Une des principales barrières à la pêche durable : Le rôle des agents consignataires de pêche en Afrique

Les agents consignataires jouent un rôle crucial dans la facilitation des opérations de la pêche industrielle en Afrique. Tous les navires utilisent au moins un, sinon plusieurs agents. Et dans la plupart des pays, un navire de pêche battant pavillon étranger est légalement tenu d'utiliser un agent local. Dans les accords de pêche de l'UE avec les pays africains, l'utilisation d'un agent consignataire local est également obligatoire pour les opérateurs; c’est une clause dans la plupart des protocoles d'accords. Mais des experts du secteur et des opérateurs de pêche estiment que le rôle de nombreux agents consignataires pose problème – c’est une source de corruption considérable et de pratiques commerciales contraires à l'éthique. 

Si la corruption impliquant des agents consignataires et des autorités se limitait à quelques cas isolés, ce ne serait pas un grand problème. Mais il semble qu’en plusieurs endroits, ce type de corruption est considéré comme un mode de fonctionnement normal ; c’est comme ça que fonctionne la pêche. Nous souhaitons généralement que la prise de décision dans le domaine de la pêche repose sur des considérations relatives à la durabilité et au développement social et économique, y compris pour les politiques qui favorisent les pêches artisanales. Mais ce qui est décrit ici, c’est que pendant des décennies dans certains pays, la prise de décision a été motivée par les intérêts personnels de certains fonctionnaires et agents consignataires, dont la principale source de revenus est l’argent versé par des opérateurs étrangers aux agents consignataires, y compris pour des services surfacturés ou inutiles. Pour cette raison, des experts en matière de pêche estiment que les agents consignataires constituent, selon eux, l'une des menaces principales à la gestion responsable des pêches dans de nombreux pays africains.

Qui est et qu’est-ce qu’un agent consignataire

En Afrique de l'Ouest, l'histoire des agents consignataires de pêcheremonte au début des années 1980. Avec l'extension des eaux territoriales et l'intensification de la pêche industrielle, ce fut une année de croissance considérable du nombre de navires opérant dans les eaux africaines. Avant cette période, la pêche industrielle dans les eaux côtières africaines était dominée par des entreprises publiques de l'ex-Union soviétique, et des navires de pays européens opérant dans le cadre d'accords bilatéraux et privés. Ces accords d'accès avaient tendance à être négociés entre les gouvernements et, dans le cas de l'Union soviétique, impliquaient la mise en place de grandes initiatives de sociétés mixtes, et dont la rumeur disait qu’ils faisaient partie d’accords plus larges, de type militaire.

Ces changements intervenus dans les années 1980 sont arrivés alors que l'ajustement structurel provoquait des désastres, et que plusieurs pays côtiers étaient la proie de conflits civils. Des centaines de navires, dont un nombre croissant provenant d'Asie, opéraient donc dans des pays où les administrations ne fonctionnaient guère, à cause d’un manque de législation, de ressources et de lignes de communication. Il semblerait qu'une femme du Ghana ait été la première personne à y voir une opportunité commerciale. Elle était auparavant employée au Ghana en qualité de Secrétaire Permanente du Ministère de l'Agriculture. Après avoir noué des contacts personnels avec des compagnies de pêche asiatiques, elle a offert ses services pour aider ces entreprises à rencontrer les personnes compétentes dans d'autres pays d'Afrique de l'Ouest et est devenue la facilitatrice pour l’obtention de licences de pêche. Elle a poursuivi en créant une agence de consignataires travaillant dans toute la région, avec des bureaux dans plusieurs pays, dont le Libéria et la Guinée. Aujourd'hui, elle est considérée comme une femme d'affaires extrêmement prospère et est peut-être à l’origine de la vocation de nombreux autres agents inspirés par son succès.

Aujourd'hui, les agents consignataires de pêche peuvent fournir plusieurs services allant de la demande de licences, l’organisation des inspections de navires, le recrutement des équipages, l’organisation du ravitaillement, la réception et la transmission des informations du navire aux autorités, et même l'enlèvement des ordures des navires faisant escale au port. Certaines compagnies d'agents fournissent tous ces services aux navires de pêche, et d’autres sont des agents qui fournissent certains de ces services à une gamme de navires, pas seulement des navires de pêche. Mais il semble plus fréquent en Afrique que les opérateurs de pêche utilisent des agents différents pour différents services, et il y a des agents qui se spécialisent dans l'acquisition de licences de pêche. Même dans le cadre d'accords d'accès bilatéraux, les opérateurs individuels paieront un agent local pour préparer la documentation et récupérer la licence qui est à leur nom. Des opérateurs européens déclarent payer environ 1500 Euros par an aux agents pour ce service, bien que certains soient invités à payer beaucoup plus. Il ne fait aucun doute que les frais payés aux agents sont un coût considérable pour l'industrie, et une activité lucrative pour ces agents.

Les agents consignataires sont habituellement des citoyens locaux, bien qu'il existe des exemples d'étrangers qui travaillent également comme agents. Il y a quelques années, le consul espagnol en Guinée-Bissau était le contact commercial des navires de pêche espagnols, facilitant l’acquisition de licences et offrant des services diplomatiques. Dans certains pays, comme les Seychelles, les agents sont certifiés et reçoivent l’agrément officiel d’exercer. Mais il y a plusieurs pays où le statut juridique des agents est difficile à identifier. En effet, dans de nombreux pays, le secteur semble exister d'une manière relativement informelle. On signale que, par exemple, les navires de pêche néerlandais travaillant en Mauritanie utilisent le même agent local depuis des années, bien qu’il n'y ait pas de contrat formel entre eux et que tout soit fait sur base de la confiance. D'autres représentants de l'industrie confirment que le fait de travailler avec des agents sans contrats a été pratique courante, ce qui rend leurs responsabilités plutôt vagues.

Corruption institutionnalisée?

A première vue, il semblerait que les agents fournissent un service utile à la fois à l'industrie de la pêche et aux autorités locales. L'agent prépare la voie aux navires de pêche travaillant dans des pays réputés difficiles. Comme l'a expliqué un représentant de l'industrie de l’Europe : "travailler sans agent dans des pays comme l'Angola ou la Guinée serait impossible". Et pour les autorités locales, il s’agit d’une personne familière qui sert de contact pour les entreprises étrangères qui peuvent rarement venir au port, et qui ne peuvent pas être contactées facilement ou avec lesquelles il est peut-être difficile de discuter. Pour un grand nombre de navires de pêche étrangers, toutes les transactions avec les autorités de pêche locales sont ainsi réglées par leur agent - non seulement pour le payement des licences, mais aussi pour la transmission de leurs données sur les captures et les activités de pêche.

Mais il existe de sérieuses inquiétudes au sujet de cet arrangement. Un aspect concerne des conflits d'intérêts généralisés. De nombreux agents consignataires de pêche prospères sont soit des anciens employés du département des pêches ou des responsables politiques ou militaires. Il n'est pas non plus rare de rencontrer des agents de pêche qui sont des agents en fonction dans l'autorité de pêche ou le gouvernement. Par, un ancien directeur de la Commission du Thon de l'Océan Indien a été obligé de démissionner lorsqu'on a découvert qu'il avait créé une société d'agents de pêche offrant des services aux bateaux de pêche du thon des Seychelles. Lorsque les informations sur une enquête menée par Interpol dans un incident de piraterie impliquant des navires figurant dans son registre de consignataire avaient été rendues publiques, Il avait transféré la propriété de la société de consignation à son épouse dans le but de dissimuler qu’il était en même temps autorité de pêcheet agent consignataire.

Dans de nombreux pays, il est dit qu'il existe un arrangement de longue date selon lequel les frais payés aux agents de pêche par les propriétaires de navires sont partagés avec certains membres des autorités de pêche. Cela ne se fait pas de manière légale ou transparente, mais représente plutôt des pots-de-vin institutionnalisés. En effet, l'argent versé à certains cadres supérieurs du secteur de la pêche par des agents constituerait un revenu supplémentaire stable pour eux. Un expert au fait de la situation du secteur des pêches de l'Afrique de l'Ouest et qui s’est intéressé au travail des agents de pêche depuis des décennies estime que cela peut se comprendre compte tenu des très bas niveaux de salaire versés aux hauts responsables de l’administration de la pêche; le salaire mensuel que perçoit un directeur des pêches dans un des pays d’Afrique de l'Ouest est de plus ou moins 500 US dollars, d'autres pourraient percevoir encore moins.

Des problèmes persistants de détournement de licences de pêche dans certains pays africains ont été relevés. Il a été signalé dans des pays comme Sao Tomé-et-Principe, la Guinée-Bissau, la Tanzanie et le Mozambique, que dans le passé - et peut-être encore aujourd'hui - certains opérateurs paient les coûts de licence et l'argent des amendes directement sur les comptes personnels de certains hauts fonctionnaires. Cependant, il semble plus courant que les agents jouent un rôle d’intermédiaire dans ce type de détournement de fonds de l'État, et obtiennent également leur part.

Au Libéria, le scandale qui a été très médiatisé concernant des navires de pêche de l’UE et d’Asie pêchant avec des licences frauduleuses en 2014 impliquait également un agent consignataire local, qui était, là encore, un parent d'un haut fonctionnaire du gouvernement. Les personnes impliquées prétendent que le problème serait survenu du fait que l'agent n'a pas versé une part des droits de licence au ministre concerné cette année-là, comme il l'aurait fait pendant plusieurs années auparavant. Le ministre a demandé l'argent, et l'agent a demandé aux propriétaires de navires de payer une deuxième fois, ce qu'ils ont refusé de faire. La réponse du ministre fut de déclarer nulles et non avenues les licences, et d’affirmer qu'elles avaient été émises de façon irrégulière, ce qui n’était pas le cas.

Plus récemment, une autre arnaque a été découverte en Tanzanie, où il a été révélé que des agents travaillant avec des hauts fonctionnaires avaient vendu des licences à des navires étrangers, mais détourné les fonds vers des comptes bancaires privés. Une personne connaissant bien le secteur a déclaré que cette pratique avait été courante pendant des années et avait impliqué de très hauts cadres du ministère des Pêches.

Le point de vue de l’industrie

Il est possible que les propriétaires de navires de pêche ignorent totalement que l'argent versé aux agents consignataires est ensuite détourné vers les comptes bancaires privés de fonctionnaires. Mais cela est peu probable. En effet, une source ayant des contacts étroits avec les flottes de pêche thonièresprises dans le scandale des licences au Libéria a déclaré que l'industrie de la pêche avait été prévenue des implications juridiques si cette situation se présentait - ils payaient des millions d'Euros aux agents qu’ils savaient donner des dessous-de-table aux fonctionnaires. Cela les rendait complices de corruption, ce qui les mettrait en violation des lois de leur pays d'origine sur les paiements de pots-de-vin dans un pays étranger.

En raison de ces types de problèmes, depuis quelques années, les propriétaires de bateaux, du moins de l'UE, ont insisté pour que les paiements s’effectuent au trésor central. Cela a sans doute coupé une source lucrative de revenus pour les fonctionnaires corrompus. Pourtant, certains représentants de l'industrie croient que cela a résulté en des moyens plus novateurs de gagner de l'argent de façon illicite dans le secteur. En effet, certains pensent que les sommes obtenues par les agents consignataires pour d'autres services que l’obtention de licence ont augmenté alors que les paiements de droits de licence étaient effectués directement au trésor central.

Un exemple vient encore du Libéria, où la législation nationale exige maintenant que les navires soient soumis à des inspections annuelles pour obtenir l'autorisation de pêcher, à l’exemple de nombreux autres pays qui suivent des conseils dans le cadre de la lutte contre la pêche INN. Il incombe aux opérateurs de navire de payer les frais des inspecteurs. L'inspection moyenne devrait prendre environ une demi-journée. Mais les opérateurs de navires doivent organiser les inspections par l'intermédiaire de leur agent consignataire local, qui semble gonfler les coûts. Selon une source, les agents ont facturé les honoraires des inspecteurs du gouvernement pour quatre jours par inspection et ont déclaré que les propriétaires de bateaux doivent payer un tarif journalier de 300 Euros pour chaque inspecteur, en plus du payement de leurs vols, hébergement à l’hôtel et restauration. Les opérateurs de navires payeraient aux agents jusqu'à 5000 Euros par inspection.

Récemment, des opérateurs de navires espagnols et français se sont rendu compte qu'ils payaient le même agent, avec les mêmes inspecteurs pour les mêmes jours, de sorte que l'agent doublait au moins son revenu sans fournir la totalité du service requis. Il y a aussi un doute considérable sur le fait que les agents versent le montant total aux inspecteurs. Le point important est que les opérateurs n’ont aucun moyen de le vérifier, vu que les autorités ne rendent pas publiques les structures de coûts des inspections.

Une sphère d’influence croissante?

Au-delà des licences et des inspections, il existe également d'autres sources lucratives de revenus pour les agents et les représentants du gouvernement. Une source provient des règlements extrajudiciaires pour les infractions en matière de pêche. En d'autres termes, les propriétaires de navires accusés de crimes peuvent se retrouver à payer de l'argent à leurs agents pour sortir du pétrin. C'est à la fois une situation très vulnérable à l'extorsion contre les propriétaires de navires, et un moyen facile d'éviter les sanctions.

En 2009, par exemple, les autorités de Guinée-Bissau ont arrêté trois navires ; un pétrolier et deux navires de pêche appartenant à l'Espagne, pour ravitaillement sans autorisation. L'affaire concernant le pétrolier, Virginia G, avait duré pendant plusieurs années, et l'équipage retenu en captivité pendant 14 mois. Les propriétaires du pétrolier ont réfuté l’accusation selon laquelle le ravitaillement en carburant a été effectué dans les eaux territoriales de la Guinée-Bissau. L'affaire a été finalement portée devant le Tribunal international du droit de la mer. Les documents justificatifs de l'affaire présentés par les propriétaires de Virginia G montrent que le capitaine du pétrolier a parlé au propriétaire des navires de pêche le lendemain de l'arrestation. Les deux navires de pêche ont quitté le port ce jour après avoir été arrêtés à côté du pétrolier, et le capitaine du pétrolier a voulu savoir pourquoi. La raison était qu'ils avaient payé à leur agent local, le consul espagnol, 100 000 Euros, qui ont ensuite été transférés sur le compte privé d'un haut responsable de la sécurité.

Un agent prospère est souvent quelqu'un qui travaille en étroite collaboration avec les autorités gouvernementales ; il y a des gens qui croient que cela a donné lieu à des flux d'argent illicite entre agents et hauts fonctionnaires. Cependant, les relations entre les agents et les autorités de pêche ne sont pas toujours amicales. En Mauritanie, une affaire impliquant l'agent de la flotte de pêche hollandaise a été évoquée. Tout le monde savait qu’un haut cadre des pêches, chargé des inspections et des pénalités, empochait des sommes importantes d'argent provenant des pénalités. En fait, l'ampleur de ce détournement de fonds (une source pensait que c'était environ 10 millions d'Euros par an) a fait de lui un des hommes d'affaires les plus riches du pays, un proche allié du président et propriétaire de plusieurs entreprises, y compris dans l’industrie de la pêche. L'agent travaillant avec la flotte de pêche néerlandaise a écrit un article de journal révélant l'ampleur de cette corruption. En représailles, deux navires qui utilisaient l'agent ont été arrêtés sur la base d’une fausse charge, et il a été « recommandé » à la flotte de pêche néerlandaise de remplacer son agent par quelqu'un de proche du pouvoir politique. Un avocat local a alors contacté l'industrie de la pêche néerlandaise pour proposer le nom d'un agent de remplacement, qui veillerait également à ce que les chalutiers hollandais puissent contourner les lois nationales sur les restrictions de zones de pêche - un privilège illégal que d'autres navires d'origine non européenne ont apparemment accepté. Les Néerlandais ont refusé et continuent avec leur ancien agent.

Il y a d'autres rôles d'agents de pêche où l'on peut déceler un abus de pouvoir potentiel. Un domaine d'intérêt concerne le rôle des agents de pêche dans le recrutement de citoyens nationaux pour les équipages à bord des navires étrangers. Tous les navires qui doivent embaucher l'équipage local auront tendance à utiliser un agent pour cela, qui peut ne pas être le même utilisé pour obtenir des licences. Mais cette pratique est également préoccupante en ce sens qu’elle permet, en échange de pots-de-vin, de donner des emplois à des personnes qui ne sont pas bien formées. On constate aussi des abus dans les contrats de travail. Le rôle de ces agents dans les conflits du travail mérite une recherche plus approfondie, car ils peuventêtre des acteurs importants dans l'exploitation des équipages.

Les agents sont également utilisés dans certains pays pour collecter et distribuer des prises accessoires, lorsque des navires de pêche sont obligés de les débarquer. Mais il est difficile de trouver des informations relatives aux frais payés pour cela, et à la manière dont les agents exploitent et distribuent le poisson. Encore une fois, c'est un thème qui souligne l'influence croissante des agents, en l’absence d’une réglementation et une transparence adéquates.

La plus grande incidence?

Les histoires rapportées sur le rôle des agents consignataires dans la pêche en Afrique soulèvent de nombreuses craintes. En effet, un grand nombre de navires de pêche étrangers - peut-être la majorité dans plusieurs pays - obtiennent des licences de pêche par le biais d’agents impliqués dans une corruption systémique. L'industrie de la pêche est évidemment préoccupée par l'extorsion dont elle fait l’objet, et sans aucun doute beaucoup s'inquiètent des risques pour leur réputation. Mais le problème le plus important réside au niveau des implications pour une pêche responsable et durable.

Dans une situation similaire signalée en Mauritanie, un représentant de l'industrie de l'UE a déclaré qu'il n'est pas inhabituel d'être contacté par des agents offrant des licences à des conditions intéressantes, mais illégales. Comme noté plus haut, cela peut être de permettre à des bateaux de ne pas suivre la réglementation nationale, comme par exemple de pêcher dans des zones réservées à des embarcations artisanales ou semi industrielles. Au Gabon, par exemple, un agent a affirmé pouvoir offrir des licences qui autorisaient au navire industriel à utiliser en mer des navires de ravitaillement (‘supply’), bien que cela ait été interdit dans le cadre de l'accord de l'UE avec le pays. D'autres navires - pêchant grâce à des accords privés au Gabon – semblent avoir ce genre de licences fournies par l'agent. Parfois, ces offres proposées par les agents peuvent être des escroqueries, comme celle qui offrait récemment aux compagnies françaises de pêche thonière des licences pour les senneurs aux Maldives, alors que les Maldives ont interdit la technique de la senne. Mais il est clair qu'il existe des incitations pour les agents à fournir au secteur industriel des autorisations pour entreprendre une pêche non durable et dommageable, et aussi pour vendre beaucoup plus de licences que ce qui est durable.

Au Libéria, cette année, la décision du Président d’abroger une loi qui interdisait aux navires industriels de pêcher dans la zone de 6 milles marins de la côte était apparemment promue par l'agent des bateaux de pêche asiatiques ; l'agent était également un proche parent d'un haut fonctionnaire. Une modification de la loi rendra les opérations des bateaux, et donc la vente de licences à ces bateaux de pêche, beaucoup plus faciles et, en fait, l’agent avait déjà fait une promesse de faire modifier la loi, ce qui explique pourquoi ces entreprises asiatiques avaient déjà investi dans des installations terrestres pour transformer le poisson. Heureusement, il semble avoir eu une opposition aux souhaits de l'agent et de ses clients en raison de l'indignation généralisée à la proposition de modification de la règlementation de la pêche.

Lorsque les inspections des navires deviennent un moyen pour les agents et leurs relais au pouvoir de gagner des revenus, il est difficile que les inspecteurs fassent un travail honnête. Et là où les hauts fonctionnaires, sont de mèche avec les agents des navires, nous pouvons nous attendre à ce que ces navires bénéficient d’une certaine clémence quand il s'agit de violer les règles. Nous ne devons pas imaginer que tous les agents du secteur de la pêche en Afrique soient véreux, ni que ces problèmes sont spécifiques à l’Afrique, mais il semblerait que les agents consignataires y opèrent dans un environnement trouble et mal réglementé. Alors que certains opérateurs de navires se plaindront d'être volés, il y en aura d'autres à qui cela profitera.

La prétendue corruption entre agents et cadres supérieurs pourrait être une raison pour laquelle des gouvernements s’opposent aux réformes de la pêche, y compris en matière de transparence. Du moins, c'est le point de vue d'un expert expérimenté en matière de pêche travaillant sur certains des plus grands projets de donateurs du secteur des pêches en Afrique de l'Ouest. Selon cette personne, «si vous voulez comprendre pourquoi l'industrie de la pêche est si mal réglementée, et ce qui entraîne des décisions apparemment mauvaises, y compris la vente de trop nombreuses licences, vous devez comprendre le rôle des agents de pêche et le flux d’argent ». En effet, les informations relatives à ce que les pays africains gagnent de la pêche étrangère ne sont habituellement pas dévoilés. D’où  l'argument selon lequel les compagnies de pêche étrangères payent des droits de licence très bas. Ce que l’on cache est le montant réel payé par les navires à leurs agents consignataires, puis le montant qui va dans les poches des fonctionnaires, plutôt qu’au trésor central. Si on tient compte de cette information, la valeur de la pêche étrangère serait bien différente de ce que l’on pense habituellement. Et bien sûr, il y a une farouche opposition à faire quelque chose à ce sujet. Comme l'a déclaré cette source, « nous avons essayé d'organiser des réunions directement avec l'industrie de la pêche à ce sujet, mais le Ministre refuse de nous permettre de rencontrer l'industrie sans que les agents soient invités ».

Que peut-on faire?

Malheureusement, il y a peu de transparence sur les activités de ces agents de pêche et sur la corruption qui y est liée. Une très grande attention internationale est focalisée sur la pêche industrielle illégale en Afrique, considérés comme « pillant les océans », et les États africains sont souvent décrits comme disposant de peu de ressources et n'ayant aucune chance contre de puissantes compagnies étrangères.

Compte tenu de ce qui est allégué sur le rôle des agents consignataires dans le secteur, cet accent mis uniquement sur la lutte contre la pêche INN peut échouer à mener à une pêche durable. Une étude récente menée par l’Université de Colombie britannique a présenté un chiffre très élevé de la valeur de la pêche INN en Afrique de l'Ouest (deux milliards et demi de dollars !) et a exhorté les États africains à faire plus d’efforts pour capturer les navires de pêche illégaux afin de pouvoir gagner plus en termes d’amendes. En réalité, compte tenu du rôle des agents et la corruption systémique dans de nombreux pays, la pêche illégale peut ne pas constituer la plus grande menace pour les pêches durables et, sans réformes politiques, l'application de la loi contre la pêche INN isolément pourra être continuellement sapée par des intérêts personnels.

Face à cette réalité, certains acteurs insistent sur la transparence et le développement de lignes directrices ou de normes éthiques pour les agents consignataires. Une bonne partie de la corruption impliquant des agents pourrait être beaucoup moins facile si les informations sur les navires ayant des licences, les termes de leurs licences et les détails des paiements étaient rendus publics et accessibles. Là où les agents s’occupent d’autres services,  le coût de ces services devrait être publié par les autorités nationales - ce qui rendra beaucoup plus difficile le vol d’une partie de ces taxes par les agents et les fonctionnaires. Un exemple clair est celui des frais pour le traitement des licences. Un autre est la structure des frais pour les inspections des navires, y compris les taux d’indemnités journalières des inspecteurs.

Une autre idée est qu'il devrait avoir aussi un registre public d'agents. Le fait que, dans certains pays, les opérateurs de navires se tournent vers les autorités locales de pêche pour leur recommander des agents, peut faciliter certaines des relations corrompues entre ces autorités de pêche et les agents.

Des discussions plus poussées sur les normes éthiques pour les agents méritent d’être menées. Un simple point de départ serait de concevoir des règles concernant les conflits d'intérêts et les collusions entre consignataires et autorités, ce qui signifie qu’il est interdit aux fonctionnaires et à leurs familles d’occuper des fonctions d'agents. Cela n'empêcherait pas d'autres personnes qui servent en qualité d'agents qui veulent verser des pots-de-vin aux fonctionnaires, ce qui pourrait ne pas être totalement efficace. Mais il est également indéfendable de permettre à l'épouse ou au frère du ministre des pêches de servir en qualité d'agent privé pour les navires de pêche étrangers, et encore moins le directeur du service des pêches qui le fait lui-même.

D'autres idées pour réformer cette situation résident dans les modifications apportées au sein des autorités nationales de pêche. Ceux qui voient les salaires extrêmement bas versés aux fonctionnaires des pêches, ainsi que les bureaucraties lourdes comme cause principale du problème, souhaitent que les autorités de pêche soient privatisées ou transformées en organisations parapubliques (tel est le cas aux Seychelles), ce qui permettra donc de verser des salaires plus compétitifs, d'embaucher et licencier plus facilement le personnel.

Pourtant, un problème plus fondamental est de savoir si certains des services fournis par les agents sont en fait nécessaires ? Les agents sont devenus incontournables en partie à cause des faiblesses des autorités nationales de pêche. Mais cet état de choses semble être maintenu délibérément pour permettre l'abus de pouvoir.

La question de savoir pourquoi les opérateurs de navires doivent payer un agent pour traiter et retirer un permis de pêche n'est pas claire. L'autorité nationale de délivrance des licences devrait être en mesure de fournir un service électronique de délivrance de licence qui supprimerait le besoin d’un agent consignataire pour obtenir une licence . Par exemple, dans le cas des accords de pêche de l'UE, au lieu d’exiger les propriétaires de navires l’utilisation d’un agent local pour les services, y compris les licences, l'UE pourrait insister pour que les autorités compétentes fournissent ce service dans le cadre de l'accord.

