant à rétablir les populations surexploitées et à recueillir des données sur la dynamique des populations.

L'image qui ressort de ces divers travaux de recherche suggère donc que les opérations sismiques ont des effets complexes et à long terme sur les écosystèmes marins, ces incidences étant différentes selon les espèces. Néanmoins, les études scientifiques sur cette question demeurent éparses et peu concluantes et c'est bien sûr extrêmement difficile d'isoler l'impact des opérations sismiques par rapport à d’autres facteurs. Comme le conclut CFA dans leur rapport :

"… il y a un certain nombre de lacunes de l'information pour déterminer globalement les impacts des activités sismiques marines. Toutefois, étant donné le potentiel évident des activités sismiques marines à entraîner des effets environnementaux importants et irréversibles, le principe de précaution doit être respecté en ce qui concerne la gestion des activités sismiques marines."

Quoi qu’il en soit, dans toutes les zones d’Afrique où se déroulent une cartographie sismique pour les gisements de pétrole et de gaz, il y a des preuves anecdotiques que le résultat n'est pas bon pour les pêcheurs. En Namibie, par exemple, les sociétés de pêche se plaignent que les captures de thon ont été considérablement réduites sur leurs lieux de pêche traditionnels depuis que les tirs sismiques ont commencé. Au Ghana, il y a eu une augmentation marquée de l'échouage des baleines, alors que les pêcheurs locaux sont convaincus que les opérations sismiques ont réduit l'abondance des poissons.

Atténuation et compensation

Bien que l'industrie pétrolière minimise les effets négatifs des opérations sismiques sur l'écologie marine, dans la plupart des pays, dont le Kenya, les entreprises devraient respecter quelques directives de base pour limiter les impacts potentiels.

Il s’agit notamment d’enquêtes évaluant l’effet des ondes sonores sur les baleines et les tortues marines. Ensuite, il devrait y avoir des personnes agissant comme ‘sonneurs d’alerte’ pour les grands animaux marins et les pêcheurs, et si ceux-ci viennent trop près de l'équipement de tirs soniques, ceux-ci devraient être arrêtés immédiatement.

Au Kenya, des dispositions sont en place grâce au plan de gestion des mammifères marins : il y a, par exemple, un représentant du département des pêches à bord des navires de surveillance pour s'assurer que des mesures qui atténuent l'impact environnemental sont respectées.

En outre, inévitablement, les tirs soniques perturbent la pêche - les pêcheurs doivent quitter la zone où les navires de prospection travaillent, pour quelques jours ou pour quelques semaines voire plus. Une indemnisation devrait être prévue. Il devrait aussi y avoir un mécanisme de règlement des griefs en place au cas où les navires sismiques endommageraient les engins de pêche.

Toutefois, à Ngobweni la société effectuant des relevés sismiques dans la région a visité la communauté de pêche en 2011 pour expliquer que la pêche ne peut être autorisée trop près des navires sismiques. La société s’est engagée à partager l'information en avance sur le lieu où elle allait travailler, et que lorsque cela aboutit à une perte pour les pêcheurs, ils seraient indemnisés. Pourtant, depuis cette réunion, les pêcheurs et la BMU (unité de gestion des plages) locale se plaignent car ils n’ont reçu aucune visite, et aucun avertissement ne leur a été donné sur l'endroit où les relevés sismiques se déroulent. De plus, malgré les plaintes des pêcheurs du fait que ces relevés ont considérablement perturbé leurs moyens de subsistance, il n'y a pas eu d'offre de compensation. La BMU locale rapporte que quatre pêcheurs ont eu leur matériel de pêche détruit par l'appareil sismique. Les pêcheurs disent qu'ils n’ont aucun moyen d'entrer en contact avec la compagnie pour déposer une plainte. Naturellement, la communauté de pêche est en colère.

Exploitation de pétrole dans les aires protégées?

Dans la région de Kilifi, un grand bloc de pétrole et de gaz - connu sous le nom de bloc L16 - couvre des aires protégées (sur terre et en mer). Le bloc couvre les aires marines protégées à Watamu et Malindi, alors qu'il couvre également la réserve forestière de la côte nationale, Arabuko Sokoke. L'entreprise qui va exploiter L16 a fait des plans pour commencer les études sismiques dans la réserve forestière en 2014. Les protestations locales et des pétitions de divers groupes environnementaux et communautaires ont forcé la compagnie à reculer, bien qu’elle continue de mener des contacts auprès des communautés vivant à côté de la réserve, ce qui est un sujet de préoccupation considérable pour les groupes de conservation locaux.

Des communautés ont déplacées de leurs terres près de la réserve à cause de l'exploration pétrolière, et elles dénoncent le fait d’avoir été forcées à signer des accords ; la compensation qui leur est versée pour leur terre et les cultures est considérée par beaucoup comme bien trop faible.

La saga de la réserve Arabuko Sokoke a également révélé beaucoup de problèmes avec le processus de l'Etude d’Impact Environnemental (EIE). Bien que la société effectuant cette EIE a rapporté avoir eu des résultats positifs lors des consultations communautaires concernant cette EIE, plusieurs communautés locales font valoir qu'elles n’ont pas été consultées du tout, qu’il n'y avait aucune possibilité d'examiner l'EIE, et que la liste des signatures utilisée par la société pour montrer qu’elle a consulté les communautés était fausse.

L'EIE a aussi été critiquée comme contenant des passages qui semblent être juste des ‘copiés-collés’ d’une autre EIE (Par exemple, l'EIE déclare que la réserve contient des espèces en voie de disparition qui n'ont jamais existé dans cette région côtière).

Le rapport de l'EIE commandité par l’entreprise pétrolière n'a pas été partagé avec les autorités locales non plus. Alors que le Kenya a d'excellentes règles et règlements sur les EIE, qui sont gérées par le National Environment Management Authority (NEMA), il semble que dans ce cas-ci, les règles n’aient pas été respectées. Les communautés locales se sont également plaintes d’actes d'intimidation et de désinformation à leur encontre.

Les membres de l'Association Marine Watamu (WMA) ainsi que les pêcheurs ont protesté contre les relevés sismiques dans ces forêts côtières - la santé des forêts côtières étant intimement liée à la santé des écosystèmes marins côtiers. En outre, WMA et les pêcheurs locaux sentent que compte tenu de l'expérience avec la réserve côtière d’Arabuko, les réserves marines à Watamu et Malindi peuvent être les prochaines sur la liste. Personne n’est sûr que le contrat pour exploiter le bloc L16 interdit l'exploration dans les zones marines protégées. «Nous ne voulons pas devenir le prochain Nigeria » disent certains.

Il y a aussi des inquiétudes sur la façon dont les entreprises et le gouvernement se chargeront des compensations. La plupart des pêcheurs locaux n’ont pas de permis de pêche officiels, la pêche est souvent saisonnière et les données officielles sur les captures et les activités des pêcheurs artisans ne sont pas fiables. Dans ce contexte, il va être extrêmement difficile pour les communautés de pêcheurs de revendiquer des droits et d'obtenir une compensation adéquate s’ils sont déplacés de leurs terres ou s’ils sont victimes des expériences perturbatrices provenant de l'exploitation de gaz et de pétrole.