On pourrait en dire autant des autres fonctions des agents - est-il nécessaire que des agents s’occupent d’organiser des inspections? Les autorités nationales pourraient-elles organiser cela et communiquer avec les propriétaires de navires eux-mêmes ? Pourquoi les agents sont-ils utilisés pour collecter des données de captures auprès des navires de pêche ? Si l'argument qui sous-tend l'utilisation des agents repose sur l'idée que le fait de travailler avec des gouvernements opaques et bureaucratiques est trop compliqué et prend du temps pour l'industrie, la réponse consiste à améliorer les services gouvernementaux et non à établir un secteur d'activité lucratif pour des intermédiaires bien connectés, mais finalement irresponsables qui semblent enclin à l'extorsion, à la corruption, aux détournements de fonds et aux conflits d'intérêts.

La production de farine de poisson en Afrique de l’Ouest: Enjeux pour les communautés côtières

Dans un contexte ou la production de farine de poisson ne cesse de croître en Afrique de l’Ouest, les partenaires de CAPE organisent une rencontre régionale pour discuter des impacts locaux sur la sécurité alimentaire, l’emploi, la santé, les ressources. Nous soulignons ici les inquiétudes principales, ainsi que quelques questions qui informeront la rencontre. Une marche à suivre vous est proposée pour envoyer vos contributions qui enrichiront les débats. Donnez nous votre avis!

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Les communautés de pêche artisanale du Liberia préoccupées par la décision du Gouvernement en faveur des chalutiers

Le 9 juin, prenant la parole au site de débarquement du poisson de West Point, un canton de Monrovia, capitale du Liberia, Jerry Blamo, Secrétaire Général de l’Association des Pêcheurs Artisans du Liberia (LAFA) a appelé le Gouvernement à revoir son décret No. 84, qui propose de réduire la Zone Exclusive de Pêche (IEZ) du pays de six à trois milles nautiques. Les représentants du secteur de la pêche artisanale des neuf régions côtières du Liberia se sont réunis à West Point pour écouter la déclaration de LAFA. Ils craignent tous que la réduction de la Zone Exclusive Côtière, réservée actuellement au secteur de la pêche artisanale, permette aux chalutiers industriels un plus grand accès aux eaux côtières du Liberia : "Nous sommes préoccupés du genre de bateaux qui viendront pêcher dans les eaux libériennes, en raison des expériences fâcheuses vécues avec les chalutiers asiatiques", souligne Jerry Blamo.  


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Il y a approximativement 33 000 personnes employées dans le secteur de la pêche à petite échelle, composé des sous-secteurs artisanal et semi-industriel. Le sous-secteur de la pêche artisanale emploie actuellement plus de 2000 anciens combattants de la guerre civile libérienne dans toutes les neuf régions côtières et de nombreuses épouses de combattants de guerre décédés sont également employées dans ce secteur.

Le sous-secteur artisanal comprend 3 000 pirogues (allant jusqu’à 7 m de long) utilisant des pagaies ou des voiles, avec jusqu’à trois personnes à bord et exploitées par des libériens. Le sous-secteur semi-industriel est composé d’environ 500 plus grandes pirogues (jusqu’à 15 mètres de long), utilisant un petit moteur de 40cv, employant jusqu’à 15 personnes à bord. Les pêcheurs artisans utilisent principalement des hameçons, de longues lignes, des filets maillants, ciblant des espèces comme les barracudas, les maigres tandis que les canots utilisent des filets à anneau et à senne coulissante pour capturer les petits poissons pélagiques et aussi des requins. 

Depuis 2010, les dispositions de la règlementation relative à la pêche incluent une Zone Exclusive Côtière (IEZ) de six milles marins qui protège les activités de la pêche à petite échelle. Cette zone est réservée seulement à l’usage des "activités de la pêche de subsistance, artisanale et semi-industrielle". 

Cette règlementation de 2010 a été adoptée après de nombreuses rencontres consultatives avec les acteurs, avec le soutien du Programme Régional des Pêches en Afrique de l’Ouest (PRAO) financé par la Banque mondiale. Un document de la Banque mondiale de 2016 décrit comment la zone des 6 miles a conduit à une réduction de la pêche industrielle: 

Au Libéria, l'accès des bateaux industriels à la zone de six milles a été interdit, ce qui permet aux pêcheurs artisans de pêcher en toute sécurité dans cette zone. Depuis 2011, les communautés de pêche artisanales libériennes ont connu un changement positif dans l’abondance et la taille des poissons. Le volume total de poissons capturés a plus que doublés par rapport aux niveaux de 2009, tel qu'indiqué par le programme scientifique communautaire et la collecte de données sur l'évaluation des stocks de poissons du PRAO ... Au cours de la mission de la Banque mondiale de janvier 2016, les communautés de pêche locales (à Robertsport) ont expressément exprimé la nécessité de continuer à soutenir ces efforts qui ont diminué les incidents avec les chalutiers et augmenté leurs revenus tirés de la pêche.

Cependant, ce succès a été terni par les plaintes, presque quotidiennes, des pêcheurs artisans concernant des incursions de chalutiers industriels étrangers qui pêchent illégalement dans la Zone Exclusive Côtière (IEZ) de 6 milles. En 2012, le BNF (Bureau des Pêches Nationales) a géré le cas de 38 navires étrangers accusés de pêcher illégalement dans les eaux libériennes. 31 de ces dossiers ont été clos, après payement d’amendes au gouvernement libérien à hauteur de 6,2 million US$ entre 2011 et 2013. Mais les pêcheurs artisanaux se plaignent encore presque quotidiennement. Début 2017, plusieurs bateaux pêchant illégalement ont encore été arrêtés, battant pavillon nigérian, chinois et ghanéen, appartenant à des chinois, hollandais et espagnols.

Le décret N° 84

Le 22 avril 2017, la Présidente du Libéria Ellen Johnson Sirleaf a pris le décret N° 84 relatif à la gestion des Ressources de pêche du Libéria. Le décret souligne que « les ressources de pêche de la République du Libéria ont été sous-utilisées depuis plus d’une décennie et le Gouvernement du Libéria a l’intention de promouvoir l’investissement dans ce secteur pour garantir le développement durable et l’utilisation de cette ressource naturelle ». Le Gouvernement a insisté sur le fait que ce développement des opérations de pêche aidera la balance de paiement du pays et la situation des opérations de change, étant donné que le pays importe environ 50 000 tonnes de poissons par an. 

La moitié de la population libérienne vit le long de la côte, avec 80% de libériens qui dépendent directement de la pêche pour les protéines animales. Toutefois, les libériens consomment une moyenne modeste de 5kg de poisson par habitant par an, tandis que la moyenne des autres pays côtiers d’Afrique subsaharienne est de 17 kg. 

En vertu du décret, il est accordé à la Liberia Maritime Authority (LMA - Autorité Maritime du Libéria)  "la pleine autorité de contrôle, de surveillance et fiscale du Bureau des Pêcheries Nationales et des ressources de pêche du Libéria en attendant la promulgation de la loi sur les Pêches Nationales".  Le décret a chargé la LMA de s’assurer que des dispositions sont prises y compris la réduction de la Zone Côtière Exclusive (IEZ) de six milles nautiques à trois milles nautiques, « pour s’assurer que la pêche industrielle et semi-industrielle puisse reprendre et redevenir viable ». D’autres mesures sont notamment le fait que les navires de pêche d’un tonnage brut inférieur à 500 tonnes sont exempts de frais portuaires; les conditions d’obtention de permis de pêche et le régime fiscal seront également révisés pour faciliter les activités de pêche industrielle. Le Gouvernement a par ailleurs insisté sur le fait que les navires de pêche devront débarquer leurs captures au Libéria, afin que le marché local reçoive davantage de poisson et réduise ainsi les importations de poisson de la Sierra Leone et d’autres pays. 

En 2017, seulement deux chalutiers de pêche démersale, d’origine coréenne, étaient autorisés à pêcher dans la ZEE du Libéria. Jusqu’à ce qu’il signe un accord de pêche du thon avec l’UE, le Libéria n’avait pas d’accord de pêche bilatéral avec un pays tiers, et n’avait pas d’accord privé avec des sociétés individuelles. Il n’existe aucune société mixte avec des compagnies de pêche étrangères, ni de sociétés libériennes disposant d’accords d’affrètement pour les bateaux de pêche étrangers. Cependant, il existe un intérêt considérable pour les navires industriels étrangers d’opérer dans la zone côtière de 6 milles, où leur accès est actuellement interdit, ce qui explique des niveaux élevés de pêche illégale. Le décret, en leur permettant d'accéder à la zone entre 3 et 6 milles, encouragera de nombreux navires souhaitant faire du chalutage dans la zone côtière à acheter une licence.

Réactions au décret

Ce décret a causé de vives inquiétudes au niveau des communautés de pêche. En réponse, LAFA a envoyé une lettre aux Présidents de la Chambre des représentants et du Sénat pour leur expliquer que ce décret « va créer de sérieuses difficultés aux pêcheurs artisans qui travaillent d’arrache-pied mais sont dans la pauvreté ». Les membres de la Chambre des Représentants ont voté unanimement pour que la lettre soit transmise à la Présidence et qu’ils rencontrent la Présidente, à cause de la gravité de la plainte.

L’Union Européenne a également réagi. Dans une lettre adressée à la Présidente Ellen Johnson Sirleaf, l’UE a exprimé sa préoccupation sur les implications du décret 84. Par l’intermédiaire de son Ambassadeur au Libéria, l’UE dit croire que les mesures introduites ne conduiront pas à des investissements durables. Elle a noté que le décret 84 conduira à un épuisement accéléré des stocks de poisson actuels, ce qui entrainera une réduction des opportunités économiques du secteur et l’accroissement de l’insécurité alimentaire. Dans la lettre, l’UE a fait une référence spécifique au paragraphe 2.b du décret qui parle de la réduction de la Zone Côtière Exclusive (IEZ) de 6 milles à 3 milles, ainsi qu’au paragraphe 2.c qui stipule que les ressources de pêche à capturer ne doivent pas excéder 100 000 tonnes par an. Selon l’UE, les mesures ne semblent pas être basées sur le principe de précaution du code de conduite de la FAO pour une pêche responsable.

L'UE termine en soulignant son dialogue continu avec la Banque mondiale concernant ce décret. En effet, les impacts de mesures comme la réduction de la zone IEZ risquent de nuire au travail accompli par le gouvernement du Libéria avec le soutien de la Banque mondiale.

LAFA, avec le soutien de la CAOPA, - la Confédération Africaine des Organisations Professionnelles de la Pêche Artisanale dont elle est membre-, a également pris l’initiative de rencontrer les décideurs libériens, y compris l’Autorité Maritime du Libéria (LMA) et le Bureau National des Pêches (BNF). Le BNF a confirmé que le gouvernement n’a pas encore mis en œuvre le décret; et que la mise en œuvre débuterait par un an d’essai. Le Commissaire de la LMA a exprimé sa disponibilité à rencontrer la LAFA pour échanger sur les mesures stratégiques à examiner, avant la mise en œuvre, pour éviter les conflits entre chalutiers et pêcheurs artisans, et pour prévenir et empêcher la pêche INN et la surpêche.

Cela est quelque peu rassurant pour LAFA, mais les hommes et les femmes des communautés de pêche artisanale promettent de surveiller de près la situation et de continuer leurs actions envers les décideurs libériens, particulièrement dans le contexte des élections générales d’octobre.

Pour Jerry Blamo, s’adressant à ses collègues à West Point, le décret passe quelque peu à côté de la question, étant donné qu’il ne prend pas en compte le potentiel qu’à le secteur artisan, - que ce soit les petites pirogues ou les plus grandes pirogues semi industrielles- d’apporter plus de poisson aux populations, s’il bénéficie d’un appui adapté:  "L’amélioration des infrastructures de base, comme les équipements sanitaires, de manutention du poisson, les aires de transformation et de stockage des produits transformés artisanalement doivent être une priorité du gouvernement, plutôt que la réduction des droits d’accès des pêcheurs artisans." 


Relations de pêche entre l’UE et le Libéria

Depuis la fin de 2015, l’Union Européenne et la République du Libéria ont un Accord de Partenariat de Pêche Durable (APPD) de 5 ans dans le secteur de la Pêche permettant au bateaux de pêche thoniers de l’UE de pêcher dans la ZEE du Libéria. En retour, l’UE paye au Libéria une compensation annuelle de 650 000 euros, dont 50% sont affectés au soutien de la politique de pêche du Libéria, y compris le renforcement de sa capacité de suivi, contrôle et surveillance de ses pêcheries. 

La pêche INN est une préoccupation majeure dans les relations de pêche entre l’UE et le Libéria: le 23 mai 2017, le Libéria était pré-identifié comme pays tiers ne coopérant pas, selon la réglementation de l’UE, à la lutte contre la pêche illégale, non reportée et non réglementée (INN). La raison donnée par la Commission européenne est que «Le Libéria a le deuxième plus grand registre de transport maritime au monde, qui inclut plus de 100 bateaux de transport de pêche immatriculés sous son pavillon. Les autorités nationales en charge de la pêche n’ont pas l’information ou les moyens de contrôler cette flotte. Ce manque de contrôle a été confirmé par l’inscription d’un de ces bateaux libériens sur la ‘liste noire’ internationale en octobre dernier. Le Libéria a pris des mesures de réforme y compris la révision de ses lois en matière de pêche, mais des progrès tangibles n’ont pas suivi. La Commission espère que la pré-identification va améliorer la sensibilisation politique sur ce sujet et encourager le pays à mettre en œuvre les réformes nécessaires dans la gouvernance des pêches ».

L’Association des Pêcheurs Artisans du Libéria

L’Association des Pêcheurs Artisans du Libéria (LAFA) a été créée en décembre 2009 comme organisation faitière de toutes les associations de pêche représentant les intérêts des communautés de pêche des neuf (9) régions côtières du Libéria avec plus de trente-trois mille (33 000) pêcheurs et un total de cent quatorze (114) communautés de pêche le long de la côte libérienne. Les activités de la LAFA couvrent un éventail de domaines tels que la pêche, la transformation et la conservation, et la commercialisation du poisson.

Pour plus d’informations, vous pouvez contacter LAFA: : liberiaartisanalfishermen@yahoo.com 

 

 

l'Eveil du FiTI...

Le 27 avril 2017, l’Initiative pour la Transparence des Pêches (FiTI) était officiellement lancée à Bali. C’était le résultat de deux années de consultations, dirigées par un groupe consultatif international, composé d’importantes ONG du domaine de la pêche, de gouvernements, de représentants de la pêche industrielle et de la pêche artisanale et d’organisations internationales, notamment la Banque Mondiale et la Banque Africaine de Développement. Le résultat principal du lancement fut le « standard de la FiTI » qui définit comment fonctionne la FiTI et les informations à publier par les pays qui mettent en œuvre l’initiative.

Lors du lancement, au moins quatre pays se sont engagés à mettre en œuvre la FiTI : la Mauritanie, les Seychelles, l’Indonésie et la République de Guinée. Des gouvernements de plusieurs autres pays ont également montré un intérêt. Le Conseil International de la FiTI regroupe des ONG (Greenpeace, Bread for the World, Oceana, WWF, etc.) et des représentants des gouvernements des quatre pays pilotes qui mettent en œuvre l’initiative ainsi que de la Suède. Il a été plus difficile de trouver des représentants de l’industrie pour le Conseil International de la FiTI, et jusque-là, il n’y a qu’un seul engagement du côté industriel, celui de la flotte de pêche russe. Cependant, une chose positive est que la moitié des sièges disponibles pour les représentants de l’industrie sera réservée au secteur de la pêche artisanale, et la CAOPA est d’ores et déjà confirmée comme membre du conseil d’administration de la FiTI, ainsi que le représentant des pêcheurs traditionnels d’Indonésie.

 

Développement du standard de la FiTI

Le fait que la FiTI soit parvenu à décoller montre qu’il existe un large consensus comme quoi le manque de transparence est un problème considérable dans les pêcheries. Cela a été un point clé du plaidoyer de nombreuses ONG travaillant sur les réformes nécessaires dans la pêche, ainsi qu’une question soulevée depuis longtemps par les organisations de pêche artisanale. Bien qu'il y ait un certain désaccord concernant jusqu’où la transparence doit aller, et sur ce qui constitue une information sensible sur le plan commercial, des organisations intergouvernementales, comme la Commission européenne, ainsi que des représentants du secteur de la pêche industrielle commencent aussi à montrer un intérêt pour l’initiative.

Au départ, la FiTI se préoccupait surtout de l’amélioration de la transparence sur la question de savoir qui a le droit de pêcher, ce qui est payé pour ce droit et ce qui est pêché. Toutefois, ceci était considéré très restrictif, et une grande partie du travail du groupe consultatif international était de re-réfléchir sur le type d’informations à prendre en compte par la FiTI et pourquoi. A la suite de ce processus, le standard de la FiTI comprend maintenant 12 éléments de rapport. Ce sont des domaines thématiques sur lesquels il est demandé aux pays de publier les informations. Les 12 conditions sont: 

1. La création d’un registre public des lois, règlementations nationales en matière de pêche et de documents de politique officiels.

2. La publication d’un résumé de lois et de décrets sur les régimes fonciers applicables aux pêches. 

3. La publication de tous les accords d’accès à la pêche étrangère ainsi que les études sur les impacts environnementaux, sociaux et économiques de ces accords. 

4. La publication de rapports nationaux sur la situation des stocks de poissons.

5. La publication d’un registre en ligne à jour des bateau industriels autorisés à pêcher, ainsi que les informations sur leurs paiements et captures enregistrées (agrégées pour chaque état) et les études sur les impacts sociaux, économiques et environnementaux.

6. La publication d’information sur le secteur artisanal, y compris le nombre de pêcheurs, leurs capture et transferts financiers à l’état et   toutes les études sur les impacts sociaux et économiques de ce secteur.

7. La publication d’informations sur le secteur post-capture et le commerce du poisson.

8. La publication d’informations sur les efforts d’application de la loi, y compris une description des efforts de s’y conformer par les pêcheurs et un registre des infractions et protections du secteur.

9. La publication d’informations sur les normes du travail du secteur de la pêche et des efforts faits pour les appliquer.

10. La diffusion d’informations sur les transferts gouvernementaux et les subventions accordées au secteur de la pêche. 

11. La publication d’informations sur l’assistance officielle pour le développement concernant les projets du secteur public relatifs à la pêche et à la conservation marine.

12. Des informations sur le statut du pays concernant la transparence dans la propriété effective.

Au départ, il était envisagé que la mise en œuvre de la FiTI impliquerait la production d’un rapport national détaillé avec toutes les informations et données requises concernant ces 12 éléments. Certains domaines thématiques seraient rapportés chaque année, d’autres tous les deux ans. Vers la fin de la phase conceptuelle de la FiTI, on s’est rendu compte que l’idée de faire produire des rapports substantiels annuellement par les pays n’était pas judicieuse. Cette idée n’était pas seulement considérée coûteuse mais un aspect plus important était qu’elle pourrait saper d’autres efforts de compilation et de publication de données relatives au secteur de la pêche. Maintenant, l’accent est mis sur la publication par les gouvernements des informations directement sur leurs propres sites web, et non par le biais d’un rapport de la FiTI. Le rôle de la FiTI sera principalement de contrôler la validité de cette information publique. L’ambition de la FiTI est donc de voir les autorités publiques améliorer leur approche en matière de fourniture d’informations crédibles, plutôt que de produire de longs rapports techniques indépendants.

Une des premières critiques à l’encontre de la FiTI est qu’elle mettait un fardeau disproportionné sur les pays en développement, parce que beaucoup d’entre eux ont des capacités limitées en matière de collecte et de publication de données. Une préoccupation était que cela rendrait la FiTI irréalisable pour les pays pauvres, y compris ceux ayant de substantielles pêches artisanales. Par conséquent, le standard de la FiTI insiste maintenant sur l’idée d’« amélioration progressive ». Il est attendu des pays la publication, de manière accessible, des informations dont ils disposent. Au cas où ils ne disposent pas des informations requises dans le cadre du standard de la FiTI, ils ont l’obligation de développer des plans, et de donner des délais, pour la collecte et la publication de ces informations. L’incapacité d’obtenir les informations demandées par la FiTI n’empêche donc pas les pays d’obtenir un « statut conforme », tant qu’ils sont honnêtes sur leur manque de données et conviennent d’un plan et d’un délai d’amélioration de la situation.

Comment la FiTI essaie d’améliorer les informations en matière de pêche au niveau national

Il est communément admis que la transparence est un élément nécessaire de la gestion responsable de la pêche, et il existe trois principaux moyens par lesquels les travaux de la FiTI pourraient avoir un impact positif.

Premièrement, la FiTI se bat pour faire connaître des données qui ont été autrement cachées du public. C’est ce à quoi la plupart des gens pensent en termes d’initiative de transparence. Par exemple, dans de nombreux pays, les informations sur les navires de pêche autorisés, les accords d’accès et les captures globales sont considérés confidentiels, ou au moins les autorités n’estiment pas qu’il est nécessaire de rendre ces informations publiques. 

Deuxièmement, la FiTI essaie de vérifier si l’information disponible dans le domaine public est fiable et complète. La FiTI exige une évaluation externe de l’information par un consultant indépendant, ainsi qu’une vérification supplémentaire des résultats par un groupe national multi-acteurs, composé d’OSC, de représentants du secteur de l’industrie et du gouvernement. Ainsi, la FiTI ne vise pas seulement à lever le voile de la confidentialité, mais aussi à fournir une crédibilité renforcée des données détenues par les autorités publiques.

Troisièmement, la FiTI projette de faire connaître les sujets pour lesquels les autorités publiques ne collectent pas les informations et cela nécessite que le groupe national multi-acteurs s’accorde sur la façon dont ce manque d’information sera comblé. Ainsi, la FiTI donne l’occasion aux pays de faire le point des connaissances existantes dans le secteur de la pêche, et développer des plans nationaux d’amélioration de ces connaissances.

Ces trois aspects de la FiTI doivent faire l’objet d’une même considération. Dans certains pays, la plus importante contribution de la FiTI sera de clarifier les domaines où les données déjà publiées contiennent des erreurs, et dans d’autres cas, la contribution consistera à exposer et lutter contre les approches restrictives à la collecte des données à publier. 

Comment les informations de la FiTI soutiennent les efforts de réforme de la gouvernance internationale des pêches

La FiTI a un objectif restreint d’accroitre la disponibilité et la crédibilité des informations sur la pêche. Elle n’essaie pas de s’impliquer dans un autre plaidoyer, comme celui de faire des commentaires sur l’effectivité de la gestion de la pêche ou la durabilité de la pêche. C’est, par essence, un exercice de contrôle des faits. Néanmoins, la FiTI a été développée afin de soutenir plusieurs autres efforts de réforme de gouvernance internationale de la pêche. Ceci inclut par exemple :

  1. En demandant aux autorités nationales de publier les études les plus récentes sur la situation des stocks de poissons, ainsi que les informations sur les captures et les rejets, l’objectif de la FiTI est de contribuer aux débats nationaux sur la pertinence des politiques et pratiques pour atteindre la pêche durable.
  2. La FiTI oblige les pays mettant en œuvre l’initiative à publier les informations sur les accords d’accès à la pêche, notamment la publication de toute étude sur les impacts sociaux, économiques et environnementaux de ces accords. Cette mesure a déjà été prise par l’UE, et est demandée par un nombre croissant d’organisations régionales de gestion des pêches, mais rencontre l’opposition de la plupart des autres principales nations de pêche et des pays côtiers engagés dans les accords d’accès à la pêche. Pour l’UE, la FiTI contribuera à établir des “règles du jeu équitables” alors qu’elle pourrait de manière plus importante conduire à des débats nationaux plus accrus sur les accords de pêche avec d’autres pays étrangers et leurs effets au sens large, notamment sur la pêche artisanale et la sécurité alimentaire.
  3. La FiTI soutient les efforts internationaux de lutte contre la pêche illégale et les niveaux de la pêche légale non viables. Elle exige aux pays de publier des listes détaillées de navires titulaires d’une licence de pêche, ainsi que des informations sur les poursuites et les ressources utilisées pour l’application de la loi. Il est généralement reconnu que le manque de transparence a facilité la fraude et la corruption dans le secteur de la pêche. Cette liste de navires autorisés à pêcher contribuera par ailleurs à soutenir les efforts de la FAO visant à établir un registre mondial des navires de pêche.
  4. La FiTI demande la publication de dispositions relatives aux régimes fonciers, y compris la description de la façon dont les autorités nationales garantissent la codification et la protection des droits de la pêche artisanale. De cette façon, la FiTI soutient la mise en œuvre des directives internationales sur la Gouvernance Responsable des régimes fonciers. 
  5. La FiTI demande aux gouvernements de collecter et de publier diverses informations sur le secteur de la pêche artisanale, y compris les informations sur leurs contributions sociales, économiques et sur la sécurité alimentaire. Si ces informations ne sont pas disponibles, alors, les pays doivent convenir d’un délai pour la collecte et la publication de ces informations. La FiTI soutient alors la mise en œuvre des lignes directrices de la FAO sur la sécurisation des pêches artisanales durables dans le cadre de la sécurité alimentaire et de l’éradication de la pauvreté. 
  6. La FiTI demande aux pays participant à la mise en œuvre de l’initiative de publier les informations sur les efforts nationaux de collecte d’informations sur la propriété effective des navires de pêche. Dans le cours terme, cela ne signifie pas que les pays produiront des listes complètes des propriétaires réels, mais cela vise à galvaniser la prise de conscience internationale et le soutien à la transparence de la propriété effective.
  7. L’inclusion de l’information sur les normes du travail du secteur de la pêche soutient les efforts internationaux d’abolition de l’esclavage et de la traite des êtres humains, et peut être utilisée pour mieux plaider pour la promotion de la ratification de la convention de l’OIT sur le travail dans le secteur de la pêche. 
  8. La demande faite aux pays de publier les informations sur les transferts gouvernementaux en faveur du secteur de la pêche appuie les efforts internationaux, y compris à travers l’OMC, visant à faire prendre conscience de l’ampleur et de l’impact des subventions en matière de pêche, et a pour objectif de stimuler les débats à l’échelon national sur la contribution des subventions visant au renforcement des capacités de la pêche non durable, ainsi que la distribution de subventions entre différents secteurs de la pêche, comme entre la grande pêche et la pêche artisanale.  
  9. La demande faite aux pays de collecter et de publier les informations sur les projets de développement du secteur de la pêche vient en appui aux efforts internationaux d’accroissement de l’effectivité de l’aide, et félicite l’Initiative Internationale pour la Transparence de l’Aide. 