Il n’y a tout simplement pas de données de base – ni d’efforts pour rassembler ces données – qui pourrait éclairer les décisions sur le prix équitable à payer comme compensation aux communautés. Certains s’inquiètent de ce que la pression internationale pour la justice sociale est moins forte en Afrique qu'elle ne peut l’être ailleurs – certains affirment que, alors que l'impact des déversements d'hydrocarbures au Nigeria éclipse ce qui s’est passé dans le golfe du Mexique, la réaction du gouvernement américain et de l'UE au Nigeria a été bien moindre. Plus d’hydrocarbures sont déversés chaque année dans la région du delta, au Nigeria, que ce qui avait été déversé dans le Golfe du Mexique, et beaucoup plus de gens ont vu leurs moyens de subsistance détruits en conséquence.

La question de l'indemnisation en compensation des perturbations à la pêche est devenue une question controversée à Lamu, où des centaines de pêcheurs seront affectés par la construction d'un nouveau port pour faciliter l'exportation de pétrole. L'indemnisation des propriétaires fonciers est très discutée, mais la question sur la façon dont les pêcheurs seront, eux, indemnisés reste beaucoup plus épineuse. L’EIE pour ce développement encourage les entreprises concernées à fournir des fonds pour aider à moderniser la pêche afin que les pêcheurs puissent pêcher plus loin. Cela semble être une recommandation plutôt superficielle, et les détails sur sa mise en oeuvre restent vagues.

Aller de l’avant

Il existe des arguments solides contre l’extension de l’exploitation pétrolière et gazière offshore – en particulier le fait qu’une grande partie du pétrole et du gaz devrait être laissé dans le sol pour respecter les engagements mondiaux sur la lutte contre le changement climatique. Cependant, la réalité en Afrique orientale, c’est que les gouvernements et les entreprises vont de l'avant pour intensifier l’exploitation de ces ressources. La pêche et les communautés côtières seront de plus en plus confrontées à des opérations d'exploration et d'exploitation minière offshore, c’est un fait.

Et ce n’est pas seulement le pétrole et le gaz qui seront exploités, mais beaucoup d'autres métaux et de minéraux. Le travail de CANCO est basé sur la conviction que des efforts sérieux sont nécessaires pour mieux réguler les interactions entre les sociétés minières, les communautés de pêche et l'État. Cela n’éliminera pas les problèmes, mais peut aider à assurer que les abus soient minimisés et que la pêche, le pétrole et le gaz puissent coexister.

Il y existe déjà beaucoup de règles et règlements pertinents sur la façon dont l'exploitation minière doit être faite, dans la transparence et avec la participation des citoyens. Malheureusement, sur le terrain, la réalité n’est pas toujours positive. Des consultations publiques sérieuses doivent être faites, l'accès à l'information doit être assuré tout au long du processus, avec des efforts importants pour compiler des études d'impact social et environnemental crédibles ; partagées lors de discussions publiques et des forums réguliers d'échange d'informations doivent être créés. Des engagements simples, tels que l'envoi d'informations aux communautés de pêcheurs sur les opérations sismiques, le paiement d’observateurs ‘sonneurs d’alarme’ à bord des bateaux et la compensation des pêcheurs pour les jours perdus en mer, doivent être respectées.

CANCO a déjà contribué à la création de groupes de travail sur le pétrole et le gaz dans les régions côtières du Kenya. En travaillant avec d'autres organisations, y compris la Coalition pour des accords de pêche équitables, la prochaine étape pour CANCO est d'aider les communautés de pêcheurs à partager les informations entre eux, et en savoir plus sur le secteur pétrolier et les défis auxquels sont confrontés les pêcheurs pour faire valoir leurs droits. Une réunion sur l’exploitation du pétrole et du gaz sera organisée pour les pêcheurs en 2015. Elle examinera les craintes locales et les plaintes, les meilleures pratiques internationales, et des options pour la poursuite des travaux de plaidoyer.

Ce forum national devrait alimenter des efforts au niveau international pour partager leurs expériences et élaborer des recommandations pour les communautés de pêche - les situations au Kenya et en Afrique orientale partagent de nombreuses similitudes avec les expériences des communautés de pêche et d’exploitation minière en Afrique occidentale et australe.

[Cet article a été préparé par le travail mené par Becha Hadley de CANCO au Kenya, travaillant en partenariat avec André Standing de CAPE]

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Les investissements privés vont-ils sauver la pêche?

À la fin de l’année dernière, une nouvelle est tombée à propos d'un projet important aux Seychelles. NatureVest, une organisation basée aux Etats Unis, est en train de négocier un échange «dette/nature», où NatureVest va acheter, à un tarif réduit convenu avec les créanciers, 80 millions de dollars de la dette extérieure des Seychelles en échange d'engagements à long terme du pays de créer une des plus grandes réserves marines du monde. Les bénéfices provenant de cette transaction iront à l'établissement d'un fonds spécial aux Seychelles qui va financer la conservation marine et le travail d'adaptation au changement climatique.

Les échanges « dette/nature » ne sont pas une nouveauté. Ils ont été développés dans les années 1980 par le WWF. Ils sont devenus populaires car beaucoup pensaient que la dette empêchait les pays en développement de sauver leur nature, et les créanciers ont aussi été heureux de vendre aux organisations environnementales une partie de la dette qu’ils avaient acheté, car il devenait clair que de nombreux pays en développement étaient incapables de les rembourser. Ces échanges « dette/nature » ont progressivement perdu la cote et diminué dans les années 2000 lorsque les mouvements de révision et d'annulation de la dette se sont accélérés. La recherche sur le sujet a aussi suggéré que les avantages des échanges « dette-nature » n’étaient pas si évidents - ces montages ont été critiqués du fait qu’ils bénéficiaient aux organismes de conservation plus qu’aux pays débiteurs, mettant de vastes territoires sous le contrôle de groupes environnementaux, d'une manière qui n'a pas toujours été responsabilisante ou bénéfique pour les communautés locales.

 Un échange « dette-nature » aux Seychelles n’est donc pas un phénomène particulièrement nouveau. Cependant, ce qui est différent, c’est que l'accord est ici financé par des investisseurs privés, et que NatureVest est établi exclusivement pour trouver de nouveaux marchés financiers pour la conservation de la nature. Cet accord peut donc être considéré comme l'une des initiatives les plus ambitieuses des groupes environnementaux à se tourner vers le capital privé pour sauver les écosystèmes marins et les pêcheries. D'autres projets, négociés par NatureVest aux États-Unis et à Palau, comprennent l'achat de droits de pêche aux gouvernements, pour les revendre ensuite aux pêcheurs à la condition qu'ils pêchent de façon responsable, ou pour simplement les garder de manière à arrêter complètement la pêche.

 Ce virage vers une « financiarisation » du secteur maritime est devenu de plus en plus évident ces dernières années. Ce qu'on appelle parfois des outils « de marché » pour la conservation, comme les éco-labels et le ‘paiement pour des services rendus par les écosystèmes’ en sont de bons exemples. C’est aujourd’hui au tour des banques et des groupes financiers de devenir une nouvelle source de capitaux et d’investissements pour la conservation de la nature.

 Le cas des «investissements à impacts»

 The Nature Conservancy, la plus grande ONG environnementale du monde et JPMorgan Chase, la plus grande banque américaine, ont créé NatureVest en 2014. Ils sont aussi conseillés par EKO Asset Management Partners qui se spécialise dans les « investissements à impacts » - terme utilisé pour décrire les investissements qui sont rentables, mais censés aussi avoir un effet social ou environnemental positif. NatureVest fait partie d'une plus grande coalition d'organisations aux vues similaires qui constituent 50in10. Ces mêmes organisations sont à la pointe du Partenariat Global Ocean lancé par la Banque mondiale. Comme nous l'avons décrit dans une précédente note, ils partagent tous des vues similaires, peu convaincantes, sur les causes de la surpêche et de la dégradation des écosystèmes marins, et ils sont d'accord sur ce qui doit conduire à régler ce problème.

 Une des justifications les plus importantes données pour se tourner vers les marchés financiers ou les investisseurs privés, c’est que les sources traditionnelles d'aide stagnent. Selon ces organisations environnementales, c’est ce qui représente un obstacle majeur pour sauver les écosystèmes marins. NatureVest, avec EKO, ont publié un rapport, intitulé « Investir dans la conservation ». Le préambule a été écrit par le PDG de Commercial Banking chez JPMorgan Chase et il a décrit ce qui suit :

 « J’ai passé une grande partie de ma carrière à travailler avec le groupe de services bancaires d'investissement ‘Ressources naturelles’ chez JPMorgan Chase, et les questions liées à la santé de nos écosystèmes résonnent fortement chez moi. La mobilisation du capital privé pour investir et protéger le capital naturel est essentielle, du fait que les sources traditionnelles de financement philanthropique et les fonds gouvernementaux sont manifestement insuffisants pour relever le défi. Ce qui est passionnant avec ce rapport, c’est qu'il met en évidence une source croissante de capitaux pour les investissements dans la conservation qui a, jusqu'ici, été sous-évalué dans les débats: les capitaux des investisseurs à impacts, qui cible un mélange d’avantages pour l'environnement et de rentabilité financière ».

 Le rapport décrit ensuite le principal « déficit de financement » dans la conservation.

 « Deux faits alimentent l'émergence des investissements à impacts pour la conservation : un nombre croissant d'investisseurs veulent utiliser leur capital pour mener à un changement environnemental positif, et les sources de financement actuelles sont insuffisantes pour relever les défis de conservation en expansion à travers le monde ... Le besoin de plus de capitaux privés pour la conservation est clair. A en juger par les contributions à The Nature Conservancy, le financement philanthropique dans le secteur est essentiellement resté le même, après corrections dues à l’inflation, depuis la fin des années 1990. Le financement gouvernemental stagne également, et, dans certains cas, il est en baisse. Le financement mondial annuel pour la conservation est estimé à environ 50 milliards de dollars, principalement de sources gouvernementales, d’agences multilatérales, et de sources philanthropiques. Mais ces sources sont bien insuffisantes par rapport à ce que plusieurs chercheurs ont identifié comme étant le besoin annuel de 300-400 milliards de dollars globaux pour les investissements dans la conservation ».

C’est une déclaration remarquable. Le manque de financement nécessaire aux efforts mondiaux de conservation serait donc de près de 350 milliards de dollars par an. NatureVest cite plusieurs recherches qui ont abouti à ces chiffres. Le principal rapport sur lequel ils s’appuient est publication conjointe de WWF Suisse, du Crédit Suisse et de McKinsey & Co consultants, présentée en Janvier 2014, qui a avant tout admis qu'il n’y avait pas de méthode fiable pour estimer les besoins de financement pour la conservation. Cependant, trois autres rapports fournissent des estimations très similaires, que ce soit pour le financement de l'agriculture durable, de l'adaptation au changement climatique et du coût de la conservation de la biodiversité en dehors des zones protégées. C’est de cette façon que ce chiffre de 300 à 400 milliards de dollars, censé représenter le manque à gagner pour le financement de la conservation, s’est imposé. Suivant cette même logique, 50in10 a également abouti à des chiffres précis du déficit de financement dans les pêcheries, présenté dans son document « théorie du changement » sur la façon dont le monde a besoin de faire la transition vers une pêche durable:

«Les experts économiques estiment que le montant total que les gouvernements doivent investir pour reconstruire les pêches mondiales varie entre 130 milliards de dollars et 292 milliards de dollars en valeur actuelle, avec une moyenne de 203 milliards de dollars. Ce coût de transition totale serait étalé sur le temps nécessaire pour reconstruire la pêche dans tous les pays. En revanche, des études récentes des quelques fondations philanthropiques qui mettent l'accent sur les océans estiment qu'ils investissent près de 300 millions de dollars par an pour appuyer la conservation marine, principalement aux États-Unis et en Europe. Actuellement, la Banque mondiale estime que son investissement pluriannuel lié à la pêche est d'environ 800 millions de dollars. Bien que significatifs, ces investissements font pâle figure en comparaison à l'ampleur du problème de la surpêche. Cet écart dans le financement met en évidence la nécessité de créer de nouveaux partenariats afin que nous puissions réduire la duplication des efforts, diffuser des idées réalisables rapidement et augmenter à la fois la quantité et l'efficacité du financement pour la conservation marine».

Ces chiffres cités sur le « déficit de financement » proviennent d'une étude sur l'ampleur de la surcapacité de la flotte de pêche de la planète, et ils représentent une estimation assez brute de ce que seraient les coûts si les gouvernements devaient financer une réduction de la surcapacité et de d’arrêt des subventions. L'utilisation de ces données pour arriver à un montant approximatif des investissements supplémentaires que doivent trouver les ONG auprès des privés pour assurer la conservation marine est une pure invention.

Dans tous ces rapports, on décrit des manières créatives d'attirer de nouveaux investisseurs à impacts. WWF, Credit Suisse et McKinsey voient un grand potentiel, pour financer la conservation, à cibler des particuliers ‘très/ultra’ fortunés, à savoir le 1% du monde qui détient 50% des richesses.

«Actuellement, les actifs bancables de ces riches sont estimées à 460 milliards de USD. À l'échelle mondiale, cette base d'actifs devrait croître de 8% au cours des prochaines années. Si 1% de ces nouveaux actifs et des actifs existants réinvestis étaient alloués au financement de la conservation, environ 85 milliards de dollars par année seraient disponibles ».