La FiTI aura-t-elle un impact durable sur la gouvernance de la pêche ?

La principale supposition de la FiTI est que l’accès croissant du public à l’information renforcera la participation active aux débats au niveau national sur les réformes de la pêche, et laisse entrevoir la perspective de la responsabilité des autorités publiques.    

Une question majeure est de savoir s’il y a la possibilité, au niveau national, d’entreprendre des analyses complémentaires de l’information produite. Un risque est que la FiTI peut réussir à collecter l’information publique, mais le manque d’intérêt ou de possibilité d’exploiter cette information n’entrainera pas de changement positif dans la gouvernance de la pêche. Ceci a besoin d’être évalué, parce que la FiTI est mise en œuvre dans différents pays. Le risque peut être exagéré, car la demande de transparence accrue a été prévalente depuis plusieurs années, y compris parmi les organisations environnementales et les groupes travaillant sur les droits de la pêche artisanale. Néanmoins, pour augmenter l’impact que la FiTI aura sur la gouvernance de la pêche il faudra soutenir les groupes locaux et les chercheurs, notamment les journalistes, pour exploiter davantage les données fournies par les gouvernements participant à la FiTI.

En fin de compte, toutefois, le succès de la FiTI pour aider à atteindre des réformes de gouvernance durable repose sur la supposition que la transparence peut conduire à la responsabilité. Si les nouvelles informations soutiennent les recommandations de politique ou révèlent des cas d’abus de pouvoir, de fraude ou de corruption, rien de cela ne conduira au changement si les autorités publiques ou le secteur privé subissent peu de pression de la part de leurs citoyens et de la communauté internationale pour les amener à faire des réformes.

Dans ces cas, le risque couru par la FiTI est qu’elle offrira aux gouvernements et aux compagnies une respectabilité de façade, tant qu’elle permet une poursuite de l’activité inchangée. Cette menace prévaut surtout dans les pays dirigés par des gouvernements autoritaires, avec des moyens limités de participation au processus de prise de décision et des bas niveaux de liberté individuelle et de la presse.  Il est par conséquent crucial que ceux qui sont engagés dans la FiTI, y compris au niveau international, promeuvent davantage d’efforts pour comprendre, et faire face aux formes d’oppression, d’autoritarisme, de manque de liberté individuelle et de la presse qui minent la bonne gouvernance de la pêche.

Deux autres questions affecteront également la question de savoir si la FiTI a des impacts durables sur la gouvernance de la pêche. 

Aborder l’accès à l’information comme un droit

Le standard de la FiTI n’essaie pas d’encourager les autorités nationales à légiférer sur l’accès à l’information. En fait, la critique d’autres initiatives de transparence existantes est qu’elles traitent la liberté d’information et de participation comme un geste volontaire, plutôt qu’un droit. Il serait beaucoup mieux si les pays adoptaient des lois qui garantissent aux citoyens le droit d’accès à l’information et le droit de participer à la prise de décision. Dans le long terme, cela peut être vu comme une approche plus forte, autrement, les acquis obtenus par la FiTI seraient de courte durée, car ils dépendent de la bonne volonté des autorités et des partenaires de la pêche étrangère.  

Cette contrainte de la FiTI reste importante, et sans doute, elle devrait faire plus pour promouvoir l’accès à l’information comme un droit. La Convention d’Aahrus de l’Union Européenne fournit un des exemples les plus frappants, et forme la base des lignes directrices de Bali des NU portant établissement de lois et institutions relatives à l’accès à l’information, la participation et l’accès à la justice. C’était peut-être une occasion manquée de ne pas lier les lignes directrices de Bali au lancement de la FiTI, qui ont eu lieu dans la même ville. En définitive le but de la FiTI devrait être de s’assurer que les pays intervenant dans la mise en œuvre adoptent une législation similaire à la Convention d’Aahrus, dans le cas contraire, leur engagement en faveur de la transparence peut être précaire et sujet à caution. 

Faire le commerce sur la base du statut conforme

Une autre question qui se pose avec la FiTI est la prise en compte des pays étiquetés comme étant « conformes » au standard. Pour certains, cela peut être vu comme une dimension attractive de la FiTI. Comme de nombreux pays s’inscrivent, d’autres seront contraints d’en faire autant, avec pour résultat final une amélioration graduelle de la transparence dans un plus grand nombre de pays. Une logique similaire est utilisée pour d’autres initiatives volontaires internationales, comme l’éco-étiquetage. Ces pêcheries qui peuvent prouver des références environnementales à travers des systèmes de certification volontaire, sont récompensées par des accès au marché plus sécurisés, ce qui signifie que celles qui ne le font pas sont obligées de s’engager dans ces efforts d’éco-étiquetage si elles veulent maintenir leur part d’accès au marché ou l’accroître.  

La préoccupation pour ces pays qui décident de ne pas participer à la FiTI est que cette décision peut être vue négativement par d’autres et cela pourrait influencer les décisions sur l’accès au financement des donateurs étrangers, ou même la négociation d’accords commerciaux. Un pays peut avoir des motifs valables pour lesquels il ne veut pas faire partie de la FiTI, tels que le manque de ressources ou simplement que le pays pense qu’il arrive à améliorer l’engagement civique sans avoir besoin d’une initiative internationale.  En fait, lors du lancement de la FiTI à Bali, le chef de l’Agence de la Pêche du Forum des Iles du Pacifique a exprimé les doutes de ses Etats membres sur la FiTI.  

En outre, l’obtention du statut de pays conforme ne signifie pas qu’un pays est plus transparent qu’un autre qui n’est pas partie de l’initiative, de même, l’obtention de l’écolabel ne signifie pas qu’une industrie de pêche est mieux gérée qu’une qui n’en a pas. Cela s’applique particulièrement à la FiTI, étant donné que la décision d’insister sur l’« amélioration progressive » signifie qu’un pays peut, pour un temps, être conforme sans publier beaucoup d’informations. Peut-être beaucoup moins d’informations qu’un pays qui n’est pas partie de la FiTI.

Le dilemme ici est que la transparence est importante, et qu’une pression internationale doit s’exercer sur les pays pour les amener à opérer des réformes. En effet, Lack of transparency in the fisheries is a well recognized and widespread problem andprogress to improve this has been very slow in many countries.

Les accords d’accès à la pêche publique ne devraient pas être passés avec des pays qui gèrent la pêche de manière très opaque, et cela serait justifié pour favoriser les investissements dans des pays où la pêche est gérée plus ouvertement. Mais le risque est de promouvoir la FiTI comme un moyen valide d’aider à influencer ces décisions. Si cela est le cas, la FiTI pourrait être vue, surtout par les gouvernements des pays en développement, comme une obligation coûteuse.

Le FiTI est un mécanisme visant à aider les pays à améliorer et à communiquer leur engagement pour une pêche responsable. Toutefois, l'obtention d'un statut ‘conforme’ au FiTI ne doit pas être pris comme signifiant qu'un pays est nécessairement plus transparent que d'autres. Plus important encore, cela ne signifie pas non plus que le pays gère nécessairement ses pêcheries de manière responsable. La FiTI ne fournit pas cette analyse.

Le statut d'un pays adhérant au FiTI ne devrait donc pas être utilisé pour justifier des décisions commerciales et d'investissement. Certains des pays impliqués dans l'initiative espèrent sans doute que ce sera le cas. Cela serait une source de préoccupation, en particulier pour les pays qui pourraient avoir des raisons légitimes de ne pas s'engager dans l'initiative

Aller de l’avant avec la FiTI 

La FiTI fournit un moyen pratique visant à améliorer la disponibilité et la fiabilité d’informations sur la pêche. La FiTI comble ainsi un fossé dans les efforts de réforme de la pêche internationale, vu qu’aucune autre initiative n’existe qui aborde la question de la transparence de manière concertée.  

Il y a des opportunités dans l’utilisation des données provenant de la FiTI pour promouvoir les efforts des réformes en matière de pêche, et le cas échéant, faire la pression pour plus de responsabilité des autorités nationales et du secteur privé. Cela dépend en grande partie de la manière dont les citoyens et les parties prenantes réagiront aux informations fournies grâce à la FiTI, et la mesure dans laquelle les pays participants adhéreront à l’idéal d’« amélioration progressive » et de participation multi-acteurs. Dans plusieurs contextes, le succès de la FiTI sera alors influencé par les ressources et la capacité des organisations de la société civile, des organisations de pêche et des journalistes à promouvoir et à s’engager dans les débats publics et aux processus de prise de décision. En fin de compte, l’impact de la FiTI dépendra de la volonté de ceux qui ont le pouvoir d’écouter et d’agir sur les recommandations de la société civile et du secteur de la pêche. Toutefois, une menace à la crédibilité de la FiTI est le processus de sa mise en œuvre dans les pays où les gouvernements continuent de limiter les libertés individuelles et de la presse et la participation réelle à la prise de décision. La FiTI ne doit pas être autorisée à doter ces gouvernements d’un statut de légitimité.

Pêche à petite échelle : entre le marteau et l’enclume ?

Au cours des cinq dernières années, "l’Economie Bleue" a émergé comme un nouveau concept de la gouvernance globale des océans. Ce concept remonte habituellement au Sommet de Rio+20 de la Terre de 2012. Il était prôné comme étant complémentaire à l’économie verte, mettant à la fois l’accent sur la nécessité de lutter contre la dégradation de l’environnement et la progression vers une économie plus durable qui soutient la réduction de la pauvreté. (Voir le document de réflexion des Nations Unies sur l’économie bleue). 

Depuis Rio+20, de nombreux gouvernements et organisations internationales ont adopté des programmes et politiques d’économie verte. Certains l’appliquent seulement aux océans, tandis que d’autres adoptent une perspective plus large et voient l’économie bleue comme intégrant également les écosystèmes d’eau douce. Etant donné que l’économie bleue gagne en popularité, il a commencé à être utilisé de manière interchangeable avec le concept de ‘croissance bleue’. La relation qui existe entre les deux peut porter à confusion, bien que comme l’indique la FAO :

Les partisans de la 'Croissance bleue' préfèrent cette terminologie à celle d’« Economie bleue», pour soulignerle besoin de croissance, car le concept d’«économie verte», a subi des critiques dans certains milieux de développement en particulier son accent précoce sur la conservation et la protection de l'environnement au détriment de la croissance économique et du développement social.

Un des premiers programmes de croissance bleue a été lancé par l’UE en 2012. Il se caractérise par la fourniture de ressources et de recherche pour soutenir cinq secteurs de croissance, notamment le tourisme côtier, l’exploitation minière offshore, l’énergie bleue, la biotechnologie marine et l’aquaculture. L’UE pense que ce sont des secteurs ayant plus de potentiel de générer de la valeur ajoutée et des emplois. Bien que d’autres sources de financement de l’UE soutiennent la pêche, le secteur de la pêche est largement absent de la stratégie de croissance bleue de l’UE. 

Cette situation contraste avec l’Initiative de Croissance Bleue lancée par la FAO en 2013, qui est mise en œuvre dans 10 pays en développement en Afrique et en Asie. Elle met un accent particulier sur le secteur de la pêche à petite échelle. Elle se recoupe avec la stratégie de l’UE en matière d’aquaculture, mais est différente de celle-ci en ce sens qu’elle met l’accent sur les paiements des services liés aux écosystèmes, notamment le 'carbone bleu'.   

En Afrique, la Croissance Bleue est devenue de plus en plus importante en tant que cadre global de travail de l’Union Africaine sur les habitats marins et d’eau douce soutenu et promu par la Commission Economique des Nations Unies pour l’Afrique. Une stratégie de Croissance Bleue est également en train d’être développée par des pays et organisations inter gouvernementales de l’océan indien occidental. Toutefois, la direction que prendront les stratégies propres de l’Afrique en matière de croissance bleue n’est pas encore clairement définie ; suivra-t-elle l’approche de l’UE ou celle de la FAO. Néanmoins, il est clair que nous assistons à un regain d’intérêt et d’activités pour faire de la ‘Croissance Bleue’ une réalité. 

Du point de vue des communautés de pêche à petite échelle en Afrique, une question majeure est de savoir comment la ‘Croissance Bleue’ les affectera? La Croissance Bleue est-elle compatible avec d’autres engagements internationaux sur les réformes de pêche, tels que les ‘directives de la FAO sur la sécurisation de la petite pêche durable’ et les directives volontaires sur la gouvernance responsable de la tenure des terres, de la pêche et des forêts’ ?

Croissance bleue : Un nouveau paradigme ?

La manière dont le concept d’économie bleue et de Croissance Bleue est présenté suggère une nouvelle réflexion essentielle sur la manière dont les gouvernements gèrent les écosystèmes marins. Le concept est présenté comme un ‘changement de paradigme’. L’Union Africaine considère la Croissance Bleue comme étant la 'Nouvelle frontière de la Renaissance Africaine'.

Cela n’est pas nécessairement le cas. Le concept d’économie bleue présenté principalement à Rio+20 comme moyen de garantir l’importance des océans, a été particulièrement souligné dans l’accord final notamment pour les petits Etats insulaires, étant donné que leur économie dépend dans une grande mesure des écosystèmes marins.

L’idée des pays qui gèrent les océans d’une manière qui équilibre l’activité économique à la durabilité environnementale est le message global transmis dans le concept d’économie bleue, mais les moyens ou outils de sa mise en œuvre ne représentent pas d’énorme changement comparativement à ce qui est connu depuis plusieurs années. Par exemple, une des principales politiques de la croissance bleue est que les autorités s’assurent que la gouvernance marine est abordée de manière intégrée, comprenant et renforçant ainsi les interactions entre différents utilisateurs et groupes d’intérêt. Dans les stratégies de croissance bleue, cette situation est souvent qualifiée de Gestion Intégrée des Mers, et est essentiellement la même que la Planification Spatiale Marine (PSM) qui a été développée depuis au moins le début des années 2000, la PSM est définie comme un ‘processus de politique publique d’allocation d’espace marin sur le temps dans le but d’atteindre les objectifs écologiques, économiques et sociaux qui sont définis par un processus politique’. 

Toutefois, il y a des aspects qui marquent l’émergence du concept du concept de croissance bleue comme en fait un changement de mentalité sur les océans. Au cours des cinq dernières années environ, des rapports et présentations sur l’économie bleue sont devenus très alarmants, sur les taux désastreux de dégâts causés à l’écosystème, notamment des dégâts causés par le changement climatique, la pollution et la surpêche. Toutefois, ils sont devenus très optimistes – sur l’immense richesse économique contenue dans les océans. Un grand nombre de nouvelles études sur l’économie bleue prétendent qu’elle est plus précieuse qu’on ne l’imagine.  

WWF a fait la une avec une étude en 2015, qui déclarait que les océans contribuaient à hauteur de 2,5 billions de dollars par an à l’économie mondiale. Un des messages de cette étude était que si l’économie bleue était considérée comme un pays, elle aurait la 7e plus grande économie du monde. De même, l’OCDE a publié un rapport relevant la valeur immense de l’économie de l’océan, qui a trouvé que l’océan valait 1,5 billions de dollars. Le secteur du pétrole et du gaz était de loin le secteur le plus important.  

Une déclaration commune autour de cette littérature est que les autorités et les investisseurs ont négligé l’économie bleue parce qu’ils n’apprécient pas à sa juste valeur la richesse économique en jeu ; c’est la raison pour laquelle les océans sont menacés et sous-performant. Pour rendre la cause plus attrayante, les estimations de la valeur potentielle de l’économie bleue prennent en compte les secteurs comme l’exploitation minière et la navigation, qui n’ont absolument aucun intérêt ou besoin d’habitats et d’écosystèmes océaniques sains. 

La croissance bleue est par conséquent basée sur l’argument selon lequel les océans peuvent être sauvés si nous comprenons combien d’argent nous pouvons tirer de cette activité. Par exemple, la Commission Economique des Nations Unies pour l’Afrique écrit :

"En comprenant mieux les énormes opportunités émergeant de l’investissement et du réinvestissement dans les espaces aquatiques et marins de l’Afrique, l’équilibre peut basculer de la pêche illégale, la dégradation et l’épuisement vers un paradigme de développement bleu durable, qui sert l’Afrique d’aujourd’hui et de demain. Si l’économie bleue de l’Afrique est bien exploitée et gérée, elle peut constituer une source principale de richesse et propulser les fortunes du continent".

Cependant, cette compréhension étriquée de l’économie bleue ou croissance bleue, qui consiste à considérer seulement les profits économiques, a beaucoup plus à faire avec la commercialisation des océans qu’elle en a de la nouvelle réflexion politique. Cela soulève des questions préoccupantes sur la capacité des stratégies de la croissance bleue de reconnaitre et de surmonter les problèmes persistants qui ont conduit l’économie bleue dans une position périlleuse.

La valeur de l’économie bleue comme profits

L’idée selon laquelle le potentiel de richesse des écosystèmes doit être apprécié pour les protéger a été populaire pendant un certain temps, bien qu’elle ne tienne pas compte du fait que la dégradation de notre environnement a été surtout causée par la cupidité et la maximisation du profit, le rôle complice des gouvernements n’a pas été dû à la méconnaissance de l’argent en jeu. Néanmoins, cela a conduit à une documentation intéressante sur la manière dont les ‘services écosystémiques’ peuvent être mesurés. En d’autres termes, comment pouvons-nous mettre une valeur sur les avantages que tirent les populations de l’environnement et de la nature, qui couvrent plusieurs dimensions, allant des profits, à la nourriture, aux emplois, aux loisirs et au bien-être culturel et spirituel. Le sujet devient plus controversé lorsque ces évaluations des valeurs déterminent la manière dont la nature et l’environnement devraient être dimensionnées et allouées ; qui a la priorité d’y avoir accès et de l’exploiter. 

Les stratégies de croissance bleue, notamment l’initiative de croissance bleue de la FAO, est définie pour aider les pays à comprendre la valeur de leur économie bleue, qui devrait influencer à terme les débats sur la politique nationale et sous régionale. Cette situation est traitée comme un défi technique, pour lequel la valorisation des services écosystémiques peut être utilisée par les décideurs pour faire le bon choix.  

L'aspect inquiétant de la croissance bleue est la manière dont la valeur est si souvent simplifiée pour signifier les bénéfices et l’ensemble des emplois créés, comme le montrent les projets de l'UE sur la croissance bleue, mais aussi dans d'autres projets africains (bien que souvent par des consultants européens). Bien qu’ils soient des facteurs importants, les deux nécessitent d'autres questions ; de quelle façon est répartie la richesse, quelle est la qualité des emplois, etc. Mais il est tout aussi important, de tenir compte d'une série d'autres aspects, notamment le fait que la richesse publique n'est pas la même que la richesse privée, et, en matière d’écosystèmes partagés, les deux peuvent avoir une relation contrastée ; une plage qui est librement utilisée par tout le monde ne produit pas de richesse dans la comptabilité économique traditionnelle, alors qu'elle aurait produit de la richesse si elle était vendue à un promoteur. Plusieurs dimensions permettant de comprendre la valeur dans l'économie bleue qui vont au-delà des bénéfices et des emplois existent, comme l'explique le présent rapport sur les valeurs culturelles et sociales des habitats marins.

Une approche basée sur les profits peut ne pas être bénéfique à la promotion de la pêche artisanale durable, bien que son profil en termes de création d’emplois la place en bonne position.    Pourtant, un environnement politique où l'accent est mis sur la maximisation des fortunes provenant de l'économie bleue ne semble pas compatible avec la promotion de la pêche de subsistance et de petite échelle et des systèmes de production alimentaire, en particulier lorsque les pêcheurs font face à la concurrence provenant des aménagements immobiliers, du tourisme et de l'exploitation minière off-shore pour la terre et l'accès à la mer.

En fait, lorsque nous examinons la stratégie de croissance bleue de l’UE, l’accent est entièrement mis sur les secteurs ayant une importance économique majeure – l’exploitation minière, la biotechnologie marine, le tourisme, l'énergie bleue et l'aquaculture. La pêche n'est pas considérée comme une « perspective de croissance », elle est de ce fait exclue. C'est un précédent inquiétant pour les stratégies de croissance bleue dans d'autres régions, surtout que l'UE semble favoriser cette approche dans la manière dont elle envisage ses relations futures avec les pays en développement. [Lien].

L'approche de la FAO est tout à fait différente, car elle part du principe selon lequel la priorité devrait être donnée à la pêche artisanale. Un enjeu clé est la question de savoir si cette position peut être défendue lorsque les gouvernements nationaux examineront leurs priorités en matière de croissance bleue.

La marchandisation de la nature : le carbone bleu

La valorisation des services liés aux écosystèmes est un élément central de la perspective de la croissance bleue, en particulier par la FAO et ses partenaires dans l’Initiative de la Croissance Bleue. L’on assiste à une énorme croissance des études qui cherchent à mettre une valeur monétaire sur les avantages des écosystèmes. Malgré le désaccord sur la façon dont cela se mène et ce que l’on entend par valeur, l'évaluation des services écosystémiques peut être un outil utile pour les pêcheurs et les communautés côtières. Par exemple, le World Resources Institute, un promoteur de ces outils, souligne le cas de Belize où une évaluation économique des récifs coralliens a montré les coûts élevés du chalutage industriel de fond et les avantages cumulatifs que les communautés côtières locales obtiendraient si cette activité n’avait pas lieu. L'évaluation était jugée essentielle pour convaincre les autorités nationales d'interdire la pêche au chalut de fond.

Cependant, l'évaluation du service lié aux écosystèmes conduit inévitablement à la marchandisation des habitats des océans. C'est-à-dire que les services écosystémiques fournis par les océans et les habitats marins sont chiffrés, afin qu'ils puissent être payés, rendant ainsi les océans plus rentables. Les fonctions des écosystèmes marins, telles que la capacité des herbiers marins à stocker du carbone, sont appelées « classes d’actifs ». Ce jargon du secteur bancaire et financier définit de plus en plus les stratégies de croissance bleue.

Le marketing de cette idée suggère qu’il peut se faire d’une manière qui accroît les bénéfices tout en conservant simultanément la nature et en promouvant les intérêts des communautés défavorisées qui dépendent de ces services écosystémiques. C'est une caractéristique de la plupart des programmes internationaux en matière d'économie bleue et de croissance bleue. Le programme phare de croissance bleue de la FAO, ainsi que les travaux de la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique, et les programmes de nombreuses grandes ONG internationales en matière d'environnement, décrivent tous comment les paiements à effectuer pour les services écosystémiques peuvent être utilisés comme moyen de préserver les océans et lutter contre le changement climatique.

L'exemple le plus tangible semble être le développement ultérieur d'initiatives qui visent à conserver des habitats tels que les forêts de mangrove et les herbiers marins par le payement des grandes quantités de carbone qu'ils stockent. L'idée est que cette fonction de stockage de carbone peut être évaluée, puis vendue, généralement à travers un dispositif de compensation. Déjà, en 2011, encouragées par l'UICN, de nombreuses organisations internationales et sociétés multinationales, notamment du secteur pétrolier, ont collaboré à l'établissement de l'Initiative Carbone Bleu. 

On ignore la mesure dont les stratégies de croissance bleues réussiront à établir des marchés de services écosystémiques bleus. Les mêmes stratégies ont été utilisées pendant de nombreuses années dans d'autres écosystèmes, tels que les forêts. La demande d'achat de crédits de carbone et d'autres produits similaires a été faible. Les prix n'ont jamais augmenté au point de permettre à ces marchés d’avoir un impact global. C'est une des raisons du scepticisme concernant le paiement des services liés aux écosystèmes. Cependant, il y a également ceux qui voient en la marchandisation des services écosystémiques, des risques considérables pour les communautés côtières et la pêche à petite échelle.

La manière dont le paiement des services écosystémiques fonctionne nécessite invariablement des sociétés externes, des cabinets de conseil et des organismes de certification. Très peu de moyens existent dans les pays en développement, et en particulier dans les communautés rurales pauvres où le carbone est stocké, pour établir des évaluations complexes, satisfaire les organismes internationaux de certification, et ensuite avoir les réseaux et les ressources nécessaires pour vendre les services écosystémiques. Ainsi, les projets de production de produits écosystémiques, tels que le carbone bleu, sont gérés par des entreprises étrangères ou des ONG.

Bien qu'il y ait des études de cas apparemment positives, il y a eu une résistance considérable à ce nouveau secteur d'activité parmi les communautés rurales et les ONG travaillant avec les peuples autochtones. Parmi les plaintes figurent des dispositifs de partage des avantages extrêmement injustes et le fait que le processus de valorisation des services liés aux écosystèmes incite systématiquement les acteurs étatiques ou privés à prendre le contrôle des terres dont dépendaient par ailleurs des groupes moins puissants. Une des observations portées à ces innovations est qu'elles soulèvent des questions difficiles concernant ceux qui sont les propriétaires légitimes des services écosystémiques et, par conséquent, qui peut revendiquer le droit de les vendre ? En outre, la création d'une nouvelle valeur marchande des services écosystémiques peut constituer un développement précaire pour ceux qui ont des droits d'utilisation informels ou non sécurisés. Ceci est une caractéristique de nombreux États côtiers des pays en développement, ce qui a conduit à la demande de directives sur la gouvernance responsable de la tenure. Comme le décrit Winnie Overbeek, qui écrit pour le World Rainforest Movement: 

"Les communautés sont absentes de tout le matériel de publicité du " Carbone bleu "... Les initiatives du " Carbone bleu "... imposées du sommet à la base ont tendance à entraver profondément la vie de ces communautés et à causer plus de problèmes que d'avantages ... [elles] impliquent nécessairement l'imposition d’une série de restrictions sur le mode de vie des communautés et la perte de contrôle sur leurs territoires, afin de convaincre les marchés financiers que le carbone - converti en "actifs" papier ou "titres" environnementaux - reste "correctement stocké" dans les forêts."

On ignore comment le carbone bleu sera payé, bien qu'il soit tout à fait possible que les crédits de carbone bleu soient vendus sur des « marchés de contreparties ». Toutefois, permettre aux entreprises, et peut-être même aux pays, d'acheter du carbone stocké dans des endroits comme les forêts ou les mangroves, afin de pouvoir produire du carbone équivalent provenant de la combustion de combustibles fossiles, est manifestement inacceptable et en contradiction avec la perspective de l'économie bleue. Comme le poursuit Overbeek:

"L'accent mis sur les projets de démonstration et de recherche consistant à mettre les mangroves sur les marchés du carbone mondial ne fait que remettre à plus tard les transformations structurelles nécessaires du modèle de production et de consommation basé sur la combustion de combustibles fossiles. Ces changements sont essentiels pour permettre à l'humanité de maintenir le réchauffement climatique dans certaines limites, afin d'assurer la survie future des mangroves et des écosystèmes côtiers en général et celle des communautés qui en dépendent. En ne proposant pas ces changements, la nouvelle tendance du " Carbone bleu" est une autre fausse solution à la crise climatique, ainsi qu'un moyen de maintenir et de renforcer le pouvoir des entreprises et des marchés financiers, tout en cachant leur responsabilité en matière de destruction majeure de l'environnement et en proposant à ces entreprises et à ces marchés de devenir une partie de la prétendue solution".

La commercialisation des environnements par la valorisation des services écosystémiques est par conséquent un autre aspect de mise en cause des stratégies de croissance bleu par la petite pêche et les communautés côtières. Comment la valorisation des services écosystémiques profite-t-elle à l'économie bleue, autre que l'offre des débouchés économiques accrus ? Quelles sont les garanties de protection des droits des populations côtières ?

Rendre durables les océans par la croissance

Dans la commercialisation de la croissance bleue, il est rare de réfléchir sur les tensions entre la croissance économique perpétuelle et l’utilisation durable des écosystèmes fragiles, qui, comme le témoignent de nombreux rapports sur l’économie bleue, ont atteint déjà leur point de rupture en matière de pollution, de dégradation d’habitats, d’acidification d’océans et de surpêche. Il est étonnant qu’aujourd’hui, le ‘discours’ le plus dominant sur la protection des océans de l’exploitation insoutenable fait fortement l’éloge des opportunités de le faire dans un sens qui peut augmenter considérablement les fortunes des gouvernements et du secteur privé. 

Le marketing de la croissance bleue est déjà critiqué pour l'incohérence des politiques. La stratégie de croissance bleue de l'UE, par exemple, favorise la recherche et l'investissement pour l'expansion de l'exploitation minière en haute mer, ce qui, de l’avis de plusieurs organisations, pourrait ne pas être compatible avec le maintien des écosystèmes marins ou le concept de l'économie bleue. Un rapport sur la relation entre la stratégie de croissance bleue de l'UE et la pêche à petite échelle a fait ressortir que, bien que cette stratégie soit susceptible d'accroître la valeur ajoutée à l'économie européenne, il y aura des coûts environnementaux croissants, susceptibles d'avoir un impact négatif sur les écosystèmes côtiers et ce qui aurait pour conséquence de menacer la pêche.

Par conséquent, l'augmentation de la croissance et la réalisation d'une économie bleue peuvent devenir des objectifs contradictoires. Cette situation n’est trop souvent pas prise en compte lorsque les architectes de la croissance bleue parlent de scénarios « gagnant-gagnant » faciles. Force est de constater que l'économie bleue mondiale ne peut pas continuer de croître sans stresser et épuiser davantage les écosystèmes marins. Pour la pêche de subsistance et à petite échelle, la promesse de la croissance bleue doit alors être abordée avec prudence. Il convient de reconnaître que la croissance bleue aura des coûts. Si nous voulons limiter ces coûts, en particulier pour les plus marginalisés et vulnérables, la croissance devra être restreinte dans certains secteurs de l'économie bleue. 

Négocier la croissance bleue pour la pêche à petite échelle africaine

Il existe de nombreux aspects attrayants du mouvement international vers une économie bleue contenus dans les propositions de croissance bleue. Malgré les contradictions inhérentes et le risque d'incohérence en matière de politique, il semble y avoir une prise de conscience accrue des conséquences des écosystèmes dégradés sur la société et les entreprises. Cela réaffirme la nécessité de placer les réformes de la pêche dans un contexte plus large ; de changement climatique, de la pollution et de la concurrence croissante pour l'accès aux océans. La question de la pêche ne peut être abordée isolément.

Pour la pêche artisanale, il est capital de s'engager avec le projet de réalisation de la croissance bleue. Cependant, il existe un certain nombre de problèmes qui pourraient aider la petite pêche à influencer la croissance bleue afin de minimiser les risques inhérents et les contradictions.

  1. Selon la perspective de la croissance bleue promue par la FAO et d'autres partenaires dans l’Initiative de la Croissance Bleue, il est essentiel que la pêche à petite échelle et le commerce après la pêche soient placés à l'avant-garde des stratégies de croissance bleue. L'approche de l'UE est préoccupante en ce sens qu’elle met l'accent sur les secteurs de grande valeur et de haute technologie, ce qui exclut le secteur de la pêche. L'UE doit reconnaître cette limite dans son projet de promotion de la croissance bleue dans les pays en développement.
  2. L'approche de la création et de l'évaluation de la croissance bleue doit aller au-delà de la considération de la valeur uniquement en termes de bénéfices et d'emplois et de durabilité uniquement dans le domaine de l’environnement. La discussion sur la croissance bleue doit tenir compte des dimensions sociales, sanitaires et culturelles. Encore une fois, l'UE donne un mauvais exemple ici, et il y a une tendance pour les autres à l'avant-garde des stratégies de croissance bleues à en faire autant.
  3. La perspective de croissance bleue pourrait être positive car elle devrait forcer une discussion plus large sur la cohérence des politiques. Identifier et débattre de la cohérence des politiques dans les stratégies de croissance bleue est essentiel pour la petite pêche dans les pays en développement. Les priorités d'investissement des gouvernements et des donateurs internationaux dans les secteurs de l'économie bleue, tels que le tourisme, le pétrole et le gaz et l'aquaculture offshore continueront de menacer la pêche sauvage, en particulier dans les zones côtières où le nombre de pêcheurs à petite échelle est élevé. Ces menaces ont des dimensions multiples ; elles contribuent notamment au changement climatique, à l’augmentation de la pollution et à la diminution de l'espace réservé à la pêche en mer et sur terre. Les stratégies de croissance bleue doivent identifier et prendre des mesures pour limiter cette incohérence en matière de politique, et insister sur le fait que la croissance bleue ne peut pas être un simple scénario gagnant-gagnant. 
  4. La croissance bleue annonce la perspective d’une attention plus soutenue à l'aménagement de l'espace marin et de la gestion maritime intégrée. Cette approche multipartite de gouvernance des écosystèmes partagés est primordiale et a été pratiquement absente dans de nombreux pays en développement. Cependant, l'expérience internationale montre que cela ne peut être atteint que s'il existe de solides droits politiques et civils, tels que l'accès à l'information, la liberté d'expression, une participation significative et l'accès à la justice. Ceux-ci ne sont pas présents dans de nombreux pays où la croissance bleue est préconisée. En outre, il faut reconnaître que les acteurs locaux et étrangers de l'économie bleue ont un accès inégal aux ressources et des capacités largement différentes pour influencer la prise de décision. En conséquence, la pêche à petite échelle peut être désavantagée dans les processus de planification nationale et régionale.  Les stratégies de croissance bleues doivent donc répondre aux préoccupations liées aux droits humains nécessaires et aux réformes liées à la gouvernance avant qu'il y ait une croissance substantielle des investissements. [À cet égard, la croissance bleue doit reconnaître les exigences pour les autorités nationales de réaliser et de protéger les droits civils et politiques prévus par les directives volontaires sur la gouvernance responsable de la tenure, les directives volontaires sur la sécurisation de la petite pêche durable et les directives de Bali relatives à l'accès à l'information, la participation et l'accès à la justice en matière d'environnement. Pour l'UE, les stratégies de croissance bleues promues dans la dimension extérieure de la politique commune de la pêche doivent reconnaître que ces obligations sont contenues dans la Convention d'Aarhus.

Des informations impartiales doivent être fournies au secteur de la petite pêche et aux communautés côtières sur le mode de paiement des services liés aux écosystèmes qui est mis en place pour la croissance bleue ainsi que les risques et les opportunités présentés par ces systèmes. L'établissement d'une valeur monétaire pour les bénéfices qu’offrent les habitats marins dont dépendent les pêcheurs depuis des générations, dans l'intention de demander aux autres de payer ces avantages, est une idée complexe. Cela soulève des questions difficiles sur les propriétaires des services écosystémiques, les droits des pêcheurs et d'autres groupes sur ces produits, et sur la manière de répartir les avantages de ces payements. La question du carbone bleu doit être débattue plus largement, et la discussion ne peut être menée par ceux qui ont un intérêt direct dans ces systèmes.

 

Les Accords de pêche avec l'UE vont-ils aider au développement de la pêche africaine?

Depuis le début des années 2000, la CAPE a soutenu que l'UE devrait cesser de payer une partie des redevances pour les navires de l'UE ayant accès aux pays en développement. Il s'agit d'une subvention injuste et l'industrie devrait payer ces coûts. Pourtant, l’UE, à travers la DG MARE, dépense des millions d’euros par an pour contribuer aux coûts de ces arrangements commerciaux - 71 millions d’euros ont été dépensé en 2015 comme contribution à ses Accords de Partenariats de Pêche Durable (APPD). La CAPE estime que les fonds publics de l'UE consacrés à la pêche dans les pays en développement doivent être entièrement utilisés pour réaliser le développement de la pêche locale et que le rôle de l'UE dans ces accords devrait se limiter à la négociation des aspects techniques des accords de pêche commerciale et à un rôle de surveillance réglementaire.  
Bien qu'il existe un argument solide pour dissocier les fonds de l'UE des paiements d'accès, un problème connexe réside dans l'assurance que les fonds de l'UE pour le développement de la pêche sont bien utilisés. Déjà, la DG MARE s'efforce de soutenir la gestion des pêches dans les pays partenaires. Environ 31 millions d'euros (en 2015) des paiements totaux des APPD ont été utilisés pour développer la capacité des Etats côtiers à gérer leurs pêcheries, bien que cette somme ne soit pas techniquement une « aide ». La proposition de la CAPE prévoit un découplage clair entre les fonds de l'UE et le paiement de l'accès, avec des décisions sur la meilleure façon de soutenir les pays étrangers basée sur une évaluation des besoins. Nous nous attendons donc à ce que le montant des fonds européens disponibles à la DG MARE pour soutenir le développement de la pêche augmente.
La Cour des comptes européenne a toutefois procédé à un examen de la manière dont ces fonds sont gérés dans son rapport : « Les accords de partenariat dans le secteur de la pêche sont-ils bien gérés par la Commission ? ». Il souligne un certain nombre de problèmes. Il a soulevé des inquiétudes quant à l'impact du fonds, il a montré qu'il y avait des problèmes en termes de transparence et de responsabilité, et il a fait valoir qu'il y avait un manque de coordination avec d'autres sources d'aide au développement. La recommandation de dissocier l'aide des paiements d'accès doit donc s'ajouter aux efforts visant à améliorer la surveillance et le suivi des fonds mis à la disposition de la DG MARE pour le développement de la pêche locale.
Qu’est-ce que le soutien sectoriel de l’UE ?
Le soutien sectoriel apporté par les accords de pêche de l'UE avec les pays en développement remonte à l'accord de pêche Sénégal-UE de 1994. Jusqu'alors, les fonds allaient simplement dans le budget central de l'Etat. Cependant, les critiques croissantes concernant l'impact des accords d'accès aux pêcheries de l'UE signifiaient que, dans l'accord de 1994, le gouvernement du Sénégal et l'UE avaient convenu qu'une partie des fonds versés pour l'accès à la pêche serait réservée aux « actions ciblées ». Celles-ci étaient directement liées au renforcement de la gestion des pêches et à l'appui aux organisations de pêche artisanale. Cela était important car les deux parties reconnaissaient les pêcheurs artisans comme parties prenantes de l'accord de pêche. L'accord UE-Sénégal de 1994 était aussi la première fois qu'un représentant de la pêche artisanale était autorisé à assister à la négociation de l'accord.

Des actions ciblées ont ensuite été introduites dans la plupart des accords entre l'UE et les pays africains. En règle générale, les fonds ont été gérés séparément du budget central de l'État (c'est-à-dire traités comme des revenus hors budget). Avec la réforme de la politique commune de la pêche (PCP) de l'UE en 2002, ces accords ont été transformés en accords de partenariat dans le secteur de la pêche et le soutien ciblé a été qualifié de « soutien sectoriel ». Le règlement de base de la nouvelle PCP, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2014, prévoit d'autres directives juridiques pour le soutien sectoriel (voir articles 31 et 32).
Le soutien sectoriel fait donc partie de la contribution financière versée par l'UE dans le cadre d'un APPD, bien que ce ne soit pas une forme d'Aide Publique au Développement (APD) (bien que l'UE ait parfois signalé cela dans le cadre de son APD, ce qui était une erreur). Le montant identifié pour ce soutien sectoriel est une proportion, décidée par l'Etat côtier, du montant global du paiement d'accès. Un pays peut décider que la totalité de ses recettes provenant de l'UE soit réservée à un soutien sectoriel, comme c'est le cas dans l'île Cook. Cependant, comme l'a signalé la Cour des comptes, la Commission européenne a pour objectif politique de limiter le soutien sectoriel à 50% des paiements d'accès, ce qui est à peu près ce qui est convenu dans la plupart des pays aujourd'hui. La plus faible proportion des fonds réservés au soutien sectoriel se trouve en Mauritanie, où elle a diminué au cours des années, en grande partie du fait que la Mauritanie rencontre des problèmes d'absorption de ces fonds. Dans l'accord le plus récent, les paiements annuels pour l'accès aux pêcheries sont d'un peu moins de 60 millions d'euros et 4 millions pour l'appui sectoriel (environ 15%). Néanmoins, le soutien sectoriel fourni à la Mauritanie par le biais des protocoles des accords de pêche entre 2008 et 2012 s'est élevé à 65 millions d'euros.
La taille de ces transferts est évidemment plus importante pour les pays qui peuvent accorder des accords d'accès aux pêcheries de valeur, y compris ceux qui ont des « accords mixtes ». Ceux-ci tendent à valoir plus que les accords portant uniquement sur le thon. En même temps que la Mauritanie, le plus grand accord mixte existe avec le Maroc, d'une valeur de 30 millions par an avec 14 millions affectés au soutien sectoriel. La Guinée-Bissau et le Sénégal ont également des accords mixtes. Pour la Guinée-Bissau, cela vaut 9,2 millions par an, dont 3 millions sont destinés au soutien sectoriel, et au Sénégal, l'accord de l'UE vaut environ 1,8 million et 750 000 pour le développement de la pêche. En comparaison, le soutien sectoriel le plus restreint se retrouve dans l’APPD Côte d'Ivoire-UE, avec seulement 275 000 euros par an, grâce à un accord thonier de 680 000 euros par an.
L'utilisation de l'aide sectorielle devrait être définie par l'État partenaire sur la base de ses priorités et validée par le Comité mixte qui assure la gestion globale de l'accord de partenariat dans le secteur de la pêche, composé de représentants de l'UE et du pays côtier. La gamme de projets tend à inclure ceux qui visent à améliorer la recherche scientifique sur les stocks de poissons, à soutenir la surveillance, le contrôle et la surveillance des navires de pêche, à améliorer la santé et les conditions sanitaires des exportations de poissons ou à soutenir les petites pêcheries. Il y a aussi des cas, comme le Mozambique, où la majorité des fonds destinés à l'appui sectoriel ont été consacrés à l'aménagement des infrastructures, y compris la construction de bureaux de l'autorité des pêches.
Les paiements de soutien sectoriels dépendent des résultats. Si les fonds affectés au soutien sectoriel n'ont pas été dépensés ou s'il n'existe pas de preuve que les fonds ont été utilisés conformément à la matrice de résultats convenue conjointement, les paiements annuels ultérieurs de l'UE au titre du soutien sectoriel peuvent être retenus. Cela s'est déjà produit auparavant, comme à Madagascar en 2011.

Le Soutien Sectoriel fonctionne-t-il ?
La décision d'allouer jusqu'à 50% des redevances d'accès au développement de la pêche est ouverte à des interprétations différentes. Un point général est que les recettes de la pêche commerciale reçues par les pays fortement sous-développés peuvent être mieux utilisées pour d'autres priorités de développement et non pour les coûts de gestion des pêches. En effet, pour des pays comme la Mauritanie, les fonds totaux de l'UE pour le soutien sectoriel des pêches ont représenté plus de 10% de l'ensemble du budget national du pays. La canalisation de ces fonds vers la pêche peut priver d'autres secteurs (santé, éducation, etc.). Le revers de la médaille est que l'affectation de fonds peut aider le pays à améliorer la gestion des pêches et à contribuer à la durabilité de la pêche, ce qui devrait contribuer au développement et à la sécurité alimentaire du pays. De plus, dans certains pays africains, on craint que les fonds de l'UE versés au budget central ne soient également perdus par la corruption ou dépensés pour des activités nuisibles. Le soutien sectoriel peut également améliorer l'opinion publique sur les accords de pêche, car il démontre que les contributions aux accords de pêche sont utilisées de manière productive.
Cependant, la manière dont les fonds sectoriels de l'UE ont été gérés a fait l'objet de nombreuses critiques. Sur la base du rapport des commissaires aux comptes européens, il y a plusieurs questions.

Efficacité
Une partie du problème auquel sont confrontés les fonds de soutien sectoriels de l'UE réside dans la faiblesse des capacités des États à définir leurs priorités. De nombreux États côtiers ne disposent pas encore d'une stratégie nationale de pêche, ce qui signifie que l'identification des projets financés par le soutien sectoriel peut être décentralisée et ne pas avoir de stratégie cohérente à long terme. Il y a également un manque d'information et de consultation publique dans la manière dont le soutien sectoriel des accords de partenariat de pêche de l'UE est alloué et utilisé. Les rapports nationaux concernant l'utilisation du soutien sectoriel restent confidentiels. C'est ce qu'a découvert un groupe de députés européens qui ont visité la Guinée-Bissau cette année pour en savoir plus sur les défis du pays et ses relations avec l'UE. Les réunions tenues par les députés ont souligné que :
“... le manque généralisé d'informations sur l'aide de l'UE ou sur la mise en œuvre de l'APP, sur les projets qui pourraient être financés au titre du" soutien sectoriel "ou sur la manière et le lieu d'application; Tandis que les parties prenantes ont été incitées à intervenir plus activement auprès des autorités nationales afin que leurs projets deviennent éligibles au financement de l'UE, des plaintes ont également été exprimées sur le manque de transparence dans l'allocation des fonds publics / d'aide.“
L'issue de cette situation est que l'allocation des fonds peut ne pas refléter les priorités du pays. Comme l'indique le rapport de la Cour des comptes, la tendance indique que la plupart des fonds sectoriels sont consacrés à la lutte contre la pêche illégale, non réglementée et non déclarée (INN) par le renforcement du suivi et du contrôle des navires de pêche industriels. Par exemple, près de 60% du soutien sectoriel apporté à Madagascar en 2013 a été consacré à la surveillance et au contrôle des navires de pêche et le reste a été investi dans des entreprises exportatrices de poissons, dont bon nombre appartiennent à des entreprises européennes et asiatiques. Ce sont clairement des secteurs qui peuvent avoir un avantage plus direct pour les gouvernements des États côtiers (par le biais de la fiscalité), mais pas nécessairement pour un développement et une sécurité alimentaire plus larges, qui sont les objectifs de la politique de développement de la pêche européenne. En effet, les décisions des gouvernements partenaires et de l'UE sur la meilleure façon d'utiliser les fonds sectoriels sont principalement axées sur les efforts visant à améliorer la gestion des pêches dans le secteur industriel sans tenir compte des besoins et de l'importance de la pêche artisanale locale.
Tous les pays ne suivent pas le même chemin. Quelques exemples montrent que le soutien sectoriel de l'UE est utilisé pour le développement de la pêche locale. Les Seychelles utilisent au moins 50% de leurs fonds sectoriels de l'UE pour le développement de la pêche locale, y compris l'établissement d'un prêt pour les flottes de pêche artisanale et semi-industrielle. Néanmoins, certains pays estiment qu'une part importante du paiement de l'accès à l'UE découlant de la présence de flottes industrielles européennes est utilisée pour couvrir les coûts de gestion de ces flottes. Cela peut nuire à l'objectif de développer les capacités locales de pêche, simplement comme une autre subvention pour la pêche industrielle. En effet, lorsque les États côtiers ne disposent pas des ressources nécessaires pour couvrir les coûts de base de la gestion de la pêche industrielle, c'est peut-être parce que les droits d'accès sont trop bas. Il est important de savoir si les compagnies de pêche étrangères paient suffisamment de droits d'accès pour que les États côtiers puissent couvrir les coûts de gestion qui en découlent sans avoir à compter sur un soutien supplémentaire de la part des donateurs. Il serait extrêmement utile que les États côtiers soient en mesure de déterminer quels sont les coûts totaux de la gestion de la pêche étrangère ainsi que la valeur ajoutée de leurs économies, ce qui pourrait se traduire par des négociations pour un paiement plus juste des redevances d'accès.

Coordination et Cohérence des Donateurs
La Cour des comptes européenne a identifié des « difficultés d'absorption » dans de nombreux pays. C'est un problème répandu pour les gouvernements en Afrique, où les attentes et le soutien des bailleurs de fonds peuvent dépasser les capacités de délivrance des autorités qui reçoivent ces fonds. Il s'agissait d'un problème majeur du soutien sectoriel fourni à la Mauritanie dans le protocole 2008-2012, où 25 millions d'euros des fonds sectoriels alloués n'ont pas été dépensés. Les protocoles précédents avec les Seychelles et le Mozambique avaient des problèmes similaires, puisque les deux pays ont déclaré des fonds non dépensés représentant 63% de leur budget d'appui sectoriel (bien que la situation semble s'améliorer).
Ce problème est exacerbé par l'existence d'une autre aide publique au développement pour la pêche, qui a augmenté au cours de la dernière décennie dans toute l'Afrique. De nombreuses autorités de pêche ont été encouragées vis-à-vis de la dépendance à l'aide, où l'aide au développement représente une part importante des dépenses de l'État et rien n'indique que le recours à cette aide diminue. Il existe désormais une reconnaissance internationale croissante que la dépendance à l'égard de l'aide a des conséquences négatives pour les pays en développement, bien qu'elle ne soit pas encore sérieusement envisagée dans le secteur de la pêche en Afrique.