50in10 a d'autres idées pour combler le déficit de financement. Bien qu'ils décrivent les sources traditionnelles de financement du développement comme étant beaucoup trop limitées, ils voient la possibilité d’un séquençage de financement, où le financement public ouvre la voie à l'investissement privé dans un cercle vertueux :

« Au départ, ce travail [de conservation] sera principalement financé par des subventions philanthropiques et gouvernementales et des prêts à impacts à faible intérêts. Au fur et à mesure que ces projets réussissent et que les dividendes économiques des pêches durables sont clairs, nous nous attendons à inspirer le développement d'un ensemble plus diversifié d’entreprises d’affaires liées à la pêche durable qui, à son tour, permettra d'attirer un groupe plus large d'investisseurs à impacts. Finalement, ce cycle mènera à une pêche durable, soutenue par des capitaux privés avec des fonds publics limités, axés sur la surveillance et la mise en oeuvre. L’aide philanthropique et internationale pourra alors passer à d'autres pêcheries et recommencer ce cercle vertueux ».

Nous pouvons voir ici pourquoi le glissement vers le financement privé est également encouragé par les donateurs multilatéraux traditionnels tels que la Banque mondiale – c’est un moyen d’en avoir plus pour son argent. C’est une vision de l'avenir basée sur la privatisation, avec un rôle minime pour l'Etat, concentré uniquement sur la surveillance et la mise en oeuvre – pour garantir que la propriété privée des investisseurs est en sécurité.

 Mais est ce que ce ne sont pas les riches qui détruisent la planète?

 Dans ce contexte de financiarisation des grandes ONG environnementales, il faut rappeler que c’est la croissance débridée, qui a créé ces individus ‘ultra-fortunés’, qui a aussi dévasté les écosystèmes et les communautés qui en dépendent, tout en vidant la capacité de l'État à gérer les écosystèmes. C’est un cycle qui contraste avec  le cycle vertueux représenté par 50in10. Dan Brockington et Jim Igboe décrivent la façon dont le néo-libéralisme a englouti le courant-dominant de la conservation. Ils voient le monde des ONG de conservation néo-libérales de la manière suivante :

 «... Un monde où il est possible de créer de la valeur à l'infini signifiant qu'il n'y a pas de perdants (ou au moins aucune excuse pour que les gens soient perdants) et peu de besoin de compromis, car il n'y a plus de conflits fondamentaux. Dans ce monde supposé, chaque nouveau problème devient une occasion pour le profit et la croissance économique. La nature est protégée par l'investissement et la consommation et la conservation peuvent être réalisés sans s’attaquer aux inégalités difficiles et systémiques ainsi qu’aux relations de pouvoir qui sont inextricablement liées à un si grand nombre de nos problèmes environnementaux mondiaux aujourd'hui ».

Il n’est pas besoin d'être cynique pour relever la contradiction dans le fait que des banques, comme JP Morgan et Credit Suisse s’associent avec des ONG environnementales pour sauver la planète, alors que leurs actifs bancaires s’appuient sur les bénéfices de certaines des industries les plus destructrices du monde. Par exemple, seulement quelques mois après la sortie de leur rapport sur la façon de sauver les océans de la planète grâce à l’augmentation de l'investissement privé, le Crédit Suisse a joué un rôle de premier plan dans la fourniture d’un investissement de 850 millions de dollars en une entreprise de pêche thonière au Mozambique. L'opération a été si secrète que l’ensemble des principaux donateurs du Mozambique ont menacés de mettre fin à leur soutien au pays si il n’y avait pas rapidement plus de transparence. L'argent recueilli par le Crédit Suisse doit servir à acheter 26 palangriers et 6 navires de patrouille qui seront sous le commandement d'une entreprise privée. Les investisseurs recevront des rendements fantastiques (8,5% sur 6 ans), mais l'impact de ces navires sur l'écosystème marin du Mozambique déjà sous pression est très incertain.

Les attentions des ONG environnementales devraient se porter sur l'impact social et environnemental des 99% des richesses détenues par les ultra-riches, plutôt que sur l'élaboration de stratégies pour les aider à investir 1% de leurs immenses fortunes dans des projets verts.

Si l'on admet cette relation négative entre le capitalisme moderne et l'environnement, il est alarmant de constater que des ONG environnementalistes sont devenues ces bastions ardents du néo-libéralisme. C’est un changement certain de positionnement - Il fût une temps où les ONG environnementales s’affichaient publiquement contre les grandes entreprises. Mais de plus en plus, ces grandes ONG environnementales ont tourné le dos à l'activisme, ressemblent et agissent comme de grandes entreprises et leur donnent un siège dans leur conseil d’administration. Si l'on regarde la liste des dirigeants des grandes ONG environnementales aujourd'hui, on voit qu’un nombre croissant d’entre eux viennent du secteur bancaire. Kenneth Macdonald a écrit un essai retraçant ces transitions au sein de l'Union Internationale de la Conservation de la Nature, où une approche favorable aux entreprises a émergé au milieu des années 2000, éloignant de nombreux membres traditionnels de l'UICN. Geneviève LeBaron, co-auteure du livre « Manifestation Inc », décrit le résultat de la manière suivante :

«Une des conséquences des ONG environnementales qui choisissent de coopérer avec des entreprises a été que plus d'efforts ont été faits sur les questions de marché de l'environnement, et l’activisme centré sur les consommateurs - l'éco-certification et l'éco-étiquetage, par exemple, qui contribuent à légitimer plutôt qu’à défier le « business as usual ».... Le grand danger de cette corporatisation est que, tandis que les ONG environnementales flirtent avec les limites... la consommation globale augmente de façon exponentielle. Il en de même pour le pouvoir et le profit des compagnies pétrolières et des grandes chaînes de distribution dont les modèles commerciaux non viables ont conduit au changement climatique. Les mouvements et groupes environnementaux locaux continuent de résister et de contester la corporatisation. Mais cela ne signifie pas qu'ils ne sont pas affectés par celle-ci. Nos recherches ont montré qu’alors que les dirigeants mondiaux font l’éloge des partenariats entreprises-ONG, les politiciens, les forces de police et les Cours de justice dans les pays, tels que le Royaume-Uni, les États-Unis et le Canada, traitent les militants au niveau de la rue - en particulier ceux qui sont impliqués dans l'action directe -. de plus en plus sévèrement. Lorsque des alternatives crédibles sont souillées par association, de telles actions améliorent seulement le pouvoir que les entreprises ont d’affaiblir l'activisme environnemental ».

Le pouvoir grandissant des ONG environnementales qui a été conquis grâce à des investissements financiers innovants pose dès lors de sérieuses questions en termes de contrôle démocratique. Les investissements du secteur privé dans la conservation ne sont pas aussi transparents que de nombreux projets d'aide au développement traditionnels, et les investisseurs du secteur privé n’ont pas tendance à exiger le même niveau d'examen éthique de leur financement que les autorités publiques. Plus important encore, peut-être, grâce à l’argent des investisseurs privés, des organisations telles que NatureVest sont de plus en plus influentes, capable de fixer les modalités des politiques marines simplement parce qu'ils peuvent s’appuyer sur plus de capital (ou promettre de le faire dans l'avenir). Beaucoup de petits groupes se laissent enfermer dans cette rhétorique des investissements publics/privés pour assurer cette « transition de la pêche », basée sur des idées d'une augmentation massive des investissements, dont certains peuvent ensuite avoir des retombées pour de plus petites ONG. Il est intéressant de lire un article écrit en 1991 résumant les points de vue, sur les échanges dette/nature, lors d'une réunion des organisations de populations autochtones au Brésil :

« Le mécanisme de conversion qui permet d’échanger la dette extérieure contre des avantages environnementaux, contrairement à ce qu'il suggère, ne contribue pas à l'élaboration de politiques environnementales conformes à la gestion démocratique des ressources naturelles, et pourrait en réalité contrecarrer la conservation de l'environnement et une meilleure qualité de vie pour la population locale. Il fait partie d'une stratégie plus générale pour la conversion et l'administration de la dette, réaffirmant la domination politique et économique des créanciers auprès des débiteurs, dans un modèle de développement, qui commercialise la vie sous tous ses aspects .... L’alternative des ONG pour agir directement, sans s’emmêler dans le carcan de la conversion de la dette, et avec un accent politique plus clair et plus profond, est l'un des moyens de ramener au centre du débat la nécessité d'avancer dans la construction d'un modèle de développement qui unit l'écologie, la justice sociale et la démocratie ».

Le modèle qui « commercialise la vie dans tous ses aspects » est beaucoup plus puissant aujourd'hui qu'il ne l'était il y a vingt ans. Mais est-ce que plus d'argent - soit par l'aide au développement ou par des investissements à impacts – est toujours la réponse aux problèmes de la pêche ? C’est ce que tant d'organisations de premier plan dans la conservation marine sont en train de nous dire.

Pourtant, cette logique doit être remise en question - il n’existe aucune preuve solide que des milliards de dollars investis dans des activités de développement et de conservation par les plus grands donateurs mondiaux et les ONG environnementales ont eu un impact positif retentissant, alors pourquoi devrions-nous croire qu’en augmentant encore massivement ce type de financement, et en essayant de faire plus de profits en passant, on va résoudre automatiquement les problèmes complexes de la pêche et la conservation marine ?

Des organisations comme NatureVest et 50in10 proposent des solutions à la pêche qui dépendent pour une grande partie de la restriction de l'accès aux pêcheries et l'achat de zones marines protégées. Cette mesure aura des effets incertains dans de nombreux endroits et il n’est pas certain que ce qui est bon pour les investisseurs à impacts est bon pour les personnes les plus pauvres. Comment ces organisations vont équilibrer leur ambition de sauver les écosystèmes marins avec les besoins des communautés les plus pauvres et ceux de leurs nouveaux investisseurs ultra-riches ?

Nous devons remettre en question la perception de ce que la richesse de la nature réside seulement dans sa « valeur d'échange » (et donc la réalisation de bénéfices). Nous avons besoin d'ouvrir un débat sérieux sur les conséquences de la financiarisation de la conservation marine, et de quels sont les risques potentiels pour les communautés qui vivent de la pêche.

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APPD: nécessité d'harmoniser la portée et l'interprétation de la 'clause d'exclusivité'

Le nouveau règlement de base de la Politique Commune de la Pêche de l’UE (PCP) intègre pour la première fois des dispositions spécifiques à la dimension extérieure de la PCP, y compris une 'clause d’exclusivité' comme élément principal des Accords de Partenariat de Pêche durable. Cette clause d'exclusivité signifie que les bateaux de pêche européens ne peuvent pêcher que dans le cadre d'un accord. 

Fin 2014, la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) s'est prononcée sur la mise en oeuvre de la clause d'exclusivité dans le cas de bateaux de pêche suédois affrétés par des compagnies marocaines, alors qu'existait un accord-cadre de pêche entre l'UE et le Maroc (contenant une clause d'exclusivité), mais pas de protocole d'application.

Dans son jugement, la CJUE étend l'application de la clause à des bateaux européens opérant sous contrat d'affrètement - donnant une interprétation stricte de la clause d'exclusivité. 

Cependant, d'autres cas montrent que la portée et la mise en oeuvre de la clause d'exclusivité dans les APPD demeure irrégulière, différant souvent d'un accord à l'autre.

Le nouveau document de CAPE réfléchit sur le besoin d'harmoniser la portée et la mise en oeuvre de la clause d'exclusivité. Il ouvre aussi le débat sur d'autres formes d'activités de pêche d'origine européenne, en dehors des accords, comme le re-pavillonnement et a constitution de sociétés mixtes, qui ne sont pas correctement réglementées par l'UE. 

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L'accord de partenariat de pêche UE-Sénégal débattu au Parlement européen: recommandations de CAPE et APRAPAM

En vue du débat en Commission pêche du Parlement européen qui aura lieu mercredi 3 Décembre prochain sur le projet de recommandation du Parlement sur l’accord et le protocole de partenariat dans le domaine de la pêche durable entre l'Union européenne et la République du Sénégal (APPD), CAPE et APRAPAM souhaitent réitérer leurs position et recommandations vis à vis de cet accord.

Nous nous félicitions qu'aucun accès n’ait été négocié pour la sardinelle dans l’APPD, étant donné que l’état du stock, en surexploitation, nécessite que des mesures de réduction d’effort de pêche soient prises. Cette ressource stratégique pour la sécurité alimentaire devrait être réservée à la pêche artisanale durable.

Cependant, cette ressource est ciblée dans le cadre d’autres accords de pêche de l’UE, comme avec le Maroc et la Mauritanie. Il est dès lors prioritaire, que dans le cadre de cet APPD UE-Sénégal, les deux parties s’engagent à promouvoir une gestion régionale de l’exploitation de ces ressources, avec un accès privilégié aux activités de pêche destinées à la consommation humaine directe

Nous rappelons que les mesures concernant la déclaration des captures de données en temps réel et l'embarquement des observateurs doivent être mises en place pour les navires thoniers de l'UE et être étendues à toutes les flottes opérant actuellement au Sénégal.

Ensuite, suivant le principe selon lequel l’UE ne doit avoir accès qu’au reliquat préalablement identifié sur la base de données scientifiques actualisées, nous demandons qu’une étude scientifique soit menée afin de définir l’état du stock de merlu pour confirmer ou infirmer que des possibilités de pêche pour cette espèce peuvent être attribuées aux navires de l’UE en vertu de cet accord

Nous insistons sur la nécessité d’une plus grande transparence et participation des parties prenantes, - notamment les Parlements européens et sénégalais, les organisations professionnelles et de la société civile-, soient informées et consultées de manière adéquate pendant toute la durée de la mise en œuvre de l’accord, y compris en participant, en qualité d'observateurs, aux réunions de la Commission mixte. Une attention particulière devra être accordée à la façon dont l’appui sectoriel sera utilisé, la mise en oeuvre de ce dernier devant faire l’objet d’une évaluation annuelle.

Enfin, nous demandons que, dans le cadre du partenariat UE-Sénégal, une réflexion soit menée sur la façon de rendre les opérations des sociétés mixtes transparentes, sans impacts négatifs pour les communautés côtières, et en ligne avec l'exploitation durable des ressources halieutiques et la préservation des écosystèmes au Sénégal.