La Cour des comptes européenne a également noté comment les fonds sectoriels de l'UE sont utilisés de manière non coordonnée avec d'autres aides au développement. Cela risque d'entraîner des doubles emplois, ainsi qu'un manque de cohérence. À ce titre, le soutien sectoriel de l'UE ne repose pas toujours sur une appréciation plus large de ce que font les autres bailleurs de fonds, y compris le soutien fourni par le Fonds de développement de l'UE, ainsi que par les États membres de l'UE et d'autres partenaires multilatéraux et bilatéraux. Comme l'ont constaté les auditeurs de l'UE (page 32) :
"... dans les pays de l'océan Indien visités, la coordination entre les partenaires au développement actifs dans le secteur de la pêche était faible. Le soutien sectoriel n'est pas examiné lors des réunions de coordination régulières entre les représentants responsables de l'appui du FED à la Délégation de l'UE et les autres partenaires financiers et l'attaché aux pêches ne participe pas à ces réunions ... En outre, dans aucun des pays visités, le soutien sectoriel des APPD n’est intégré dans une approche globale incluant les fonds de l’ensemble des partenaires destinés à la pêche. Par exemple, au Mozambique, où différents partenaires financent des actions similaires, il existe un risque de double financement, notamment en ce qui concerne la participation aux réunions et aux activités d'inspection. Bien que le Mozambique dispose d'une matrice mondiale, il ne comprend ni l'ensemble des partenaires concernés ni l'appui sectoriel. C'est également le cas à Madagascar. "
Il convient de noter que la DG MARE a répondu à cette observation en décrivant qu'il y avait eu des efforts pour améliorer la coordination non seulement avec la DG DEVCO, mais aussi avec d'autres partenaires de développement dans les États côtiers. Mais comme il y a si peu de publications sur l'utilisation et l'efficacité du soutien sectoriel de l'UE, il est difficile pour les autres de savoir si cette collaboration fonctionne bien.
Responsabilités et Surveillance
Le rapport de l'auditeur a également fait valoir que la DG MARE n'avait pas fourni un contrôle ni un suivi cohérents et rigoureux des financements du soutien sectoriel. Une partie du problème réside dans le fait que les fonds sectoriels ne sont souvent pas traçables dans le budget de l'État côtier et que les rapports sur les extrants des États hôtes soumis au comité mixte sont souvent difficiles à vérifier pour la commission. Parfois, les fonds sectoriels de l'UE n'ont pas été dépensés pour des activités convenues et n'ont pas été pleinement pris en compte. Étant donné qu'il n'est pas classé dans l'aide publique au développement, le soutien sectoriel de l'UE n'est pas soumis aux mêmes niveaux de contrôle et de responsabilité que les autres paiements d'aide similaires de l'UE.
Il y a certainement eu des améliorations dans la transparence et la responsabilité dans certains cas. La gestion récente des fonds sectoriels en Mauritanie et au Maroc a probablement atteint les plus hauts niveaux de responsabilité à ce jour. Toutefois, dans de nombreux pays, la transparence et la responsabilité de l'utilisation du soutien sectoriel dans le cadre des accords de pêche de l'UE sont encore considérées comme insuffisantes par la Cour des comptes. Il n'existe que peu d’information, dans le domaine public, sur la façon dont ces paiements ont été utilisés et si leur impact a été positif ou non.
Le rapport de la Cour des comptes européenne jette un doute considérable sur la capacité de la DG MARE à surveiller les dépenses des États côtiers, en grande partie parce qu'ils n'ont pas les capacités nécessaires ni même le mandat pour le faire. En outre, bien que l'UE entreprenne ses propres évaluations externes des accords de partenariat dans le secteur de la pêche, celles-ci sont incohérentes en ce qui concerne l'utilisation des fonds sectoriels. Ces évaluations se concentrent davantage sur ce que les accords de pêche rapportent à l’UE et comment ils fonctionnent sur une base durable. Elles fournissent souvent une analyse superficielle de la manière dont le soutien sectoriel a été réalisé, voire pas du tout.
L’utilisation des conditionnalités
La DG MARE a une politique rigide de retenue des paiements en cas de problèmes de dépenses. Pour le moment, elle n'a aucun moyen de réduire une partie des fonds ou de retenir l'argent pour certains projets ; ça doit être payé en totalité ou pas du tout. C'est pourquoi la Cour des comptes a fait valoir que la Commission a régulièrement fourni des fonds lorsque des problèmes se sont manifestés. La Cour des comptes fait valoir que le régime inflexible de retenue annuelle des paiements les rend extrêmement difficiles à gérer. Le passage au découplage des paiements sectoriels et des paiements d'accès devrait permettre d'atténuer ce problème.
Le rapport de l'auditeur indique également que, dans le passé, la Commission n'a pas travaillé de manière proactive pour aider les États côtiers à surmonter les problèmes de dépenses des fonds sectoriels. Dans le cas de la Mauritanie, la prise de conscience que les fonds étaient insuffisants a conduit à la décision de la DG MARE de simplement réduire la part des fonds alloués au soutien sectoriel dans le prochain protocole d'accord quinquennal. Cela a placé plus d'argent dans le budget de l'Etat central, ce qui, comme l'a fait valoir la Cour des comptes européenne, a des niveaux de transparence et de contrôle publics encore pires. Selon les vérificateurs, la décision n'était pas compatible avec l'objectif d'améliorer la gouvernance des pêches dans le pays, ce qui est contraire à la notion de partenariat durable pour le développement de la pêche.

Améliorer le Soutien Sectoriel
Les États côtiers sont en accord avec la politique de soutien sectoriel de l'UE et ils conservent un certain pouvoir pour le rejeter s'ils le souhaitent. L'inclusion d'un soutien sectoriel suggère que le modèle de commerce « partenariat durable » tente d'être résolu. Cependant, un certain nombre de réformes clés sont nécessaires.
•    Premièrement, les deux parties doivent s'efforcer de définir les priorités des États côtiers afin que les fonds sectoriels soient bien utilisés. Cela doit se faire à travers un processus plus consultatif, y compris des représentants de la petite pêche. L'UE a un rôle important à jouer pour soutenir ces efforts et devrait encourager les pays partenaires à élaborer des stratégies nationales à long terme pour la gestion des pêches. Cela permettra d'identifier clairement où l'appui est nécessaire pour améliorer la durabilité et la contribution de la pêche à la sécurité alimentaire et à la réduction de la pauvreté. Bien que la promotion de la sécurité alimentaire soit un objectif clé de la politique de coopération au développement de l'UE en matière de pêche, elle n'est pas considérée comme un objectif sérieux lorsqu'il s'agit d'identifier les actions à soutenir par le soutien sectoriel de l’APPD.
•    Deuxièmement, il faut examiner soigneusement s'il convient que les paiements d'accès contribuent aux coûts de gestion des pêches à grande échelle et comment le secteur lui-même doit faire davantage pour couvrir ces coûts. Les États côtiers doivent disposer d'un plus grand nombre d'informations sur les coûts et la valeur ajoutée des entreprises de pêche étrangères afin qu'elles puissent avoir une position plus forte dans la négociation des accords d'accès et décider de l'ordre de priorité du développement des pêches locales.
•    Troisièmement, les discussions sur l'utilisation du soutien sectoriel doivent être liées à des efforts plus larges pour coordonner l'aide au développement des pêches et d'autres investissements. Cela ne veut pas dire que tous les bailleurs de fonds et les partenaires étrangers doivent poursuivre les mêmes objectifs et les mêmes priorités, mais au minimum, il devrait y avoir ouverture et discussion sur les objectifs et les priorités. Au cours des dernières années, la DG MARE et la DG DEVCO ont mieux coordonné l'aide à la pêche dans certains pays. Toutefois, sur la base du rapport du commissaire aux comptes, il semble qu'il y ait beaucoup plus à faire, notamment avec les États membres de l'UE et les autres partenaires au développement.
•    Quatrièmement, l'amélioration des mécanismes de transparence et de notification des fonds sectoriels de l'UE est également évidente. Dans le cas de l'accord de pêche avec la Mauritanie, une fiche d'information a été publiée sur le soutien sectoriel de l'accord 2008-2012, ce qui a été un effort utile pour sensibiliser le public. Toutefois, les procès-verbaux des réunions du comité mixte qui surveille l'utilisation des fonds sectoriels et les rapports des pays tiers concernant l'utilisation du soutien sectoriel ne sont pas publiés. Ils devraient être.
•    Enfin, l'UE et les États côtiers devraient entreprendre une évaluation externe plus rigoureuse du soutien sectoriel, qui pourrait être davantage pris en compte dans les évaluations existantes des APPD. Cela aidera également à améliorer la transparence et l'intégration de multiples parties prenantes dans le processus décisionnel.

Il s'agit de recommandations pratiques sur la réforme de la gestion du soutien sectoriel. Elles doivent être mises en contexte par rapport à la nécessité de dissocier les payements à l’accès de l'aide proprement dite. À l'heure actuelle, cette question a été traitée comme une question administrative, ce qui permettra à la DG-MARE une plus grande souplesse dans le versement des fonds sectoriels par rapport au reste du paiement d'accès. Cela laisse néanmoins le contrôle et la surveillance des fonds de développement pour la pêche à ceux qui participent à la négociation et à la gestion des accords de pêche commerciale, ce qui signifie que l'UE continue à utiliser les fonds publics pour couvrir les coûts des accords de commerce. Une approche plus forte pour dissocier les paiements d'accès de l'aide se ferait par la séparation des droits d'accès et du soutien sectoriel. Le montant des fonds destinés à soutenir les États côtiers dans l'amélioration de la gestion des pêches devrait être entièrement fondé sur une évaluation des besoins et sans aucune incidence sur l'importance des paiements d'accès à la pêche. Comme c'est le cas pour d'autres flottes de pêche, les paiements d'accès devraient être effectués progressivement par l'industrie, tandis que les fonds publics au développement versés à l'Etat côtier devraient être utilisés pour le développement.

La durabilité passe par une révision ambitieuse de la réglementation sur les autorisations de pêche

Depuis que la nouvelle politique commune de pêche (PCP)  est entrée en vigueur le 1 janvier 2014 , des améliorations ont été enregistrées lorsqu’il s’agit des Accords de Partenariat de Pêche Durable (APPD). Cependant, il faut encore que le vent tourne pour ce qui est des navires pêchant en dehors des APPD.
En effet,  prendre en considération uniquement les APPD ne fournit pas un aperçu complet des opérations des flottes de l’UE dans les pays en développement. Si la flotte de pêche lointaine de l’UE compte environ 700 navires , seulement 245 de ces navires pêchaient dans le cadre d’un APPD en 2014 . Plusieurs centaines de navires européens opèrent donc en dehors des APPD, y compris via des accords privés avec des pays tiers , ou mise en place d’affrètements en collaboration avec des acteurs locaux. Malheureusement, il n’y a pour l’instant aucun moyen d’avoir des informations sur ces arrangements.

Cela pourrait changer dans les prochains mois avec la révision du règlement sur les autorisations de pêche (Fishing Autorisation Regulation – FAR) . Ce règlement détaille des «critères d’éligibilité», - conçus pour assurer la transparence et la durabilité des opérations de pêche-, que devra remplir tout navire de pêche de l’Union européenne souhaitant opérer en dehors des eaux communautaires pour obtenir une autorisation de pêche de l’État membre dans lequel il est enregistré. 

La proposition de nouveau règlement FAR est actuellement examinée par le Parlement européen et le Conseil. Cependant, le Comité Economique et Social européen (CESE), a déjà donné son avis sur la question. Le CESE souhaite notamment que la Commission européenne vérifie si les critères d’éligibilité ont été dûment appliqués par l’État membre concerné, et donc si l’autorisation de pêche est valide. 

Dans cet article, CAPE expose pourquoi la Commission européenne doit vérifier ce que font les Etats membres. CAPE montre que certains pays de l’UE, comme l'Italie, ont tendance à fermer les yeux face à ce que leurs navires font une fois qu’ils pêchent en dehors des eaux européennes, omettant ainsi de s’acquitter de leurs responsabilités en tant qu’État du pavillon en vertu du droit international. L’Italie a toujours délivré des autorisations de pêche pour tous ses navires de pêche en Afrique de l’Ouest, indépendamment du fait qu’ils ne devraient pas pêcher là ou qu’ils ont été impliqués dans des pratiques de pêche illégale. 

Ceci démontre que si l’UE veut s’assurer, par le biais de son règlement sur les autorisations de pêche, que tous ses navires qui pêchent hors de eaux européennes respectent les mêmes principes et normes que celles applicables aux bateaux pêchant dans les eaux européennes, comme l’exige la PCP, la Commission européenne doit jouer un rôle clé pour vérifier que tous les États membres appliquent avec rigueur les critères de durabilité avant d’autoriser leurs bateaux de pêche à aller dans les eaux de pays tiers.

Commentaires et recommandations sur base du rapport de la Cour des Comptes sur les Accords de Pêche

Le 14 Mars 2016, le Conseil Agriculture et Pêche a adopté des Conclusions sur les accords de partenariat de pêche avec les pays tiers, comme réponse politique aux recommandations émises par la Cour des Comptes européenne sur le sujet dans un rapport spécial.

Ce rapport, « La Commission gèretelle correctement les accords de partenariat dans le domaine de la pêche? », a été publié par la Cour en octobre 2015. Son objectif était d'évaluer si les Accords de Partenariat de Pêche (APP) sont bien gérées par la Commission européenne, au cours de leurs négociations et leur mise en œuvre. Le rapport est basé sur l'audit de quatre APP : trois APP thoniers dans l'Océan Indien (Madagascar, Mozambique et les Seychelles) et un APP mixte en Afrique de l'Ouest (Mauritanie).

La principale conclusion du rapport est que dans l'ensemble, ces accords sont bien gérées mais il y a des améliorations possibles, tant en ce qui concerne la mise en œuvre que le processus de négociations. La Commission a accepté toutes les recommandations formulées par le rapport, précisant cependant que certains efforts sont déjà faits pour améliorer les APP.

En général, CAPE estime que les conclusions tirées par le rapport de la Cour doivent être approfondies et élargies, puisqu'elles ne reposent que sur quatre accords et surtout ne reflètent que les préoccupations des armateurs de l'UE. Peu d'attention est donnée par la Cour à la société civile et aux besoins et intérêts des communautés de pêche des pays tiers.

Dès lors, CAPE a publié des commentaires et des recommandations, basés sur le rapport de la Cour, sur comment la gestion des Accords de Partenariat de Pêche durables (APPD) peut être améliorée pour contribuer à l’établissement de la pêche durable dans les pays tiers. CAPE veut aussi rappeler qu'il existe d'autres types d'arrangements permettant l’accès de flottes étrangères aux eaux de pays tiers, tels que des accords privés, affrètement, sociétés mixtes, qui ont une incidence importante sur les communautés côtières de ces pays tiers, sur les écosystèmes côtiers et les économies locales. La transparence et la durabilité doivent aussi s’appliquer à ces arrangements.

Enjeux du nouveau protocole d'Accord de pêche UE-Mauritanie: petits pélagiques, prises accessoires et appui sectoriel

Le 22 Mars dernier, la Commission de la Pêche du Parlement européen a débattu du nouveau protocole d'accord de pêche entre la Mauritanie et l'UE. Si la plupart des parlementaires, comme le rapporteur, Mr Mato, ont une appréciation positive de la proposition de protocole, la question de l’absence d’un cadre de gestion régional pour les ressources partagées de petits pélagiques a été soulevée par Mme Rodust, qui a demandé que l’UE s’engage à promouvoir une telle gestion régionale.

CAPE partage entièrement ce point de vue. Notre plus grande préoccupation concernant les petits pélagiques reste le fait qu’un accès soit alloué aux flottes étrangères, notamment celles de l’UE et de la Russie, en l’absence d’un nécessaire cadre régional de gestion pour ces espèces partagées entre, essentiellement, le Maroc, la Mauritanie et le Sénégal. Comment peut-on identifier un surplus, - base pour la signature d'un accord de partenariat de pêche-, en l’absence de cette gestion régionale ?

La Convention sur les Conditions Minimales d’Accès, ratifiée par les Etats Membres de la Commission sous régionale des Pêches d’Afrique de l’Ouest (CSRP), - dont la Mauritanie-, appelle à cette gestion concertée des petits pélagiques dans la région. Cet appel est aussi lancé par la société civile et les organisations de pêche artisanale, étant donné l'importance stratégique de ces ressources pour la sécurité alimentaire de toute la région. Il y a là une urgence, vu le contexte global de pleine exploitation, voire de surexploitation de la sardinelle ronde.

Nous demandons donc à l’UE de faire tous les efforts possibles pour promouvoir cette gestion régionale, notamment par le dialogue existant au niveau des APPD avec les pays concernés : Mauritanie, Maroc, Sénégal

CAPE a publié d'autres commentaires sur la mise en œuvre de l’accord UE- Mauritanie, concernant:

- L’ Engagement de transparence

L’article 1 du nouveau Protocole stipule que ‘la Mauritanie s’engage à rendre public tout accord public ou privé autorisant l’accès à sa ZEE par des navires étrangers’.  C'est une grande avancée qui est reconnue par le rapporteur, Mr Mato. Nous espérons que la Mauritanie publiera bientôt l'ensemble de ces accords, car la transparence est un aspect fondamental de la mise en œuvre de l’accord, qui sera examinée lors de la première Commission mixte de l'accord qui se réunira sans doute en Mai.

- L’Accès aux ressources: prises accessoires de poulpes

L’état des ressources de poulpe reste préoccupant. Ainsi, le document de Stratégie de Développement pour le secteur de la pêche 2015-2019 de la Mauritanie insiste sur le fait que, ‘malgré un redressement observé récemment, l’état des stocks du poulpe est toujours préoccupant avec des niveaux de surexploitation estimés à 17%’. Dans ce contexte, il est positif qu'il n'y ait pas d'accès direct des flottes européennes à cette ressource si importante pour la pêche artisanale locale.

Néanmoins, s’il n’y a pas d’accès au poulpe en tant qu’espèce ‘cible’, le poulpe reste une des espèces pêchées comme prises accessoires: les crevettiers européens peuvent conserver à bord 8% de prises accessoires de céphalopodes, composés essentiellement de poulpe.

De plus, le rapporteur souligne que la Mauritanie se serait engagée à envisager, lors de la Commission mixte, l’attribution de nouvelles possibilités de pêche pour des chalutiers congélateurs de pêche démersales, qui incluraient là aussi des prises accessoires de poulpes.

L'impact des volumes cumulés de ces prises accessoires sur l'état du stock doit être pris en compte, et aucune nouvelle possibilité de pêche ne devrait être octroyée si cela signifie un impact négatif sur les stocks non-ciblés, comme le poulpe.

Le problème des prises accessoires est aussi présent dans la pêcherie de petits pélagiques. Pour les super chalutiers pélagiques, le Comité scientifique conjoint de 2013 a émis l’hypothèse de possibles sous-déclarations de captures accessoires, ‘compte tenu de la pratique du chalutage pélagique qui a pour effet général un taux élevé de captures accessoires et de la diversité des espèces rencontrées (plus de 100 espèces)’. L’Atlas maritime des zones vulnérables en Mauritanie de l’Institut Mauritanien de Recherches Océanographiques et des Pêches (IMROP) précise que, pour la pêcherie de petits pélagiques, ‘tandis que les captures des espèces cibles sont bien réglementées, la pêche accessoire pose un problème majeur. Des efforts de sélectivité sont donc à faire pour diminuer les taux de prises accessoires et les rejets des chalutiers, notamment en introduisant, à travers la mise en œuvre de l’accord 2015-2019, l’utilisation de dispositifs de sélectivité.

 L’ Appui sectoriel

Au cours des derniers protocoles, le montant de l’appui sectoriel a substantiellement diminué, passant de 16 millions d’euros par an (2008-2012) à 3 millions par an (2012-2014). Il sera dans le nouveau protocole 2015-2019 de 4 millions d’euros par an.

Jusqu’à présent, l’utilisation de l’appui sectoriel est très insatisfaisante pour les deux parties: les fonds ont surtout servi à couvrir des dépenses de fonctionnement, plutôt que des infrastructures, indispensables pour le développement du secteur. La question de la transparence relative à l’utilisation de l’appui sectoriel a aussi été posée à de nombreuses reprises.

Pour pallier à ces déficiences, dans le nouveau protocole, il est prévu que l’appui sectoriel sera géré par une Cellule d’exécution qui coordonnera la mise en œuvre avec les bénéficiaires des projets choisis. Un rapport en fin de projet sera publié, qui examinera les impacts sur les ressources, l’emploi les investissements. Un atelier annuel avec les bénéficiaires pour présenter l’état d’avancement.

Cette approche mérite d'être rappelée et sa mise en oeuvre rapide doit être encouragée, afin d'améliorer l'utilisation des fonds de l'appui sectoriel au bénéfice du développement de pêcheries durables en Mauritanie

 

'Voix de la Pêche artisanale africaine': la parole à ceux qui pêchent pour vivre

Du Sénégal au Togo, en passant par la Guinée-Bissau, la Mauritanie, la Tunisie et le Ghana, travailler dans la pêche artisanale maritime, c’est, au quotidien, vivre le même attachement à la mer et faire face aux mêmes défis.
Entre Septembre 2014 et Novembre 2015, le Réseau des Journalistes pour une Pêche Responsable et durable en Afrique de l’Ouest (REJOPRAO), en collaboration avec la Confédération Africaine des Organisations Professionnelles de Pêche Artisanale (CAOPA), est allé à la rencontre des acteurs de la pêche artisanale dans ces six pays.
A chaque étape, nous avons multiplié les visites de sites, les échanges en groupe, les entretiens individuels et la recherche documentaire. L’objectif étant clairement de comprendre et de décrire avec honnêteté les situations dans lesquelles les acteurs de la pêche artisanale exercent leur activité et les défis auxquels ils font face. Pour montrer qu’au-delà des statistiques, généralement peu fiables, relayées un peu partout, la pêche artisanale africaine, c’est avant tout des hommes et des femmes qui demandent à se faire entendre.
Construit autour d’une série de six reportages de terrain, ce rapport leur donne la parole. Ces
femmes et ces hommes disent leurs craintes et leurs espoirs pour l’avenir de leur métier. Nous apportons une part de vérité sur la pêche artisanale. En aucun cas nous ne prétendons que ce rapport est une description complète des situations dans les pays visités.
Notre gratitude va à tous ceux et celles qui ont contribué de différentes manières à la production de ce rapport.

Pour le Rejoprao
Inoussa Maiga
Président

Ce rapport a été produit avec l'appui de SSNC et de CAPE

Téléchargez Voix de la Pêche artisanale africaine

'Le public a le droit de savoir combien on paie, combien on pêche, comment et par qui'

Cette interview de Isabella Lovin, Ministre suédoise de la Coopération internationale, réalisée par Jedna Deida, a été publiée sur Mauriweb Info http://mauriweb.info/node/1549

Vous venez juste de terminer une visite en Mauritanie. Vous avez rencontré les hautes autorités mauritaniennes. Pouvez-vous nous dire ce qui a été examiné afin d'améliorer la coopération entre la Suède et la Mauritanie?

Oui, j'ai visité la Mauritanie pour assister à la Conférence du FiTI, où j'ai été invitée comme oratrice principale, en raison de mon engagement de longue date pour une pêche durable. Bien sûr, j'ai également rencontré des membres du gouvernement et le Président, discutant des relations entre la Suède et la Mauritanie. Nous avons un intérêt commun pour une pêche durable, et nous avons également discuté plus largement sur le développement durable, l'importance de la lutte contre la corruption et l'importance de la transparence ainsi que la liberté de la presse.

 Vous avec participé à la Conférence FiTi à Nouakchott. Que pensez-vous de cette Conférence et que peut-on attendre de tous les partenaires en matière de pêche pour améliorer les résultats du FiTi?

 Je pense qu'il est excellent que la Mauritanie prenne les devants dans cette initiative pour la transparence dans la pêche, où d’autres importants pays comme l'Indonésie et le Sénégal ont aussi adhéré. Ce qui maintenant doit être développé, ce sont les normes techniques du FiTI et j'attends de la nécessaire transparence dans au moins trois domaines : sur les paiements effectués, sur les captures et sur les accords dans le domaine de la pêche. Le public a le droit de savoir combien on paie, combien on pêche, comment et par qui. 

 Quels seraient les avantages concrets de la transparence dans les pêches africaines en ce qui concerne les activités de la pêche industrielle dans nos eaux?

 C’est très important pour deux raisons ; tout d'abord pour lutter contre la corruption. En publiant tous les accords permettant l’accès à la pêche, les termes des accords, les numéros OMI des bateaux impliqués, la société civile et des médias libres peuvent demander des comptes aux décideurs responsables. Deuxièmement, il est essentiel de préserver les ressources marines. Une transparence totale sur les prises est nécessaire pour faire des évaluations de stocks, et c’est aussi important pour les populations locales et les pêcheurs locaux qui devraient avoir un accès prioritaire aux poissons. C’est seulement s’il y a un excédent qui ne peut pas être pêché par les pêcheurs locaux, que la pêche peut être autorisée pour les flottes étrangères.

Pensez-vous qu'une initiative comme la FiTI répondra à nos attentes? 

 Cela dépendra de tous les intervenants qui participent. Il est trop tôt pour le dire.

Qu’est-ce qui est nécessaire pour s'assurer que cela ne devienne pas simplement un exercice de « blanchiment» pour les gouvernements africains, afin d’attirer davantage d'investissements étrangers sans changer les comportements opaques ?

 Ce qui est nécessaire, c’est le véritable engagement par les gouvernements et la pleine participation des acteurs de la société civile et les organisations extérieures. Il est également important de garder à l'esprit que les gouvernements gagnent à adopter la transparence et la durabilité- pour l'UE, c'est une condition pour les accords de pêche : l’UE négocie uniquement pour avoir accès au surplus de poissons, ce qui ne peut pas être pêché par les populations locales. Ensuite, les pays devront publier tous leurs accords, s'ils veulent un accord de pêche avec l'UE. C'est ce qui a changé avec la nouvelle politique de pêche commune de l’UE.

Vous avez été une des combattantes les plus impliquées, au niveau de l’UE, pour défendre la pêche responsable et durable sur les côtes africaines. Maintenant, en tant que Ministre suédoise de la coopération internationale, qu’est ce qui peut être promu pour aider les pêcheurs en Afrique?

 La Suède est engagée de plusieurs façons pour soutenir la recherche sur les pêches et le renforcement des capacités en Afrique. Nous voyons que la pêche est une source de revenus importante pour des millions de personnes et aussi une source importante de protéines - il faut éviter que tout soit détruit par la surpêche. C'est pourquoi nous incluons maintenant une gestion durable des pêches dans notre stratégie de coopération régionale pour l'Afrique. 

 

Renforcer les Droits Politiques dans la Peche: L'importance des Directives de Bali

Beaucoup de problèmes dans la pêche sont de nature politique. Comme pour toutes les ressources naturelles, l'exploitation et le commerce équitable et durable du poisson dépend dans une large mesure de l'existence de droits civils et politiques, et pas juste de l’existence de droits de propriété, comme certains le croient. Les droits politiques assurent que les citoyens ont accès à l'information, qu’ils peuvent participer à l’élaboration des lois et des politiques et qu’il existe un état de droit qui fait que les puissants ont des comptes à rendre, et qui protège les plus faibles des abus et discriminations. L’exercice de ces droits politiques par le citoyen crée la responsabilité démocratique, qui doit être exercée à l’échelle des états et, de plus en plus, au niveau international.

Il ne fait aucun doute que les organisations travaillant dans le domaine de la pêche estiment ces droits essentiels. Pourtant, un grand nombre d’efforts de réforme des politiques dans la pêche et d’avis de ces organisations oublient cet aspect, ce qui conduit dans certains cas à avancer dans la mauvaise direction, en prônant le transfert de pouvoirs et de compétences à des organisations non représentatives, et qui n’ont pas d’obligation de rendre des comptes: la nécessité de renforcer le contrôle démocratique a été éclipsée par d'autres priorités et idées. Ce qui est inquiétant, c’est que bon nombre des principales organisations travaillant dans la pêche font la promotion de telles politiques, qui sont dangereuses dans la mesure où les droits civils et politiques en sont absents ou faiblement défendus.