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Des thoniers de capital espagnol battant pavillon étranger se soumettent aux règles de contrôle de l'UE

Post par Anaïd Panossian, juriste, experte en Droit de la Mer et Pêche

En avril 2014, le secteur de la pêche au thon tropical espagnol a signé avec son administration un accord sur les ‘navires de pays tiers’. Cet accord doit permettre à l’administration espagnole d’appliquer les mêmes exigences en termes de contrôle, suivi et surveillance aux navires thoniers appartenant à une entreprise de capital espagnol, pêchant sous un pavillon non-UE, qu’aux navires espagnols battant pavillon de l’UE. Il concerne notamment des navires en société mixtes de pavillon seychellois.

Un tel accord a surtout été motivé par les contraintes imposées par l’Union européenne dans l’application de sa réglementation INN pour l’importation de produits de la pêche. Il devrait permettre de faciliter les formalités administratives requises par la réglementation INN pour intégrer le marché de l’UE, du fait que les navires rempliraient les conditions requises par la législation UE.

Cet accord devrait donc permettre de faciliter les débarquements de thon de ces navires battant pavillon non UE sur les marchés de l'UE. Cet accord fait également partie d’une initiative plus large de l’Espagne visant à démontrer son engagement contre la pêche INN et pour une plus grande transparence dans les pêcheries thonières mondiales.

Un rapport (en anglais) par Louis Leroy-Warnier, principalement basé sur des entrevues avec les parties prenantes espagnoles, enquête sur la raison d'être, l’intérêt et les limites du présent accord et sur la possibilité d'une transposition d'un tel accord au niveau européen.

Ce type d’accord soulève certaines interrogations.

 

Il est tout d’abord encourageant de noter que des efforts sont fait pour suivre les activités des flottes qui ne sous plus sous pavillon d’un Etat membre de l’UE mais dont les capitaux restent UE.

 

De grandes lacunes persistent en effet sur l’encadrement des flottes opérant sous sociétés mixtes, affrètement, voire accords privés. Un tel système pourrait permettre de montrer la voie pour un meilleur suivi de ces flottes.

Seulement, on peut s’interroger sur la valeur juridique d’un tel accord qui ne semble pas être contraignant. Comment l’administration espagnole entend elle assurer un contrôle effectif de ces flottes, avec quels moyens?

Le rapport s’interroge sur l’engagement de responsabilité de l’administration en cas de non respect des dispositions de cet accord. Seulement, étant donné qu’il ne s’agit a priori pas d’un accord contraignant, cela ne devrait pas être possible.

 On doit également se poser la question du rôle de l’Etat du pavillon dans ce cas, car c’est à lui que revient l’obligation première de contrôle et suivi de ses flottes. Comment un tel accord s’articule t’il avec de telles obligations ?

Ce type d’accord soulève certaines interrogations.

Il est tout d’abord encourageant de noter que des efforts sont fait pour suivre les activités des flottes qui ne sous plus sous pavillon d’un Etat membre de l’UE mais dont les capitaux restent UE. 

De grandes lacunes persistent en effet sur l’encadrement des flottes opérant sous sociétés mixtes, affrètement, voire accords privés. Un tel système pourrait permettre de montrer la voie pour un meilleur suivi de ces flottes. 

Seulement, on peut s’interroger sur la valeur juridique d’un tel accord qui ne semble pas être contraignant. Comment l’administration espagnole entend elle assurer un contrôle effectif de ces flottes, avec quels moyens?

Le rapport s’interroge sur l’engagement de responsabilité de l’administration en cas de non respect des dispositions de cet accord. Seulement, étant donné qu’il ne s’agit a priori pas d’un accord contraignant, cela ne devrait pas être possible. 

On doit s’interroger également sur le rôle de l’Etat du pavillon dans ce cas, car c’est à lui que revient l’obligation première de contrôle et suivi de ses flottes. Comment un tel accord s’articule t’il avec de telles obligations ? 

En tout état de cause, il s’agit certainement d’une avancée, dont la porté mérite encore d’être évaluée, qui va dans le sens d’un renforcement du suivi et contrôle des flottes aux capitaux européens qui ne sont plus paillonnées UE. Cette initiative pourrait être considérée par d’autres Etats membres et d’autres entreprises européennes, en attendant que l’UE elle-même finalise un cadre approprié sur les conditions de création et de suivi des sociétés mixtes à capitaux UE, dont elle encourage notamment la création par le biais de ses accords bilatéraux de pêche, et autres types d’accès comme l’affrètement et les accords privés par ses Etats membres.

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'La pêche africaine a besoin, plus que jamais, de visibilité', dit le REJOPRAO lors de son Assemblée générale

Cet article a été publié par Assane Deme, Secrétaire Général du Réseau des journalistes pour une pêche responsable et durable en Afrique de l’Ouest, sur le site de APS http://www.aps.sn/articles.php?id_article=135397

Les membres du Réseau des journalistes pour une pêche responsable et durable en Afrique de l’Ouest (REJOPRAO) ont estimé que la pêche africaine a plus que jamais besoin de visibilité dans un contexte où les enjeux liés à l’accès à la ressource halieutique deviennent plus nombreux. ‘’Dans un tel contexte, l’information, la sensibilisation et la communication prennent une importance particulière’’, ont-ils déclaré au cours d’une assemblée générale ordinaire, mardi, à Saly-Portudal.

Les délégués ont noté qu’un immense travail a été réalisé par le réseau au cours des trois dernières années. Ils estiment que le REJOPRAO a su être au cœur de grands évènements à travers la couverture des deux dernières éditions du Comité des pêches de la FAO ainsi que sa participation régulière à la célébration de la Journée mondiale de la pêche. Les délégués ont ainsi salué le bureau sortant pour la qualité du travail abattu. Mais ils ont reconnu que cela était en-deçà de l’espoir qu’avait suscité la création du réseau en 2006. En réponse à cela, les membres ont individuellement renouvelé leur engagement, et un nouveau bureau a été mis en place.

Venus d’une dizaine de pays (Bénin, Burkina Faso, Cap Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Mali, Nigéria, Sénégal, Togo), les délégués ont élu un nouveau bureau de neuf membres, présidé par le journaliste burkinabé Inoussa Maïga, pour une durée de trois ans. Il remplace ainsi à ce poste son confrère mauritanien Jedna Deida. Les missions assignées au nouveau bureau sont, entre autres, l’amélioration de la communication interne et externe du REJOPRAO, le renforcement du leadership et de l’engagement des membres, la promotion de l'information. La nouvelle équipe du REJOPRAO a également pour tâche de promouvoir ‘’l’excellence journalistique sur la pêche’’, avec l’instauration d’un prix pour les meilleurs journalistes et des bourses de reportage.

Pour atteindre ses objectifs, le REJOPRAO veut compter sur le soutien de ses partenaires. Il s’agit notamment de la Confédération africaine des organisations professionnelles de pêche artisanale (CAOPA), de la Coalition pour les accords de pêches équitables (CAPE), de la Société suédoise pour la conservation de la nature (SSNC), etc.