Considérons, par exemple, l'appel croissant, au niveau international, pour renforcer l'application de la loi nationale et internationale afin de lutter contre la pêche INN. Cela peut conduire à des violations des droits de l'homme et à des manipulations par des élites politiques ou des compagnies dans les pays et régions où l'état de droit est faible et il y a des niveaux élevés de corruption. Les acteurs non étatiques, y compris des mercenaires, sont également aujourd’hui habilités pour fournir des services privés pour faire la police dans les pêcheries, ce qui pourrait diminuer la transparence et la responsabilité plus loin. Des dangers semblables peuvent être soulevées par rapport à l' approche axée sur la richesse qui est promue par des experts pour les réformes dans le secteur de la pêche, ainsi que les efforts connexes par les principales ONG environnementales internationales pour accroître l'investissement privé et les droits de propriété de pêche aux fins de conservation marine dans les pays en développement. Une grande partie des inquiétudes vis-à-vis de ces politiques, c’est le fait que le pouvoir et les responsabilités sont retirés aux citoyens locaux – des réformes bien intentionnées peuvent être dangereuses quand les droits politiques et civiques sont absents ou faiblement défendus.

Dans ce contexte, il est important de donner plus de visibilité et d’appui aux initiatives qui visent à renforcer les droits politiques dans le secteur de la pêche. Des efforts conséquents dans ce sens ont été accomplis dans le cadre de deux récentes Directives internationales préparés par la FAO – les Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts et les Directives volontaires visant à assurer la durabilité de la pêche artisanale dans le contexte de la sécurité alimentaire et de l'éradication de la pauvreté. Ce sont les textes, nous l’espérons, vont gagner en importance dans les efforts pour protéger l'environnement et les communautés de pêche marginalisées des abus de pouvoir par certaines élites politiques et entreprises.

Toutefois, un autre accord international, qui vise les mêmes objectifs, reste largement méconnu des organisations travaillant dans le secteur des pêches: les Directives de Bali, finalisées en 2010. Elles ont été développées afin d'étendre les principes de la Convention d'Aarhus de l'Europe à d'autres pays non-signataires de cette Convention. Les Directives de Bali donnent des détails sur les questions de droits politiques telles qu’abordées dans les autres Directives de la FAO, et pourraient dès lors être un complément utile pour les débats politiques et le plaidoyer dans la pêche.

Les directives de Bali : qu’est-ce que c’est?

L'histoire des Directives de Bali remonte au sommet de la Terre tenu à Rio en 1992, où plus de 170 gouvernements souscrivent à une déclaration sur l'environnement et le développement. Le Principe 10 de cette déclaration est depuis lors devenu un point critique pour les campagnes sur la justice et la responsabilité en matière d'environnement:

"La meilleure façon de traiter les questions d’environnement est d’assurer la participation de tous les citoyens concernés, au niveau qui convient. Au niveau national, chaque individu doit avoir dûment accès aux informations relatives à l’environnement que détiennent les autorités publiques, y compris aux informations relatives aux substances et activités dangereuses dans leurs collectivités, et avoir la possibilité de participer aux processus de prise de décision. Les États doivent faciliter et encourager la sensibilisation et la participation du public en mettant les informations à la disposition de celui-ci. Un accès effectif à des actions judiciaires et administratives, notamment des réparations et des recours, doit être assuré. "

Au milieu des années 90, un certain nombre de pays européens ont rédigé un texte législatif pour fournir un cadre juridique à la mise en œuvre de ce principe. Il a été finalisé en 1998 dans la ville danoise d'Aarhus et a été appelé par la suite la Convention d'Aarhus. Son nom complet est la Convention sur l'accès à l'Information, la Participation du Public au processus décisionnel et l'accès à la Justice en matière d'Environnement.

Il y a maintenant 47 Parties à la Convention d’Aarhus, y compris tous les pays européens, l'Union européenne et plusieurs pays d'Asie centrale. La Suisse a été le dernier pays européen majeur à devenir partie, par la ratification de la Convention en 2014. Bien qu'elle soit principalement une Convention européenne, elle a été établie comme étant ouverte à d’autres pays. La Convention d'Aarhus a trois piliers, qui peuvent se résumer brièvement comme suit:

  • Sur l'accès à l'information:

La Convention d'Aarhus prévoit des règles strictes pour fournir aux citoyens des informations liées à l'environnement. Elle traite de l'accès à l'information comme étant un droit et contient un cadre juridique établissant les raisons légitimes pour lesquelles les pouvoirs publics peuvent refuser de rendre une information publique. Toutefois, la Convention explique que les motifs pour refuser de communiquer les informations devraient être traités de manière restrictive; seulement dans des cas exceptionnels les gouvernements peuvent garder une information confidentielle. Cette approche est guidée par la clause de l’« intérêt public » – les informations devraient être communiquées au public lorsqu'il y a un intérêt public évident à cette fin. Des délais doivent également être prévus lorsque les pouvoirs publics répondent aux demandes d’informations. La Convention stipule aussi que toute personne qui demande des informations n'a pas à justifier pourquoi elle le fait. La Convention décrit également les responsabilités des gouvernements pour établir des systèmes de compilation régulière des informations, de publication des informations sur les activités qui influencent l'environnement. Les états doivent également s'assurer qu’il y ait des ressources suffisantes permettant de rassembler et de diffuser cette information.

  • Sur l'accès à la prise de décision:

La Convention d'Aarhus donne des indications sur la responsabilité des États pour assurer une participation précoce et active des citoyens dans les processus décisionnels. Elle prévoit des règles pour assurer que le public soit informé à temps des décisions influençant l'environnement afin que leur contribution puisse être donnée avant que les décisions finales soient prises. Les Citoyens devraient également être autorisés à se livrer à l'examen des lois qui touchent l'environnement et à contribuer au développement de nouvelles lois.

  • Sur l'accès à la justice:

Le troisième pilier de la Convention oblige les États à faire en sorte que les citoyens aient accès à un tribunal ou à un autre organe indépendant et impartial permettant de contester des décisions du gouvernement et de demander justice, y compris en ce qui concerne l'accès à l'information et la participation au processus décisionnel. Elle décrit plus loin l'importance de garantir un accès aussi facile que possible aux tribunaux. La Convention prévoit également la responsabilité des gouvernements afin d'assurer des formations et le renforcement des capacités de l'appareil judiciaire dans les matières relatives à l'environnement.

Un Comité de conformité de la Convention d'Aarhus a été créé en 2002 pour fournir des conseils aux Parties concernant sa mise en œuvre, et faire des recommandations concernant les plaintes soumises par les autres parties et les membres du public pour des cas de non-conformité.

Un aspect quelque peu négligé de la Convention, c’est que les Parties s'engagent à promouvoir les principes de la Convention dans leurs relations avec d'autres pays. C'est quelque chose à considérer lorsque les pays européens accordent une aide au développement pour la pêche ou signent des accords commerciaux ou accords de pêche avec les pays tiers.

Sur base de la Convention d’Aarhus, le PNUE a mis au point des directives pour aider les Etats non-signataires à adopter une législation similaire. Cela a conduit aux Directives pour l'élaboration d'une législation nationale sur l'accès à l'information, la participation du public et l'accès à la justice en matière d'environnement, officiellement adoptées par le Conseil d'administration du PNUE à Bali en 2010.

Le PNUE, en partenariat avec d'autres organisations, a entrepris plusieurs activités visant à promouvoir ces Directives: rencontres de haut niveau, recherche, sensibilisation, programmes de renforcement des capacités. Un récent rapport de tous ces efforts met en évidence un certain nombre de changements positifs, en particulier en Amérique du Sud, ainsi que dans certains pays d'Asie et d'Afrique. Peut-être un des signes les plus prometteurs est venu en 2012 quand 19 pays d'Amérique du Sud et des Caraïbes ont signé une déclaration commune sur leur intention de mettre en œuvre le Principe 10 de la déclaration de Rio. Nous espérons que cet engagement conduise à un instrument juridique régional en Amérique du Sud et dans les Caraïbes similaire à la Convention d'Aarhus.

Pourquoi les Directives de Bali sont importantes pour la pêche?

Jusqu'à présent les efforts faits pour promouvoir et appliquer les directives de Bali n'ont que peu impliqué les communautés de pêcheurs et organisations travaillant dans la pêche, et ces Directives, ainsi la Convention d'Aarhus sont méconnues dans ce secteur. Cependant, la Convention d'Aarhus est bel et bien applicable au secteur de la pêche: CAPE a d’ailleurs utilisé la Convention d'Aarhus pour convaincre la Commission européenne de publier des évaluations précédemment confidentielles sur des accords de pêche de l'Union européenne en 2011.

Ceux qui participent au plaidoyer pour l'amélioration de la gouvernance des pêches devraient faire davantage pour mieux comprendre et utiliser les Directives de Bali. L'une des raisons, c’est que le secteur de la pêche peut être victime de son repli sur soi – il est rare de voir des alliances entre la pêche et des campagnes et luttes semblables dans d’autres secteurs – les Directives volontaires de la FAO sur le régime foncier était une exception bienvenue, car elle fait le lien entre agriculture, pêche et sylviculture, en soulignant que les problèmes fonciers et d’occupation territoriale sont communs à ces trois secteurs. Mais ce n'est pas le cas en général, et la pêche est souvent abordée de façon isolée, maladroitement coincée entre les questions relatives au commerce, à l'agriculture ou à l'environnement. Collaborer avec les organisations qui travaillent sur les Directives de Bali permettrait de garantir que les pêches et les écosystèmes marins soient pris en compte dans les travaux visant à mettre en place des législations nationales et régionales similaires à ce qui a été fait grâce à la Convention d'Aarhus. Une telle collaboration pourrait aider à renforcer les réseaux entre les groupes de la société civile travaillant dans différents secteurs, sur des réformes législatives qui s'appliqueraient à tous les secteurs visant l’exploitation de ressources naturelles.

Toutefois, la raison la plus importante pour s’intéresser aux Directives de Bali est que celles-ci sont plus détaillées et plus complètes que beaucoup d'autres initiatives et accords dans le domaine de la pêche, qui font référence à la nécessité d'accéder aux informations (ou à la transparence), à l'importance de la participation du public et à la nécessité d'un accès à la justice, mais qui restent vagues sur la façon dont ces droits sont interprétés et peuvent être transposés dans la législation.

Les Directives de Bali s'inspirent sur la Convention d'Aarhus, qui non seulement donne des détails assez complets dans son texte sur la mise en œuvre et l'interprétation des droits politiques, mais a aussi généré une jurisprudence abondante et développé des organes forts pour soutenir et mettre en œuvre la Convention.

Par exemple, les deux directives de la FAO qui parlent de la nécessité de transparence dans la pêche fournissent peu d'indications sur la façon dont les administrations doivent interpréter la question de la confidentialité et dans quelles circonstances les citoyens ont le droit d'interjeter appel. Ces directives de la FAO sont également vagues sur les règles et procédures nécessaires à la réalisation de l'accès à l'information, et ne contiennent pas de détails précisant comment l'accès à la justice doit fonctionner dans la pratique. Ces questions sont précisées dans les Directives de Bali.

De même, d’autres accords internationaux ou stratégies de réforme en matière de pêche sont très superficiels sur la question des droits politiques. Le Plan d'Action International visant à Prévenir, à Contrecarrer et à Éliminer la Pêche Illicite, Non déclarée et Non réglementée de 2001 fait référence à la nécessité pour les États d’améliorer le partage de l'information, mais rappelle aussi la nécessité de respecter la confidentialité. Elle n'explique pas comment les États doivent interpréter cela...

Un langage similaire est utilisé dans la stratégie panafricaine de réforme des pêches et de l'aquaculture de 2014, où le manque de transparence est mis en évidence comme étant un problème dans les pêches africaines, la recommandation étant que les États africains doivent améliorer le partage de l’information tout en respectant les règles existantes sur la confidentialité de cette information. Cette formulation ambiguë laisse beaucoup trop de place à interprétation et ne contribue guère à mettre en place des réformes allant dans le sens d’une plus grande démocratie.

 Il y a également d’autres exemples, dans le domaine de la pêche, d’initiatives qui échouent à lier des réformes sur le partage de l'information ou la participation citoyenne avec la mise en place d’institutions efficaces pour l'accès à la justice – or, sans accès à la justice, les autres droits politiques sont faibles. Il s'agit là d'une faiblesse potentielle des initiatives pour la transparence, telles que l'Initiative de Transparence de l'Industrie de la Pêche (FiTI).

Il est bon que les gouvernements et les entreprises discutent de la nécessité de publier plus d'informations sur la pêche, mais les effets sur l’amélioration de la durabilité et de l’équité de l’exploitation et du commerce du poisson resteront négligeables si les citoyens ne disposent pas d'une protection juridique, ou des moyens de contribuer et de contester les décisions politiques prises. En effet, un aspect central de la Convention d'Arhus, qui est clairement repris dans les Directives de Bali, c’est la nature interdépendante des droits politiques – le droit d’accès à l'information est dénué de sens si les citoyens n'ont pas de droits d’accès à la prise de décision et l’effectivité de ces deux droits dépend de l'accès à la justice.

Il nous manque donc un cadre solide pour faire avancer les droits politiques dans le domaine de la pêche, si nous nous limitons aux accords et initiatives existants. Les Directives de Bali, en conjonction avec la jurisprudence de la Convention d'Aarhus, offrent une solution par les détails qu’elles donnent pour la mise en œuvre des droits politiques, d’une manière qui reconnaît l’interdépendance de ces droits politiques. Les Directives de Bali devraient également devenir un point de référence pour évaluer la force des initiatives existantes dans le domaine de la pêche, qui visent notamment à renforcer la transparence, et un point focal pour les activités de plaidoyer visant à promouvoir des réformes législatives pour une exploitation et un commerce durable et équitable des ressources halieutiques.

La Convention sur les Conditions Minimales d'Accès: un outil pour la gestion concertée des ressources en Afrique de l'Ouest

Interview avec Mme Diénaba Bèye Traoré, Chef de Département Harmonisation des Politiques et Législations des Pêches de la Commission Sous Régionale des Pêches d’Afrique de l’Ouest (CSRP).

 

La gestion des stocks partagés, en particulier les petits pélagiques, est-elle un enjeu important pour la CSRP?

La CSRP est une organisation inter-gouvernementale qui regroupe sept Etats membres: le Cabo Verde, la Gambie, la Guinée, la Guinée Bissau, la Mauritanie, le Sénégal et la Sierra Leone, et trois Etats associés: le Maroc, le Liberia et le Ghana. La production halieutique annuelle dans la zone couverte par la CSRP dépasse 1.7 million de tonnes de poisson, pour une valeur estimée à 1.5 milliards de dollars US par an. Près de 77% de ces débarquements sont composés de petits pélagiques, qui sont non seulement la clé de voûte du commerce de poissons en Afrique de l’Ouest, - on estime qu’un million de tonnes par an sont commercialisées dans la région-, mais représentent aussi, en moyenne, 26% des apports en protéines animales des populations de la région. Ces stocks sont stratégiques pour la région, et la CSRP se préoccupe de promouvoir leur gestion durable.

Cet aspect a également été abordé dans l’avis du Tribunal International du Droit de la Mer (TIDM) suite aux questions de la CSRP concernant les responsabilités des Etats dans la lutte contre la pêche INN et dans la gestion durable des stocks partagés…

L’avis du TIDM réaffirme que l’Etat côtier est le premier responsable en cas de pêche INN dans sa ZEE. C’est à l’Etat côtier de prendre les mesures nécessaires en vue de prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche INN, y compris l’arraisonnement, l’inspection, la saisie et l’introduction d’instance judiciaire. Il incombe aussi à l’Etat côtier de signaler à l’Etat du pavillon lorsque son contrôle sur un de ses navires n’a pas été exercé de manière appropriée.

Concernant les stocks partagés, l’avis du TIDM réaffirme également que les Etats Membres de la CSRP ont l’obligation de coopérer afin de prendre les mesures appropriées de conservation et de gestion pour éviter que le stock partagé ne soit compromis par une surexploitation.

Il faut souligner que les Etats de la CSRP sont liés par la Convention sur les Conditions Minimales d’Accès[1] (CCMA) La CCMA demande notamment (Article 9 al.2) que ‘Les Etats membres privilégient la mise en place de plans d’aménagement concertés pour les stocks partagés’. A travers cette Convention, les Etats membres de la CSRP s’engagent également à ce que les mesures de conservation et de gestion se fondent sur les données scientifiques les plus fiables dont ils disposent, et, si ces données sont insuffisantes, à appliquer le principe de précaution. Ces principes valent aussi pour la négociation et la signature d’accords de pêche.

Quel est le problème principal rencontré par rapport aux accords de pêche signés par les pays de la région?

Je dirais que l'insuffisance de concertation dans les négociations des accords de pêche est un problème majeur. Chaque Etat privilégie sa souveraineté sur l'espace maritime national, au détriment de la concertation avec ses voisins.

Ensuite, si on regarde l’article 3 de la Convention sur les Conditions minimales d’Accès de la CSRP, il y est dit que l’accès des flottes étrangères au surplus doit se faire après avis des institutions de recherche de l’Etat concerné. Or, ces centres de recherche, qui sont censés convaincre les Etats de la nécessité de coopérer, ne sont pas bien outillés en infrastructures: inexistence ou insuffisance de navires de recherche opérationnels, pas ou peu de laboratoires, conditions de travail très difficiles pour les chercheurs...

En outre, la CCMA stipule que l'embarquement d'observateur et de marins nationaux est obligatoire à bord des navires pêchant des stocks partagés. Mais là aussi, les Etats font face à des difficultés d'embarquement de ces deux catégories de professionnels car les bateaux ne viennent pas au port dans chacun des pays. La CCMA privilégie en conséquence la négociation d’accords groupés, ce qui pourrait permettre d’éviter ce problème, en mettant à bord un observateur et des marins ayant un statut régional. Une révision de la CCMA est d’ailleurs envisagée pour prévoir la possibilité de négocier et signer des accords de pêche groupés.

La CCMA promeut l’harmonisation des mesures de gestion entre les Etats membres de la CSRP. Quel travail fait la CSRP dans ce cadre?

Au niveau de la zone de la CSRP, les législations nationales doivent être harmonisées en lien avec la CCMA sur une série d’éléments: embarquement obligatoires d’observateurs et de marins de la région, gestion de la pêche artisanale (caractérisation, obligation d'autorisation de pêche et d’immatriculation des pirogues, etc). Cette harmonisation est importante également en ce qui concerne la mise en œuvre des Mesures du ressort de l'Etat du Port pour la lutte contre la pêche INN: il faut harmoniser la nomenclature des infractions dans les États membres en établissant la liste des infractions devant être considérées comme graves dans la sous-région. Actuellement, la CSRP conduit une étude pour comparer les législations nationales par rapport à la CCMA. En outre, deux projets de protocoles sont en cours de préparation, portant respectivement sur la protection des communautés de pêcheurs artisans et sur les Aires Marines Protégées.

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[1] http://spcsrp.org/medias/csrp/documents/csrp2012/csrp-CMA_version_originale_juin_2012_fr.pdf

Une Banque Suisse Et Les Millions d’une Compagnie De Peche Thoniere Au Mozambique

En 2013, au Mozambique, une compagnie de pêche thonière a reçu 850 millions de dollars d’investissements afin d'acheter 24 bateaux de pêche et 6 bateaux de patrouille. Il s'agit d'un investissement énorme pour une seule entreprise de pêche - de loin le plus gros investissement du continent.

Les premiers communiqués de presse par les représentants du gouvernement et de la société ont annoncé que la compagnie allait faire au moins 200 millions de dollars de bénéfices chaque année, tout en offrant des milliers d'emplois et du poisson de haute qualité pour les marchés locaux. Deux ans plus tard, la situation est alarmante – l'entreprise fonctionne à perte, et l'État doit payer pour ses mauvaises créances. Il y a de nombreuses inquiétudes sur la façon dont les 850 millions ont été effectivement dépensés, en particulier sur les navires de patrouille achetés avec cet argent, armés de canons et de mitrailleuses, ainsi que sur l'impact écologique de cette nouvelle société de pêche. Certains bailleurs de fonds internationaux travaillant au Mozambique ont menacé de mettre fin à toute aide au pays vu la corruption potentielle qui entoure cette affaire, mais d’autres, comme la Banque mondiale et NORAD, ont continué à donner des millions de dollars d'aide supplémentaire au Mozambique pour améliorer les capacités de gestion des pêches.


En 2014, le Crédit Suisse et le WWF-Suisse ont publié un rapport sur la nécessité d'attirer des investissements accrus dans la conservation de l'océan, en particulier dans les pays en développement. C'est un exemple de la façon dont plusieurs ONG environnementales internationales ont fait campagne auprès des banques pour l'accroissement des investissements privés dans les pêcheries. Le rapport a également fait écho d’autres documents politiques produits par la Banque mondiale, sur la nécessité d'adopter une approche basée sur la richesse : les gouvernements africains doivent se concentrer sur la maximisation des rentes de la pêche, ce qui pourrait débloquer des milliards de dollars de bénéfices. D'aucuns ont fait valoir que cet avis est basé sur les statistiques erronées et ne tient pas compte du fait que le secteur le plus important pour les moyens de subsistance et la sécurité alimentaire reste la pêche artisanale, pour qui une politique de maximisation de la rente pour l'État représente un danger.

En même temps que le Crédit Suisse travaillait avec le WWF sur cette vision pour des investissements accrus aider pour sauver les pêcheries africaines, la Banque Suisse travaillait également avec le gouvernement du Mozambique pour aider à financer le plus grand investissement dans une société de pêche africaine, "EMATUM". Le Crédit Suisse a accepté d'acheter 500 millions de dollars de dette qu'ils ont ensuite "ré-emballée" pour la vendre à des investisseurs grâce à un système d’Euro bons. Les dividendes offerts aux investisseurs étaient excellents - 8,5 % de bénéfice d'ici à 2020, et les bons étaient assortis d’une garantie du gouvernement du Mozambique. Le Crédit Suisse a vendu les bons en quelques semaines, ce qui a encouragé le gouvernement du Mozambique à approcher la Banque russe VTL pour vendre 350 autres millions de dollars de dette, ce qui porte l'investissement total dans la société EMATUM à 850 millions de dollars. Les bons de VTL se sont vendus en quelques semaines.

La justification du EMATUM

C’est une opinion communément répandue que, que pour profiter pleinement de ses ressources halieutiques, les pays africains doivent développer leurs capacités de pêche et de transformation du poisson. De nombreux États africains vendent simplement des licences à des flottes de pêche lointaine qui "payer, pêchent et partent". La valeur ajoutée est donc estimée minime, d’autant plus qu'il existe des frais considérables (souvent sous-estimés) pour les pays côtiers afin de gérer ces bateaux étrangers, ce qui dans certains cas est couvert par l'aide au développement. Le renforcement des capacités de pêche locales reste une ambition mise en exergue par les ministres africains dans leur stratégie de réforme de la pêche et l'aquaculture, publiée en 2014.

L'argument du développement de la pêche locale commerciale pour le thon a été utilisé pour justifier le financement d’EMATUM. En 2013, l'ancien Ministre des Pêches du Mozambique a expliqué à son Parlement qu’EMATUM reposait sur une étude de faisabilité prudente et qu’il était prévu que l'entreprise génère 200 millions de dollars par an. Cela signifierait qu’EMATUM augmenterait considérablement la valeur ajoutée de la pêche thonière à l'économie, qui était d’à peu près 4 millions de dollars par an provenant de la vente de licences aux entreprises étrangères, dont aucune ne débarque ses prises au Mozambique. EMATUM allait devenir un des plus grandes compagnies thonières mondiales, employant et formant des milliers de citoyens mozambicains et offrant à beaucoup d'autres du thon à un prix abordable. Ainsi que le dit le directeur de EMATUM au journal China Daily Journal en 2014 :

L'année dernière il y avait 130 navires exerçant la pêche dans nos eaux, et un seul du Mozambique. Cela nous a donné une indication de la valeur que pourrait atteindre notre secteur de pêche thonière. Le Mozambique est membre de la Commission des Thons de l'Océan Indien (CTOI), et nous risquions de perdre notre quota de pêche de thon, si nous ne développions pas une industrie durable. Les études de viabilité que nous avions faites indiquaient que nous pourrions gagner environ 200 millions de dollars par an, si nous mettions en place une flotte de 20 navires. Sur cette base, un plan stratégique a été approuvé par le gouvernement en juillet dernier pour établir une flotte nationale thonière. Malgré une côte longue de 2 800 kilomètres et d'énormes ressources marines, nous avons encore des défis du point de vue de la sécurité alimentaire. Alors pourquoi ne pas se lancer dans un projet aussi ambitieux ? Un projet qui nous permettrait non seulement de pêcher, mais aussi de créer une chaîne de valeur du thon, avec un effet multiplicateur sur notre économie. Notre défi est d’amener sur la table des Mozambicains la meilleure qualité au monde de thon, en créant la marque: 'Fait au Mozambique'

EMATUM est une entreprise privée, même si ces trois principaux actionnaires sont tous des organismes gouvernementaux – l'Agence pour l’Intelligence et la Sécurité, la société nationale de pêche du gouvernement, Emopesca, et l'Institut National pour la Gestion des entreprises d’Etat. Les 850 millions de dollars collectés via le Crédit Suisse et VTL devaient servir à acheter 30 navires – 24 bateaux de pêche (21 palangriers et 3 chalutiers) et 6 patrouilleurs. Il n'y a pas eu d’appel d’offres pour la construction des bateaux et le contrat a été octroyé à une entreprise française de Cherbourg.

Environ 300 millions dollars ont été affectés à l'achat des navires, et les 550 millions de dollars restants pour "l’équipement radar, les communications par satellite, les installations terrestres, le transfert de technologie, les droits de licence, la formation, les coûts de gestion et les frais pour le paiement des intérêts sur le prêt pour la première année", a expliqué l'ancien Ministre de la Pêche en 2013.

Le prospectus envoyé aux investisseurs sur EMATUM était très court – il tenait sur 3 pages. Il demeure strictement confidentiel (le Crédit Suisse a refusé de nous en donner une copie). Il n'y a aucune autre information ou analyse disponible dans le domaine public sur cet investissement. S’il y avait quelque doute quant à la capacité d’EMATUM de rembourser cet argent, les investisseurs avaient l'assurance donnée par le gouvernement, un pays qui a fait des découvertes de gaz de mer important. Comme le journal l'Economiste l’a souligné en Novembre 2013, les investisseurs étaient probablement au courant de ce qu’EMATUM était un placement à risques, mais ils "savent qu’il existe des réserves énormes de gaz au large des côtes du Mozambique, qui finiront par rapporter beaucoup de devises étrangères, même si le thon n'en rapporte pas".

Afin de pouvoir émettre de la dette pour financer EMATUM, le gouvernement a du contourner ses propres règles sur l'emprunt. La Loi sur le Budget 2013 au Mozambique fixer la limite maximale de garanties gouvernementales en remboursement de dettes à seulement 6 millions de dollars, et des garde fous sont en place, y compris un organisme de surveillance parlementaire, afin d'approuver les nouvelles dettes publiques. EMATUM a établi pour 850 millions de dollars de dettes garanties par le gouvernement, sans qu’il y ait aucune implication parlementaire. A lui seul, ce deal a fait augmenter la dette totale du pays de près de 60 %, alors que le pays est déjà parmi les plus endettés au monde.

Un investissement voué au naufrage ?

En partant avec une dette de 850millions de dollars, ainsi que des niveaux élevés d'intérêt à payer, il faudrait la compagnie fasse des gains spectaculaires pour rester à flot. Le Ministre de la pêche du Mozambique a rassuré le Parlement fin 2013, expliquant que les "risques fiscaux ont été pris en compte" et qu'il n'y avait aucun risque que l'entreprise fasse défaut pour ses remboursements. Cette déclaration semble négliger les doutes quant à la quantité de thon et d’autres poissons disponibles pour les activités de pêche de cette compagnie, et quant à la capacité pour une nouvelle société n'ayant une expérience ni dans la pêche, ni dans les conserves de poisson, ni dans le commerce avec les marchés étrangers, de faire des bénéfices.

En Mai 2015, la société a publié ses comptes pour les deux années précédentes, montrant qu'elle fonctionnait à perte. En 2014, la perte était de presque 25 millions de dollars. Cela a été expliqué  par le fait que seulement 9 bateaux avaient été fournis en 2014; 15 autres étaient en route, y compris les trois chalutiers qui approvisionneraient les bateaux en appât. Cependant, les activités de pêche avaient aussi rencontré moins de succès que prévu, avec les premières sorties de pêche "expérimentale" se soldant par un coût de 3 millions de dollars pour la compagnie. Il y a également eu le taux de change avec le dollar qui a aggravé les choses. Le Président de la société reste optimiste quant à l'avenir, disant récemment que la compagnie était toujours en bonne voie pour faire un bénéfice annuel de 200 millions de dollars, mais, malheureusement, tout cela sans doute devra servir à rembourser les prêts.

Face à la pression montante des investisseurs, le nouveau gouvernement élu en 2014 a dû prendre davantage de responsabilités pour le remboursement des dettes. Une première action a été de faire absorber 350 millions de dollars par la dette souveraine du gouvernement, montant qui a ensuite été porté à 500 millions de dollars, laissant EMATUM avec une obligation de rembourser seulement 350 millions de dollars. En 2015, le gouvernement a annoncé son intention de restructurer la dette – prolongeant les délais de remboursement- et de négocier un taux d'intérêt inférieur. Suite à cette annonce, la valeur des actions d’EMATUM a dégringolé.

Allégations de corruption?

Si EMATUM nécessite des apports massifs de fonds publics pour être sauvée, elle génère aussi des questions croissantes – pourquoi une compagnie de pêche privée devrait recevoir ces grandes quantités de fonds publics dans un pays qui connaît des niveaux très élevés de sous-développement et de pauvreté? Et si la société produit des bénéfices importants dans une décennie ou deux, cela va-t-il vraiment bénéficier aux citoyens mozambicains, ou surtout aux actionnaires et aux dirigeants de l'entreprise? L'effet multiplicateur n'est peut-être pas très évident, surtout si l'énorme dette causée par EMATUM absorbe des fonds qui auraient pu être utilisés pour combattre la pauvreté de façon plus évidente.

Plusieurs autres aspects de cette affaire ont inquiété les investisseurs et partenaires du Mozambique. Six des bateaux commandés étaient des bateaux de patrouille, destinés à assurer la surveillance et lutter contre la pêche illégale et la piraterie en mer. Les patrouilleurs fournis par une société française sont du type "HSI 32 interceptors", et un rapport de la compagnie indique qu’ils sont fournis avec un canon et deux mitrailleuses. Cela a causé une certaine anxiété concernant EMATUM car certains redoutent que les investisseurs aient sans le savoir financé l’achat d’armement, ce qui donnera à cette compagnie de pêche privée le contrôle de 6 bateaux équipés de matériel militaire, - plus que la capacité totale de la marine nationale du pays.

Mais, peut-être de façon plus significative encore, il y a eu une anxiété considérable concernant l'utilisation des 850 millions de dollars. La publication Africa Confidential a fourni un suivi régulier de cette histoire, et a récemment décrit que l'affaire est bien connue au Mozambique pour avoir canalisé "des centaines de millions de dollars dans les poches des individus près du sommet du parti et l'Etat".

Des politiciens de l'opposition ont décrit EMATUM comme le plus grand scandale financier dans le pays depuis l'indépendance. Des appels ont été lancés pour l'arrestation de l'ancien Président et Ministre des Finances, bien qu’ils soient tous deux protégés d'enquêtes gouvernementales par leur immunité.

La réponse des partenaires et donateurs étrangers

Etrangement, en dépit des grands montants d'aide au développement et d'années de travail pour améliorer la gestion de la pêche au Mozambique, le lancement d’EMATUM a été annoncé dans la presse sans discussion préalable avec les donateurs étrangers.

La plupart des partenaires et donateurs étrangers travaillent ensemble au Mozambique à travers un groupe connu sous le nom de G19. Ils ont publié une déclaration en 2013 disant que s'il y n'avait pas d'amélioration de la transparence concernant EMATUM, ils pourraient retirer tous les fonds d'aide pour le pays. Ceci, pour une courte période, a ressemblé à une confrontation importante entre le gouvernement et les bailleurs de fonds étrangers, qui ont non seulement fait du Mozambique l'un des pays du monde les plus dépendants de l'aide extérieure, mais qui ont aussi fourni plus d'argent pour le développement de la pêche au Mozambique que dans n'importe quel autre pays en Afrique.

De toute évidence, la transparence a fait défaut dans EMATUM, et les problèmes qui lui sont associés se sont aggravés depuis 2013. Alors, comment ont réagi les bailleurs de fonds étrangers ?

En 2014, on a signalé que des engagements d'aide totale par le G19 avaient été réduits, mais pour 2015, il semble que l’aide ait continué et même légèrement augmenté par rapport à 2013. Cependant certains donateurs, dont la Norvège, ont décidé de mettre fin à leur contribution au budget central et ciblent plus d'aides dans les projets. Cela peut avoir été une réaction à l’affaire EMATUM. Mais dans l'ensemble, les menaces des donateurs ont été levées. En fait, la Banque mondiale a récemment approuvé un autre investissement important dans la pêche du Mozambique – un prêt de 37 millions pour aider à améliorer la gestion des pêches. Et, en 2014, la Norvège a donné des fonds supplémentaires de près de 30 millions de dollars pour des projets de pêche, principalement mis en œuvre par le gouvernement, y compris mettant l'accent sur l'arrêt de la pêche illégale, pour lequel nous imaginons que la contribution des six patrouilleurs bien armés de EMATUM sera vitale.

Dans le même temps, le Mozambique a réussi à attirer davantage d'investissements pour étendre la pêche commerciale thonière. En août 2015, une compagnie chinoise a annoncé avoir signé un accord pour construire 9 thoniers en Chine, qui seraient utilisés pour pêcher dans la Province de Nampula au Mozambique. Le gouvernement au Mozambique a aussi annoncé progresser vers un nouvel accord pour l'accès d’au moins 15 thoniers japonais. Pendant ce temps, le Mozambique et l'UE négocient un nouvel accord de partenariat de pêche pour le thon.

La Chine a également annoncé 120 millions de dollars d'investissement pour la modernisation du port de Beira. Le directeur de EMATUM décrit cela comme stratégique pour ses affaires, et décrit la Chine comme un marché clé pour leur thon :

"La Chine a un potentiel énorme pour nous... Si la moitié de la population consommait notre thon, il ne faudrait pas exporter vers les autres marchés. Nous pêchons le thon avec seulement 24 navires, mais nous ne devrions pas arrêter là – il y a une énorme opportunité pour la croissance, donc notre capacité peut augmenter beaucoup »

Avec de telles déclarations, il sera important de voir dans quelle mesure EMATUM reste fidèle à ses objectifs d'approvisionnement des mozambicains en thon de haute qualité.

Défis de durabilité

L'attention du public a été essentiellement tournée vers le montage financier qui entoure EMATUM, et très peu de choses ont été dites sur son impact environnemental – un sujet important pour un pays où la biodiversité marine connaît une baisse inquiétante. Il fut un temps où ses crevettes – pêchées surtout par le biais de sociétés mixtes entre des sociétés de Mozambique et des entreprises étrangères – étaient le principal produit d'exportation du pays, mais cela a diminué considérablement au cours des dix dernières années, en raison de l'incapacité de l'Etat à arrêter la surpêche.

L'impact des activités d’EMATUM sur les ressources halieutiques est difficile à prévoir. Les rapports de la CTOI suggèrent que les thons migrant dans les eaux du Mozambique peuvent être pêchés dans des limites durables, mais la situation dépend dans une large mesure de la capacité de contrôler l'effort de pêche dans la région. L'addition de 24 bateaux de pêche commerciale supplémentaires est un élément important. Mais mettre l'accent uniquement sur le thon peut se révéler trompeur. Les palangriers opérant au Mozambique ont ciblé historiquement bien plus de requins et d’espadons que de thons – par exemple, le thon représente seulement 13% des captures des palangriers de l’UE au Mozambique, les requins et espadons composant la majorité des captures restantes. Il est donc fort probable qu’EMATUM fera de même. En fait, Africa Confidential rapporte que les premiers débarquements effectués par EMATUM étaient dominés par les captures de requins, pas de thons.

Des données scientifiques fiables sur le statut de ces espèces de poissons sont limitées, mais de nombreux témoignages (voir ici pour un exemple de graphique) montrent que les populations de requins au large du Mozambique ont été décimées par la surpêche pour approvisionner les marchés étrangers en ailerons de requin. Si EMATUM participe à ce type d’exploitation des requins considérée comme insoutenable, la compagnie aura à affronter les critiques internationales. Mais réguler l’impact environnemental des bateaux d’EMATUM sera un grand défi : les 6 navires de patrouille d’EMATUM contrôleront ils bien les propres bateaux de la compagnie ? Le gouvernement réglementera t’il l'entreprise efficacement, imposant des amendes et des sanctions, étant donné les intérêts directs de l’Etat dans cette compagnie, qui recherche désespérément une viabilité financière?

Quelles leçons à tirer?

Le cas de EMATUM est remarquable, et les coûts pourraient être élevés, qui devront être payés par les citoyens et les partenaires au développement, tout en ouvrant potentiellement un nouveau chapitre dans le déclin de la biodiversité marine dans la région. Nous pourrions voir la saga EMATUM comme un cas isolé, mais il y a des leçons plus larges à en tirer.

Tout d’abord, EMATUM illustre les risques liés aux politiques des Etats africains de développement d’une capacité de pêche nationale, en particulier pour la pêche au thon. Pour de nombreux États africains, la pêche au thon commerciale, capitalistique, ne produira peut être pas des avantages importants pour l'économie au sens large, en particulier lorsque les coûts de gestion responsable des pêches sont pris en compte, et du fait que la main-d'œuvre employée dans cette pêche est relativement restreinte. Peut-être une plus grande opportunité pour les États côtiers consiste à se concentrer davantage sur le côté du traitement des produits, ce qui peut produire plus de possibilités d'emploi. Le directeur des pêches au Mozambique a mis en évidence ces aspects par le biais de la récente déclaration de Maputo, qui contient plusieurs bonnes propositions sur la façon de mieux gérer la pêche hauturière étrangère dans la région pour augmenter la valeur qui revient aux États côtiers. EMATUM va à l’encontre de telles pensées politiques et tout semble indiquer que cette compagnie a été créée avec un minimum de consultation des experts de pêches.

En second lieu, EMATUM nous fournit un exemple inquiétant de l’approche adoptée pour accroître les investissements dans la pêche en Afrique. CAPE a déjà mis en garde sur la financiarisation de la conservation des ressources halieutiques. EMATUM est un exemple frappant de la façon dont les investissements peuvent être contradictoires avec les objectifs de conservation, y compris de la part d’une banque qui a manifesté un intérêt considérable dans le financement de la conservation des océans. Le Crédit Suisse s’est-il soucié un seul instant de l'impact environnemental et sur le développement lorsqu’il a organisé le financement de EMATUM? Le WWF, qui a un partenariat avec le Crédit Suisse et possède un bureau au Mozambique, serait bien placé pour condamner le rôle du Crédit Suisse et d'autres investisseurs dans cette saga.

Enfin, il y a une leçon fondamentale pour les débats sur les politiques de pêche, ainsi que sur le rôle de l’aide au développement. Le cas d’EMATUM est un recul majeur dans un pays qui a reçu le plus d'aide au développement pour la pêche en Afrique et avait montré des progrès en matière de politique de pêche responsable. Cela met en évidence un problème important de l'aide dans le secteur de la pêche – il y a trop d'attention sur des projets technocratiques et de soutien. L’aide à la pêche continue d'exister dans une bulle déconnectée de considérations plus larges en matière d'économie politique, y compris la question de la corruption, qui reste en grande partie hors de l'ordre du jour des discussions entre partenaires donateurs et gouvernements des États côtiers en Afrique. EMATUM devrait servir d'avertissement que les réformes politiques constituent un élément essentiel pour le développement de la pêche. Les stratégies de réforme des politiques de pêche et de l’aide au développement doivent remédier au manque de transparence, de participation et de supervision de la pêche. En d'autres termes, des réformes politiques destinées à améliorer la responsabilité démocratique sont tout aussi nécessaires comme les réformes technocratiques conçues pour améliorer les connaissances scientifiques ou les bénéfices tirés des ressources halieutiques. 

Progrès avec l'Initiative de Transparence des pêches?

Dans un blog précédent, nous avons rendu compte du lancement du FiTI (Initiative pour la Transparence des pêches). Bien que l'idée d'un « ITIE » pour la pêche soit discutée depuis un certain temps, la demande d’une initiative concrète est venue du gouvernement de la République Islamique de Mauritanie. La Mauritanie finance donc la plateforme pour la gouvernance Humboldt-Viadrina afin de concevoir une telle initiative qui puisse recueillir un soutien international. Le choix de la Humboldt-Viadrina vient du fait qu'un de ses fondateurs, Peter Eigen, a été le président fondateur de l'ITIE et de Transparency International.

La première réunion du groupe consultatif international pour la mise en place de l'Initiative de Transparence des Pêches s'est tenue à Berlin le 24 juillet et a réuni un peu plus de 30 personnes. Il y avait des représentants du gouvernement du Costa Rica, de l’Indonésie, de la Mauritanie et des Seychelles, ainsi que des représentants de la société allemande pour la coopération internationale (GIZ), la Banque mondiale et la Banque africaine de développement. Les représentants du secteur pêche incluaient des représentants des flottes de pêche lointaine européenne (Cepesca, PFA) et de la pêche artisanale africaine (CAOPA). La société civile comprenait des représentants de Pain pour le Monde, ICSF, Greenpeace, Oceana, WWF, EJF et CAPE. Malheureusement, aucun représentants des gouvernements de pays de pêche lointaine, comme l'UE, la Russie ou la Chine, n'ont assisté à cette première rencontre.

Le FiTI est une initiative multipartite qui s'inspire, dans sa conception, de l'ITIE. Le FiTI sera une initiative mondiale, mise en oeuvre dans chaque pays participant. Elle mettra en place un comité multipartite international avec une représentation égale des gouvernements, du secteur de la pêche et de la société civile. Il établira les principes, les critères de transparence et les lignes directrices procédurales – quelles informations doivent être publiées et sous quelle forme. Des comités multipartites dans chaque pays vérifieront les informations publiées par le FiTI, sur base annuelle.

S'il réussit, le FiTI pourrait fournir des informations importantes et crédibles sur les pêches, qui seront publiées chaque année sous forme de rapports FiTI. Décider quelles informations doivent figurer dans ces rapports a été un objectif important de la réunion – si la transparence doit aider à améliorer la gestion de la pêche, quelles informations doivent être incluses?

Le FiTI répondra-t’il à nos préoccupations initiales?

Dans notre premier blog sur le FiTI, nous exprimions quelques inquiétudes : comment fonctionnerait une telle initiative multipartite? Comment la pêche artisanale serait incluse et affectée? Le FiTI évitera-il de se focaliser sur la lutte contre la pêche INN? Et surtout, le FiTI aura-t’il un impact positif sur le développement et la sécurité alimentaire, ou bien deviendra-t’il simplement un exercice de relations publiques pour les pays et les entreprises de pêche industrielle?

Ces préoccupations, de CAPE et d'autres, sur les initiatives de transparence ont été reconnues par l’équipe du FITI et discutées au cours de cette première réunion du groupe consultatif. Un rapport plus détaillé va être publié sur la réunion de Berlin, mais je pense qu'il est utile de déjà souligner certains résultats positifs :

1) il a été considéré important de relier le FiTI avec d'autres engagements globaux et documents politiques sur la pêche. Cela inclut, par exemple, le Code de Conduite de la FAO pour une pêche responsable, la politique commune de la pêche de l'Union européenne et ses règlements connexes. Plus important encore, le FiTI pourrait aider à mettre en œuvre les recommandations sur la transparence et la gouvernance participative contenues dans deux directives volontaires de la FAO - Les Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts, et les Directives visant à garantir des pêches artisanales durables. Je pense que cet aspect est critique, car cela signifie que le FiTI s’inscrit en complémentarité des initiatives existantes dans les pêcheries et ne cherche pas à mettre en place quelque chose d’entièrement nouveau, déconnecté des réalisations et des engagements existants. Ces directives de la FAO ont été mises au point après de nombreuses années de consultations, notamment avec les organisations de pêche artisanale, donc le FiTI leur sera familier et sera fondé sur des bases solides.

2) il y a eu une forte demande d'incorporer la pêche artisanale dans cette initiative. La notion de « secteur de la pêche » ne doit pas se concentrer uniquement sur le secteur de la pêche commerciale ou industrielle. C'est positif, car de cette manière, le FiTI pourrait contribuer à souligner la nécessaire collecte de données sur la pêche artisanale et peut améliorer la prise de conscience de l'importance de la pêche artisanale. L'inclusion du secteur de la pêche artisanale dans la structure de gouvernance du FiTI a aussi été considérée comme essentielle. Des organisations telles que la CAOPA en Afrique de l'Ouest auront l'occasion de jouer un rôle de premier plan, quelque chose qui fait souvent défaut dans les "partenariats" mondiaux concernant la pêche et la conservation de l'océan.

3) l'importance pour le FiTI de prendre en considération la question du genre a été soulevée. Cela est essentiel compte tenu du rôle des femmes dans le secteur, notamment dans la pêche artisanale, et le fait que souvent, les femmes sont sous-représentées dans les données sur la pêche ou dans les débats concernant les politique des pêches. Le FiTI est élaboré pour s'assurer que les données récoltées prennent en compte cette dimension et que les femmes dans la pêche soient fortement représentées dans la gouvernance même du FiTI.

4) il y a eu un intéressant échange de vues sur le fait que l’objectif d’améliorer la transparence est de rendre la gouvernance participative. Il faut cependant continuer la discussion et la réflexion sur ce que la transparence peut et ne peut pas faire. Ce qui est ressorti de nos premiers échanges, c’est qu'améliorer le partage d'information peut être bénéfique à des réformes pour une gouvernance démocratique – la transparence n'est pas une fin en soi. Le FiTI est peu susceptible de devenir un moyen de «surveillance» des bateaux de pêche, visant simplement à aider à attraper les «méchants». Il semble plutôt qu’il se développera comme un outil d'information pour alimenter les débats au niveau national sur la pêche, sa contribution à l'emploi et à la sécurité alimentaire et sur l'efficacité de la gestion des pêches.

5) Les efforts visant à accroître le partage de l'information et la participation dans les débats de politiques de pêche ne peuvent se concentrer simplement sur ce que font les pêcheurs et les gouvernements. Il existe d'autres acteurs importants qui influencent le développement des pêches, dont beaucoup ne sont pas toujours transparents et responsables. Ceux-là incluent les bailleurs de fonds, les investisseurs privés, les ONG et les scientifiques. La nécessité pour ces autres acteurs du développement des pêches d’être transparents a été soulignée par plusieurs participants.

6) Enfin, il a été mentionné que l'idéal de transparence repose sur la capacité des citoyens et des organisations à recueillir des informations et à leur donner un sens. La transparence est souvent considérée, à tort, comme une tâche simple – obtenir que des données soient publiées par les gouvernements et les entreprises, en pensant que les citoyens utiliseront ces informations pour améliorer la situation. Le problème, cependant, est que certaines données que nous espérons voir publiées par le FiTI peuvent ne pas exister, et les parties prenantes peuvent ne pas être en mesure de réellement en faire quelque chose, ou de leur donner un sens. Il est peu probable que le FiTI soit chargé de renforcer les capacités d’utiliser les informations publiées, mais il devra identifier les besoins et les méthodologies requises pour générer des données sous une forme accessible au public, et il devra identifier des moyens concrets pour aider les destinataires de l'information à utiliser cette information, y compris les communautés côtières, les parlementaires, journalistes, chercheurs etc

Pour l'avenir

Il reste beaucoup de travail à faire pour finaliser la conception du FiTI. La réunion du groupe consultatif a été un premier pas dans cette direction et n'avait d’autre ambition que le partage d'idées. L'objectif est d'avoir quelque chose de plus complet à présenter lors d'une réunion internationale qui se tiendra en Mauritanie le 14 décembre 2015. Il y aura une autre réunion du groupe consultatif avant cette date.

De grands défis attendent le FiTI, en particulier finaliser les critères de transparence. Il y a un équilibre à trouver entre la liste de tout ce que les gens veulent voir inclus en matière d’informations à publier, et s'assurer, d’autre part, que le FiTI reste quelque chose de faisable. Il devra y avoir un compromis, qui est essentiel pour une initiative fondée sur un idéal de participation. Certains pourront penser que le FiTI est trop étroit, alors que d'autres pourront se sentir mal à l'aise avec le niveau de divulgation d’information exigé d'eux. Il a également été recommandé à Berlin que le développement de ces critères de transparence puisse comporter un élément «d’amélioration progressive », de façon à ce que la portée du FiTI puisse être affinée et couvrir des éléments supplémentaires. Ce sera intéressant de prendre part à ce processus.

Cependant, le plus grand défi du FiTI sera d’obtenir le soutien politique nécessaire. La réunion du groupe consultatif a rassemblé un ensemble important de parties prenantes, mais il en faudra beaucoup plus, et il n'est pas certain que toutes les personnes présentes aient déjà décidé de l'opportunité de soutenir ou non le FiTi. Pour l’instant, on perçoit un engagement croissant de certains gouvernements et de certaines compagnies de pêche pour plus de transparence et de reddition de comptes, mais les progrès concrets sont lents.

Ceux qui travaillent sur le FiTI auront donc besoin de convaincre plus de gouvernements, de professionnels du secteur de la pêche et d’ONG qui travaillent au niveau local et au niveau international. Il est à espérer que le fait que le FiTI sera un outil conçu pour mettre en œuvre les engagements de transparence contenus dans diverses politiques et directives internationales et régionales aidera dans ce processus. Le FiTI peut combler une lacune importante.

Mais pour garantir la réussite du FiTI, la tâche la plus importante n'est pas de convaincre les gens de signer. Le plus important maintenant, c’est de poursuivre un débat sérieux sur la nécessité d’engager des réformes politiques dans les pêches, avec la transparence et la gouvernance participative comme composantes essentielles. Il reste un manque de discussion sur cet enjeu.

C'est pourtant ce qui pourrait rendre le FiTI attrayant pour plus de gens – d’en faire un point d'entrée pour discuter un plus grand ensemble de questions qui nécessitent une combinaison d'initiatives. Si le FiTI peut produire de façon continuelle des informations crédibles qui sont restées invisibles ou confidentielles jusqu'à maintenant, alors j'espère que ce sera un catalyseur pour des changements positifs de comportements et d’attitudes. À tout le moins, le FiTI devrait aider à fournir des informations à plus de personnes, leur donnant par la même occasion des possibilités de débattre des décisions politiques sur la pêche dans leurs pays. Et on se demandera alors pourquoi il a fallu si longtemps pour le faire. 