Les membres du nouveau bureau exécutif veulent, au cours de leur mandat, faire du REJOPRAO ''une structure fiable et crédible avec des ambitions réalistes au profit du secteur de la pêche artisanale et des communautés de pêcheurs, dans un esprit de dialogue et de consensus constructifs'', comme ce fut le cas tout au long de leur assemblée générale. ‘’On est conscients du travail qui nous a été confié à travers ce choix porté sur nous et la lourdeur des tâches qui nous attendent. On doit, sans perdre de temps, travailler d’arrache-pied pour être au rendez-vous des enjeux de la pêche africaine’’, a déclaré M. Maïga, après son élection. Il a invité les membres du réseau, une fois de retour dans leurs pays respectifs, à jouer le rôle d’ambassadeur du REJOPRAO auprès de leurs confrères locaux, en les sensibilisant sur les enjeux de la pêche artisanale. Le nouveau président du REJOPRAO a invité ses confrères à faire preuve d'engagement pour la promotion d’une pêche responsable et durable.

Composition du nouveau Bureau exécutif du REJOPRAO

Président : Inoussa Maïga (Burkina Faso)

Vice-président : Joana Lopes (Cap-Vert)

Secrétaire général : Assane Dème (Sénégal)

Secrétaire général adjoint : Seckou Jammeh (Gambie)

Trésorier général : Adama Mbodji (Sénégal)

Trésorier général adjoint : Nana Darko (Ghana)

Membres :

Bégui Ogo (Côte d’Ivoire),

Sandrienne Boko (Bénin)

Babacar Guèye (Sénégal).

 

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SENEGAL: ILFAUT RESERVER L'EXPLOITATION DE LA SARDINELLE A LA PECHE ARTISANALE

Cet article est écrit par le Dr Sogui Diouf, médecin vétérinaire et ancien Directeur des Pêches

Chaque année, à l’approche de la saison froide, les bateaux russes ciblant les petits pélagiques se rappellent au bon souvenir des sénégalais en sollicitant des autorisations de pêche. La flotte russe qui, jadis, pêchait annuellement 1.500.000 tonnes de petits pélagiques le long des côtes nord-ouest africaines se limite, désormais, à pêcher 400.000 tonnes par an.

En 2010, la Russie, avec la complicité du Ministre de l’Economie maritime de l’époque, avait obtenu l’autorisation d’exploiter nos ressources pélagiques côtières. Mais, en Avril 2012, cette flotte a été sommée de cesser ses activités dans les eaux sénégalaises.

En 2013, un accord de pêche a été signé entre la Russie et la Guinée Bissau, offrant à la Russie la possibilité d’opérer dans la zone commune entre le Sénégal et la Guinée Bissau et d’en profiter pour faire des incursions dans les eaux du Sénégal. C'est ainsi que le bateau Oleg NAYDENOV fut arraisonné fin 2013 en action de pêche sans autorisation.

Cette année, nous nous demandions quelle stratégie la Russie allait employer….

C'est alors qu'il nous est revenu qu’en Septembre 2014, un opérateur économique de Dakar, à la tête d’une société mixte, a introduit auprès du Ministère de la Pêche et de l’Economie maritime une requête portant sur l’octroi de 10 autorisations de pêche aux petits pélagiques, afin de lui permettre la reprise de la société de transformation de produits de la pêche Africamer.

Africamer a été créée en 1979. Par an, elle traitait 20.000 tonnes de poisson, en exportait 12.000 dont 85% vers l'Europe, avait une flotte de 17 chalutiers glaciers et employait 2.500 personnes. Africamer, qui fut la plus grande société de pêche du Sénégal, a connu, entre 2005 et 2008, des difficultés consécutives à des erreurs de gestion. Ces difficultés ont entraîné une suite d'arrêts suivis de reprises éphémères d'activités. Africamer a, finalement, été mise en liquidation en 2011.

Coïncidence: fin 2013, le représentant de l’Agence russe avait fait, auprès de la Présidence de la République, une requête très semblable: une demande de licences de pêche pour 10 chalutiers, opérant 6 mois par an pour pêcher 100.000 tonnes de petits pélagiques, pendant 5 ans. La requête incluait aussi la reprise d’Africamer. Les similitudes sont tellement frappantes qu’on se demande si la requête du promoteur sénégalais de 2014 n’émane pas en réalité de l’Agence Fédérale de Pêche de Russie.

La requête du promoteur sénégalais de Septembre 2014 comprend, outre la reprise d’Africamer et l'octroi des 10 licences, la création d'un chantier naval et un volet de développement de l’aquaculture. L'investisseur propose, pour réaliser ce programme de grande envergure, d'investir seulement 11 milliards FCFA (+- 17 millions d'euros), ce qui est irréaliste. D'autre part, la reprise des activités d’Africamer supposerait un approvisionnement de l’usine en produits frais - or, les produits pêchés par les bateaux russes à qui irait les dix licences sont congelés à bord et conditionnés en mer.

Cette proposition de reprise de l’usine de transformation Africamer n’est qu’un leurre. Les promesses de recrutement d’ouvriers pour Africamer ne pourront pas être tenues car on n’approvisionne pas une usine de transformation avec des produits déjà congelés et conditionnés en mer. Il s’agit d’un mensonge et du seul moyen qu’a trouvé la Russie de faire revenir ses bateaux dans les eaux sénégalaises pour pêcher la sardinelle.

Ce qui est en jeu, c’est notre sécurité alimentaire et nos emplois. En effet, les flottes de super chalutiers étrangers pêchant dans la région sont en compétition directe avec la pêche artisanale pour l’accès à la sardinelle. Il s’agit en effet d’un stock unique qui effectue des migrations entre le Maroc et la Guinée Bissau en passant par la Mauritanie et le Sénégal.

Les sardinelles occupent une place très importante dans la pêche au Sénégal tant en ce qui concerne les mises à terre, la consommation locale que les emplois et les exportations. Quelques 60% des plus de 400.000 tonnes de débarquements de la pêche artisanale sénégalaise, sont des sardinelles.

Près de 12.000 pêcheurs artisans sénégalais vivent de la seule pêcherie de sardinelles. En outre, de nombreux métiers connexes (distribution du poisson, transformation artisanale) associés à la pêcherie de sardinelles se caractérisent par de faibles barrières à l’entrée en termes de capital, qualification et savoir-faire et emploient des milliers de personnes. L’importance de la composante féminine dans la transformation artisanale constitue un facteur favorable aux politiques de réduction de la pauvreté.

Au plan de la sécurité alimentaire, les sardinelles constituent la source de protéine animale la plus accessible en termes de prix et de quantité. Dans beaucoup de familles sénégalaises, actuellement, seul le repas de midi, à base de riz au poisson (sardinelles) est assuré.

Actuellement, L’état des ressources de sardinelles est préoccupant. Le groupe de travail FAO/COPACE réuni en juin 2013, à Nouadhibou (Mauritanie), a constaté que comme les années précédentes les stocks de sardinelles sont surexploités et que l’effort de pêche doit être substantiellement réduit.

Les pêcheurs artisans sénégalais, conscients de la surexploitation des sardinelles, se sont imposés des restrictions notamment des mesures pour interdire la pêche, la commercialisation, le transbordement et la transformation des juvéniles, ou encore des arrêts temporaires de la pêche.

Vu cette situation, il faut, aujourd’hui, réserver les sardinelles à la pêche artisanale, tout en accentuant l’application des mesures de régulation de l’effort de pêche déjà adoptées.

C’est, à la fois, une question de sécurité alimentaire et de stabilité sociale.

Dr Sogui DIOUF

Vétérinaire

soguidiouf@gmail.com

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'Nous devons assurer une cohérence des règles appliquées aux flottes UE pêchant dans les eaux européennes et celles pêchant en dehors'

Echange de vues avec Mr Alain Cadec, Parlementaire européen, Président de la Commission de la Pêche du Parlement européen

Le Parlement européen a joué un rôle important dans l’élaboration de la nouvelle Politique Commune de la Pêche de l’Union européenne (PCP), notamment les dispositions qui s’appliquent aux relations de pêche avec les pays tiers (la ‘dimension externe’). Comment concevez-vous l’implication du Parlement Européen dans la phase de mise en oeuvre?

Il est très important pour le Parlement européen de participer activement à la mise en oeuvre de la dimension externe de la PCP. En effet, le Conseil des Ministres européens de la pêche a énormément de prérogatives, notamment pour la conclusion des Accords de partenariat de pêche durables. Il est primordial pour le Parlement de maintenir son pouvoir et de veiller à être constamment informé par la Commission et le Conseil à toutes les étapes des négociations d’accords. Le Traité de Lisbonne nous confère le pouvoir d'approuver ou non les accords internationaux négociés par la Commission, utilisons-le à bon escient!

Aujourd’hui, la plupart des accords de partenariat  sont des accords thoniers. Quel est pour vous l’avenir des accords mixtes, qui incluent non seulement l’accès aux ressources de thons, mais aussi l’accès des flottes de chalutiers?

Les accords mixtes sont par essence plus compliqués à négocier que les accords thoniers. Cependant, nous ne pouvons pas nous cantonner uniquement à des accords de partenariat pour la pêche au thon. Plus de 70% des produits de la pêche consommés en Europe proviennent des importations de pays tiers - notre dépendance ne doit pas s'accroitre à présent!

Dans le cadre des négociations en cours avec la Mauritanie, il y a un blocage notamment sur la question de la compensation financière: l’UE veut un accord où le paiement est dimensionné aux possibilités de pêche offertes, mais pour la Mauritanie, la compensation financière est un droit d’accès, visant à réserver une part du surplus de ressources pour l’UE, qui ne doit pas être confondu avec le prix du poisson payé par l’armateur à la tonne pêchée. Quel est votre point de vue?

L'accord avec la Mauritanie est important pour l'Union européenne. Il représente la possibilité de pêche la plus importante pour l'Union européenne et offre des possibilités de pêches de plusieurs espèces. Des navires espagnols, français, polonais, portugais et italiens exercent leurs activités dans ces eaux. La Commission européenne doit prendre en considération ces enjeux lors des négociations. Il est vrai que pour l'instant, les négociations avec la Mauritanie sont quelque peu compliquées notamment en termes de compensations financières. Les négociations servent à s'accorder sur une définition de ce qu’est cette compensation afin que les deux parties y trouvent leur compte.

Lors de la précédente législature, vous avez fait un rapport sur les conditions de durabilité sociale et environnementale) à appliquer aux importations. Selon vous, comment va évoluer ce débat?

Le secteur de la pêche européen est encadré par des normes sociales et environnementales de plus en plus contraignantes pour les producteurs. Il est donc primordial d'intégrer le même principe de conditionnalité aux pays tiers exportateurs sur le marché européen.

Les produits de la pêche sont par nature des produits sensibles au même titre que les produits agricoles, ils doivent impérativement être considérés comme tels dans le cadre des relations commerciales entre l'Union européenne et les pays-tiers. Nous devons exiger une totale réciprocité de la part de nos partenaires commerciaux avant de libéraliser à tout va notre marché.

J'avais expressément demandé dans mon rapport que les produits de la pêche et de l'aquaculture soient traités par le Commissaire chargé de la pêche et des affaires maritimes lors de négociations d'accord de libre-échange de la même manière que les produits agricoles sont traités par le Commissaire chargé de l'agriculture. À présent nous n'avons même plus de Commissaire chargé exclusivement de la pêche et des affaires maritimes, le portefeuille des affaires maritimes et de la pêche a été fusionné avec celui de l'environnement.

La Commission Européenne a proposé d’envisager la révision de la réglementation sur les autorisations de pêche, pour améliorer le suivi des activités des bateaux européens qui pêchent en dehors des eaux européennes, notamment ceux qui pêchent en dehors du cadre d’accords de partenariat ou d’organisations régionales de pêche (licences privées, affrètement, etc). Quel est votre point de vue ?

La proposition de la Commission européenne de réviser la réglementation sur les autorisations de pêche n'est pas une mauvaise idée. A ce stade, la Commission propose une révision allant dans le sens d'un système plus simple, qui permettra de fournir des données plus fiables et d'avoir un meilleur contrôle de la pêche.

Nous avons mis en place des instruments tels que la Politique commune de la pêche, le règlement contrôle et le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche. D’autre part, la transparence, le contrôle des activités de pêche et la lutte contre la pêche INN sont des objectifs prioritaires pour la Commission de la Pêche du Parlement européen

Pour avoir une efficacité maximale de ces instruments et atteindre ces objectifs, nous devons assurer une cohérence entre les règles appliquées aux flottes européennes pêchant dans les eaux de l’UE et celles pêchant en dehors’. La révision de cette réglementation sur les autorisations de pêche aidera à cela.

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Thoniers et super chalutiers européens obligés de débarquer leurs rejets – enjeux pour les pays en développement

La nouvelle politique commune de la pêche de l'UE a mis en place une ‘interdiction de rejets’, devant être mise en œuvre grâce à l'introduction d'une ‘obligation de débarquement’ des rejets.

L'obligation de débarquement sera introduite en 2015 pour les flottes externes ciblant le thon tropical et les petits pélagiques. Les détails doivent encore être précisés, dans un «acte délégué» de la commission européenne.

Pour les pays en développement, des risques importants existent, en termes de durabilité et de sécurité sanitaire, et des coûts seront associés à la mise en place de cette obligation de débarquement.

Dans sa position, CAPE demande à la CE de donner des réponses claires et développer des stratégies, en consultation avec toutes les parties prenantes, y compris dans les pays tiers, sur les enjeux de durabilité environnementale et de sécurité sanitaire de la mise en œuvre de cette obligation de débarquement.

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La réglementation INN de l'UE - nécessité d'améliorer la transparence

Suite à la pré-notification de la Corée du sud dans le cadre de la réglementation sur la pêche INN, il devient clair que la Commission Européenne doit donner plus de transparence au processus, comme elle le fait avec l'application de la réglementation sanitaire et phytosanitaire.

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