Les sociétés mixtes de pêche UE en Afrique: nécessité de développer un cadre de durabilité

La constitution de sociétés mixtes dans la pêche africaine est souvent basée sur une connaissance très limitée des écosystèmes, de l’état des ressources ou de la dynamique du secteur de la pêche et des communautés côtières.
Ce manque d'information, au lieu d'encourager les investisseurs étrangers et les institutions à faire preuve de prudence, a souvent entraîné des investissements irresponsables. Il existe d'innombrables cas dans l'histoire des pêches maritimes africaines, où une surpêche, due au surinvestissement dans les installations de production, notamment à travers des sociétés mixtes, a abouti à une baisse des ressources halieutiques, des fermetures d'entreprises et des impacts négatifs pour la pêche côtière locale avec laquelle ces entreprises étaient en compétition pour l’accès aux ressources.
En Afrique de l'Ouest, des investisseurs privés étrangers - principalement chinois, coréens, européens, russes -, opèrent souvent à travers des sociétés mixtes. Ces dernières années, ces sociétés mixtes ont été dénoncées pour leur opacité et, plus récemment, certaines d’entre elles ont été impliquées dans des pratiques frauduleuses systématiques, comme la sous-déclaration de tonnage de navires d'origine chinoise opérant en sociétés mixtes en Afrique de l'Ouest.


Dans le cas de l'UE, il est convient de noter que, dans les accords de partenariat de pêche durable signés entre l'UE et les pays africains, est inséré un article, sur la "Coopération entre organisations professionnelles de la pêche, secteur privé et société civile", qui encourage la mise en place de sociétés mixtes.
Dans un document conjoint, CAPE et son partenaire CAOPA estiment que la mise en oeuvre de cet article nécessite de définir un ensemble de principes pour s'assurer que ces sociétés mixtes opèrent de façon transparente, n’entrent pas en compétition avec la pêche artisanale locale, et sont en ligne avec les objectifs de développement durable de la pêche dans le pays tiers concerné.

Droits et Responsabilités des Etats du pavillon et côtiers en Afrique de l'Ouest - commentaires sur l'avis du TIDM à la requête de la CSRP

Le 2 avril 2015, le Tribunal International du Droit de la Mer (TIDM) a rendu un avis consultatif, à la suite d’une demande soumise par la Commission sous-régionale des pêches (CSRP), le 28 mars 2013.

 La demande d’avis consultatif a pour but d’appuyer les Etats membres de la CSRP afin qu’ils tirent le plus grand profit de la mise en œuvre effective des instruments juridiques pertinents, et qu’ils soient guidés dans leurs démarches visant à faire face aux défis de la pêche INN.

L’objectif est que les réponses aux questions posées par la CSRP lui permettent d’obtenir les éléments à caractère juridique nécessaires au bon déroulement de ses activités, notamment la mise en œuvre effective de la Convention CMA.

Dans l’ensemble, l’avis consultatif du TIDM reprend et explicite les règles du droit international existantes.

Dans sa note, CAPE résume les principaux éléments de réponse repris dans l'avis consultatif du TIDM et fait les commentaires suivants:

 

·         En général, le TIDM met l'accent sur les responsabilités de l’État du pavillon et insiste peu sur la responsabilité première des États côtiers pour la gestion et la conservation des ressources au sein de leurs Zones Economiques Exclusives, qui se traduit par des droits et obligations, notamment en matière de Contrôle, de Suivi et de Surveillance (SCS). Des lacunes dans ce domaine, ainsi que dans l’application des lois existantes, ont notamment été mises en évidence récemment dans le rapport de Greenpeace, dénonçant diverses opérations de pêche INN par des navires d'origine chinoise, - certains d'entre eux battant pavillon de pays membres de la CSRP : fraude sur le tonnage réel des bateaux, chalutiers pêchant dans la zone de pêche artisanale, etc.

·        Dans l’avis consultatif du TIDM, les Etats membres de la CSRP sont considérés comme des États côtiers, pas comme des Etats du pavillon. Ces dernières années cependant, plusieurs cas de pêche INN par des navires pavillonnés dans l'un des membres de la CSRP, ont été enregistrés (y compris le cas d'un navire thonier sénégalais, d'origine espagnole, arrêté pour pêche illégale dans l’Océan indien/ /ZEE de Madagascar en 2008). Par conséquent, les recommandations de TIDM aux États du pavillon devraient également s'appliquer aux membres de la CSRP.

·         La demande de la CSRP concernant les accords de pêche, et l’avis du TIDM, se focalisent sur le cas où ‘une organisation internationale qui exerce sa compétence exclusive en matière de pêche’ négocie un accord – dans la région, c’est le cas uniquement des accords de pêche bilatéraux négociés par l'UE avec les pays de la CSRP. L’avis consultatif du TIDM devrait aussi servir de base pour engager la responsabilité des autres pays pêcheurs étrangers qui négocient des accords de pêche avec les États côtiers de la CSRP, comme la Russie, la Chine et la Corée, dont les activités de pêche restent généralement opaques.

·         Il est aussi nécessaire d'élargir le débat sur la base de cet avis consultatif à ce que font les entreprises privées, - avec des bateaux originaires de l'Union européenne ou d'autres pays étrangers -, qui signent des accords privés, créent des sociétés mixtes, ou signent des contrats d’affrètement, souvent opaques, pour pêcher dans les eaux de l'Afrique de l'Ouest. Il est nécessaire de renforcer les législations des États côtiers concernant ces autres types d’arrangements, ainsi que le contrôle qu’exerce l'État du pavillon initial - qui reste souvent l'état de la propriété véritable - pour assurer plus de transparence et éviter que ces navires contribuent à la surpêche et à la concurrence avec le secteur local artisanal.

·         Les ressources pélagiques, en particulier des petits pélagiques (sardinelles, sardines, chinchards, etc.) sont des ressources essentielles pour la sécurité alimentaire et la création d’emplois dans le secteur de la pêche artisanale dans la région. L’avis consultatif du TIDM devrait servir à renforcer la volonté politique au niveau régional pour gérer ces ressources de manière coordonnée, y compris lors de la négociation des accords de pêche, en tenant compte des enjeux de durabilité et de sécurité alimentaire.

·         Dans sa déclaration écrite soumise au TIDM dans le contexte de l’examen de la requête de la CSRP, l'UE a décrit sa réglementation comme un outil efficace pour lutter contre la pêche INN, soulignant en particulier les sanctions commerciales : les pays identifiés comme non-coopérants reçoivent une carte jaune, suivie d’une carte rouge si le pays ne prend pas de mesures pour lutter contre la pêche INN. Cette carte rouge signifie que les produits de la pêche du pays concerné ne peuvent pas accéder au marché de l'UE. Toutefois, la mise en œuvre de la réglementation INN de l’UE a révélé ses limites lorsque l'UE a récemment retiré la Corée de la liste des pays non-coopérants sous prétexte que le pays avait entrepris des réformes législatives, uniquement sur papier. Les indications sont que les navires battant pavillon coréen continuent à s'engager dans des activités douteuses au large de la côte occidentale africaine, en particulier en Guinée.

Cependant, la Guinée, Etat membre de la CSRP, a été elle-même répertoriée comme Etat non coopérant par l’UE en 2013, et ce même si elle a entrepris des réformes législatives sur papier. Cette situation crée un soupçon que l'UE applique deux poids deux mesures lors de l'application de sa réglementation INN à la Corée et à la Guinée.

 

Développer l'Initiative de Transparence de l'Industrie de la pêche (FITI): Que pouvons nous apprendre de l'ITIE?

Cette année a connu le lancement de l'Initiative de transparence des industries de la pêche - la FITI (Fishing Industry Transparency Initiative). Un grand nombre de détails sur la façon dont cela va fonctionner restent à développer. Elle a été créée par une organisation basée en Allemagne, Humboldt-Viadrina Plateforme de gouvernance, fondée par le professeur Eigen, un membre de l'Africa Progress Panel, et un des fondateurs de l'Initiative de Transparence des Industries Extractives (ITIE) et de Transparency International. Le lancement de la FITI a eu lieu en Mauritanie lors d'une réunion co-organisée avec le gouvernement, et a donné lieu à la Déclaration de Nouakchott signée le 20 Janvier. Mohamed Ould Abdel Aziz, le Président de la République islamique de Mauritanie, s’est engagé à ce que la Mauritanie soit le premier pays à mettre en œuvre le FITI.

CAPE et ses partenaires, en particulier la CAOPA, ont fait campagne pour la transparence et pour des réformes politiques dans la pêche pendant depuis longtemps. En 2011, nous avons entrepris une enquête dans 11 pays africains qui a révélé que la plupart des pays gardent les détails des licences et des accords d'accès confidentiels. Il est aussi extrêmement difficile pour les groupes de la société civile locale d’obtenir des informations sur les revenus de la pêche et sur la façon dont les gouvernements l’utilisent. La majorité des autorités de gestion des pêches interrogées n’ont pas de site internet ou de rapport annuel. Des millions de dollars sont dépensés pour le développement de la pêche en Afrique, mais les informations sur les projets, les résultats et les évaluations sont rarement partagées avec la société civile, y compris les communautés de pêche.

De nombreux exemples au cours des dernières années mettent en évidence les raisons pour lesquelles un nombre croissant d'organisations appellent à une plus grande transparence. L'octroi de licences aux chalutiers russes et asiatiques au Sénégal, en Mauritanie et en Guinée-Bissau est un exemple frappant - les accords d'accès secrets entre le gouvernement du Sénégal et des compagnies étrangères a provoqué une grave menace pour le secteur de la pêche local, conduisant à de nombreuses protestations. Au Mozambique, en 2013, le gouvernement a rassemblé 850 millions USD pour financer une société de pêche privée, mais le manque de transparence qui entoure cette affaire a suscité des critiques au niveau international, y compris par les bailleurs de fonds qui menacent de suspendre l'aide au pays.

Les progrès pour accroître la transparence dans la pêche ont été décevants. Les meilleurs résultats ont été a priori obtenus par l'Union européenne, qui ont répondu positivement à la demande de commencer à publier des évaluations internes de ses accords de pêche d'accès. Une proposition de règlement de l’UE sur les autorisations de pêche pourrait également obliger les entreprises de pêche de l'UE à divulguer des informations sur l'ensemble de leurs opérations de pêche dans les pays étrangers, tandis que la flotte thonière de l'UE a récemment lancé la Tuna Transparency Initiative. Ce sont de petites étapes, et les efforts pour réformer la pêche, comme cela est fait par l'Union africaine, exigent des engagements plus fermes sur la manière dont la gouvernance des pêches devrait être plus ouverte et responsable.

L'annonce de la FITI est donc extrêmement intéressante. Il pourrait s’agir d’un moyen pratique pour obtenir que le secteur de la pêche soit géré de manière plus transparente. Cependant, les initiatives de transparence ont quelques limitations majeures et restent controversées parmi certains experts. Dans cet article, nous souhaitons décrire certaines de ces limitations et les pièges entourant les initiatives de transparence, et nous mettons en évidence six questions clés qui devront être abordées dans le processus de développement du FITI.

Comment le FITI fonctionne t’il?

L’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE) est la source d’inspiration pour le FITI. L'ITIE a été développée en raison de l'inquiétude de nombreux pays riches en ressources, dont les revenus provenant du pétrole, du gaz et des mines sont souvent pillés par les élites et contribuent très peu au développement national. La dépendance de ces gouvernements sur les revenus de l'industrie extractive est souvent dépeinte comme une « malédiction » - liée au déclin de démocratie, à des niveaux élevés de corruption gouvernementale, à des conflits civils et à divers autres problèmes économiques et sociaux.

L’ITIE est donc devenue la principale réponse internationale à la lutte contre cette « malédiction des ressources ». Elle a développé un système de plateforme multi-parties prenantes dans le but de comptabiliser des revenus de l'industrie extractive. Avec un secrétariat désormais établi en Norvège, un groupe consultatif international, avec des représentants des ONG, des entreprises et des gouvernements, informe son fonctionnement. Ce groupe consultatif examinent les standards de l'ITIE et leur mise en œuvre, toutes les décisions devant être validées par chaque membre.

Chaque gouvernement signataire de l’ITIE établit un comité national chargé de superviser sa mise en œuvre, comprenant le gouvernement, les sociétés minières locales et des groupes de la société civile locale sélectionnés. Ce comité fournit ensuite des comptes sur les revenus de l'exploitation minière qui sont vérifiés par un vérificateur indépendant. Ces rapports annuels de l’ITIE devraient démontrer au public que ce que les entreprises annoncent payer correspond à ce que le gouvernement déclare comme revenus. Les pays qui entament le processus de mise en œuvre de l'ITIE sont considérés comme des « pays d'exécution », et ceux qui produisent des rapports vérifiés sont « conformes à l'ITIE ».

L’ITIE a été particulièrement efficace en termes de zone de couverture. Elle a été créée au début des années 2000, avec le Nigeria comme premier pays en développement à mettre en œuvre le modèle. Depuis lors, 48 pays ont commencé à mettre en œuvre l'ITIE, avec 31 désormais pleinement conformes. La plupart d'entre eux sont des pays en développement en Afrique, mais l'ITIE a aussi été pleinement mise en œuvre en Norvège et au Royaume-Uni et les États-Unis sont en train de faire la même chose. Au total les rapports de l'ITIE ont suivi plus de 1,5 billions de USD de paiements des industries extractives.

Le projet de FITI fonctionnera probablement sur des bases similaires à celles de l'ITIE, avec un organe consultatif international composé de 3 groupes de parties prenantes - l'industrie, la société civile et les gouvernements. Elle va développer un ensemble de standards – c’est à dire quelle informations doivent être publiées par un pays afin qu’il soit en conformité avec la FITI, et elle va développer un système de vérification pour assurer que les données publiées sont crédibles. Nous devrions nous attendre à ce que, dans les pays qui s’engagent envers cette initiative, il y ait aussi un comité national de coordination comprenant le gouvernement, la société civile locale et une représentation de l'industrie.

Alors que l'ITIE a mis l'accent sur les paiements de revenus, la FITI va probablement s’intéresser à un large éventail de problématiques, susceptibles d'inclure la transparence dans tous les modes d'accès (les licences, les accords d'affrètement, les sociétés mixtes et les accords d'accès bilatéraux), ce qui signifie que les pays conformes à la FITI devraient publier chaque année une liste complète des entreprises autorisées à pêcher dans leurs eaux, ainsi que les informations sur les conditions de ces autorisations. La question de savoir qui sont les véritables propriétaires de navires pourrait devenir un enjeu clé.

Dépendant de l’ambition qu’elle veut se donner, la FITI pourrait inclure des données de l'industrie sur les captures, les prises accessoires et les rejets, et peut-être des données sur d'autres sujets, y compris des investissements privés et des paiements d'aide au développement. L’ITIE a progressivement élargi ses standards, et on pourrait voir quelque chose de similaire pour le FITI – elle pourrait commencer en mettant l’accent sur une gamme limitée d’informations, dans l'idée que cela pourrait devenir plus complet par la suite.

Quelles sont les limites de l'ITIE?

La principale préoccupation à propos de l'ITIE a été son impact. A t-elle vraiment fait une différence ?

L'ITIE a  été présentée comme un outil politique majeur pour réduire les possibilités de corruption, améliorer le développement des pays qui ont d'importants secteurs d'industrie extractive, et rendre la gouvernance de ces industries plus démocratique et responsable.

Il est cependant incertain que l'ITIE ait eu un impact positif significatif dans la plupart des pays. Il y a des exemples individuels où les rapports de l'ITIE ont révélé des erreurs comptables et peut-être certaines fraudes, mais l’ITIE n'a pas été en mesure d'apporter des améliorations généralisées dans la réduction de la corruption, l'amélioration des rendements des industries extractives ou la contribution de ces industries au développement. Certains pensent que cela est dû à la portée limitée des standards de l’ITIE. Les exigences de déclaration de l'ITIE n’ont pas réussi à couvrir la gamme complète des transactions financières susceptibles de révéler la corruption et les fraudes, y compris la fraude fiscale, les conflits d'intérêts, la pratique des pots-de-vin.

En 2013, l'ITIE a élaboré une liste élargie de standards espérant surmonter cela. Pourtant, il semble de plus en plus que les espérances par rapport à l'ITIE ont été surestimées. Imaginer qu’il suffit de publier les comptes sur les paiements de revenus pour réformer les comportements antidémocratiques et corrompus de gouvernements et de puissantes sociétés multinationales, et permettre aux citoyens d'influencer les choses, c’était un vœu pieux.

Au cours de la dernière décennie, depuis que l'ITIE a été lancée, la plupart des gens qui étudient la transparence ont réalisé que beaucoup dépend de la façon dont l'information est divulguée, de comment la société civile utilise cette information, et de comment les gouvernements et les entreprises peuvent être sanctionnés. Le lien entre la transparence des transactions et des gouvernements responsables et démocratiques est très complexe et variable. La recherche sur la relation entre la transparence et la corruption, par exemple, suggère que la divulgation volontaire d'informations par les Etats et les entreprises ne sont pas très efficaces – on atteint un plus grand degré de transparence lorsque l'information est divulguée ou obtenue grâce à l'utilisation de lois sur la liberté d’information. Lorsque les gouvernements et les entreprises contrôlent la publication d’informations potentiellement sensibles, cela a tendance à ne pas être très fructueux.

Lorsque la transparence devient contentieuse

Les critiques de l'ITIE ne se limitent pas à constater qu’elle est moins efficace qu'espérée. Certains pensent que l'ITIE a été néfaste. Durant les années 1990 et au début des années 2000, des critiques négatives ont été publiées, au sujet de l'impact social, environnemental et politique de l’exploitation du pétrole, du gaz et d'autres produits miniers dans les pays en développement. Ces critiques comprenaient des recommandations à la Banque et à d'autres organismes de coopération au développement, d’investir uniquement dans les industries extractives où les pays étaient politiquement stables, avaient de faibles niveaux de corruption et respectaient les droits des communautés locales.

La Banque a contesté cet avis, et a continué à augmenter ses investissements dans le secteur des industries extractives dans les pays où les risques d'échecs de projets et les préjudices locaux étaient très élevés. La Banque mondiale a justifié ces investissements sur base qu'une nouvelle initiative de transparence existait, l’ITIE, qui permettrait d'assurer que l'industrie soit mieux encadrée que par le passé. Selon des chercheurs comme Sarah Bracking, l’ITIE a fait taire les critiques concernant les entreprises et les investisseurs, et a renforcé la conviction que le problème se situait presque entièrement au niveau de la mauvaise gouvernance et de la corruption des gouvernements dans les pays en développement – laissant dans l’ombre les responsabilités des investisseurs et des sociétés étrangères.

Les déçus de l'ITIE affirment que cette initiative a permis aux entreprises ayant des antécédents douteux en matière d'environnement et de fiscalité de prétendre qu'ils agissaient de manière responsable, et a encouragé (y compris à travers une aide accrue des bailleurs de fonds) le financement de gouvernements corrompus, sans demander de réformes significatives en échange. L'ITIE a été accusée de « blanchir» certaines pratiques. Ainsi que Kees Visser conclut dans son examen critique de l'ITIE:

« Il y a de sérieux problèmes avec la présentation par l'ITIE de scénario « gagnant-gagnant », où l'introduction de la transparence dans les industries extractives devient une condition suffisante pour favoriser des gains à long terme pour toutes les parties prenantes. Ceci ignore complètement le intérêts fondamentalement contradictoires entre certains des acteurs impliqués dans les situations d'extraction des ressources et les différences dans leurs capacités respectives à exercer le pouvoir ».

Comme certains universitaires, tel que Afshin Mehrpouya, l’ont soutenu, des initiatives de transparence (ou réformes de bonne gouvernance en général) peuvent être conçues pour soutenir les intérêts de ceux qui accumulent les profits, plutôt que d'approfondir la responsabilité démocratique afin de protéger les citoyens contre les effets négatifs des opérations de certaines entreprises:

Aller de l'avant avec le FITI

La pêche doit devenir plus transparente - les informations sur qui est autorisé à pêcher et dans quelles conditions; sur les quantités de poisson capturées, les montants payés par qui et pour quoi, et comment les investissements et les profits sont utilisés, devraient toutes être dans le domaine public.

Savoir si une initiative multi-parties prenantes, basée sur le modèle de l'ITIE, est la meilleure façon d'y parvenir, c’est une question qui reste à débattre.

La recherche et l’expérience montrent que compter sur les gouvernements et les entreprises pour divulguer des informations ne permet pas de révéler beaucoup de choses sur leurs propres erreurs ou implications dans la corruption ou les fraudes. De même, la transparence peut être un argument des gouvernements et des entreprises pour attirer les investissements et améliorer la compétitivité, sans porter sur le transfert de pouvoirs politiques au citoyens. Ce sont des considérations à prendre en compte pour le développement du FITI.

Il peut y avoir une préférence pour utiliser des moyens plus directs pour obtenir des informations auprès des gouvernements et des entreprises, tels que la Convention d'Aarhus au niveau européen, qui s’étend à d'autres continents. Mais en attendant que les gouvernements mettent en œuvre et respectent cette Convention ou d’autres lois sur la liberté de l’information, ou attendre qu’il y ait une fuite sur une information confidentielle découverte par les chercheurs, c’est un scénario peu probable à court et à moyen terme. Une initiative comme le FITI peut donc être une solution pratique, même si elle n’est pas idéale.

Il est important d’entamer une discussion sur la façon dont le FITI peut bénéficier des leçons tirées de l'ITIE et accroître son impact potentiel. Les questions suivantes peuvent aider à éclairer cette discussion :

1] Etant donné que ce sont ses premiers pas, le FITI doit encore développer un message clair sur les raisons de sa nécessité. Nous avons donc besoin d'un débat sur les dimensions de la crise de la pêche pour lesquelles cette initiative de transparence serait utile: la surpêche, l'incapacité de la pêche à soutenir la croissance économique, la marginalisation des communautés de pêche artisanales, l'aggravation de l’insécurité alimentaire, etc. Ceci à son tour va influencer les données importantes à publier à travers le FITI, et voir comment mesurer son succès au fil du temps. Par exemple, si le FITI était orientée principalement pour arrêter la pêche illégale, l’initiative pourrait publier des données qui ont peu à voir avec la résolution des problèmes de sécurité alimentaire ou le développement local.

2] Nous devons être conscients des intérêts divergents impliqués dans une initiative multi-parties prenantes. Avoir les gouvernements, les donateurs, les grandes entreprises, les organisations de pêche artisanales et les ONG assis autour de la même table semble très attrayant, mais si nous reconnaissons que les intérêts et le pouvoir de chacun des partenaires sont très différents, les initiatives multi-parties prenantes peuvent s’avérer décevantes. Elles peuvent devenir un mécanisme de domination plutôt que d'autonomisation. En étant à un stade initial de la FITI, il est donc utile d'identifier les intérêts des différentes parties prenantes, et de comprendre que si l’initiative fonctionne par consensus, on pourrait ne pas en obtenir beaucoup si les intérêts divergents s’expriment tous. Si l’initiative est plus ambitieuse, elle va inévitablement produire des résultats qui auront des gagnants et des perdants, ce qui signifie qu'elle pourrait, par exemple, ne pas être soutenue par un nombre suffisant de pays et de représentants de l'industrie.

3] Il faut aussi se poser la question de comment le FITI va gérer une situation où un pays «conforme au FITI», c’est-à-dire qui publie les informations demandées par le FITI, restreint la liberté d'information de façon plus large? La FITI devra-il inciter ou obliger les pays à adopter des réformes pour l'accès du public à l'information pêche, afin que les chercheurs, les ONG et les journalistes puissent accéder à des informations qui vont au-delà de ce qui est contenu dans les rapports du FITI ? Sans cet engagement, les rapports du FITI pourraient devenir simplement un exercice de ‘relations publiques’ et de publicité pour les gouvernements et les entreprises.

4] Nous avons besoin de bien réfléchir à l'engagement de la société civile. Il s’agit d’une question délicate de savoir qui représente la société civile dans les comités multi-parties prenantes et le futur groupe consultatif international du FITI. Les ONG considérées ne partagent pas toutes la même idéologie ou les mêmes intérêts. Qui doit décider de qui parle pour les intérêts de la « société civile» », y compris dans les pays de mise en œuvre ? La représentation de la société civile ne doit pas être confisquée par les ONG privilégiées par le gouvernement local ou les bailleurs de fonds internationaux pour parler au nom de la société civile ou des intérêts des communautés côtières, alors qu’elles n’ont pas de mandat pour jouer ce rôle.

Nous devrions explorer d'autres approches que celle de ces comités multi-parties prenantes, pour faire en sorte que le processus résulte en une plus grande démocratisation, qui pourrait donner un plus grand rôle aux parlements ou compter sur la création d'assemblées citoyennes. Un tel objectif permettrait au FITI d’avoir un impact positif plus large sur les processus démocratiques au sein des pays, alors qu’une approche axée sur des comités multi-parties prenantes non-démocratiques pourrait être régressive.

5] Par ailleurs, pour que le FITI soit couronné de succès, il faut probablement soutenir les groupes communautaires, les médias locaux et d'autres ONG locales pour qu’elles aient la capacité d'utiliser les données et informations divulguées pour questionner les politiques et les comportements des entreprises et des Etats. Les grandes ONG, les entreprises et les consultants peuvent avoir le temps et les ressources nécessaires pour faire cette analyse, mais les organisations communautaires et les médias locaux ne peuvent pas.

6] Enfin, la FITI peut rencontrer des problèmes dans la définition de ce qu’est « l’industrie ». Est ce que l'industrie doit être couverte par la FITI à grande échelle, la pêche commerciale, ou inclut-elle également la pêche artisanale? Il est possible que la FITI puisse tomber dans le piège que les grandes entreprises soient considérées comme « le secteur de la pêche ». De toute évidence, les communautés de pêche artisanales font partie de l'industrie, et représentent la partie qui importe le plus pour déterminer le développement local, les moyens de subsistance et la sécurité alimentaire dans de nombreux pays. Comment la définition et la mise en œuvre de normes de transparence vont impliquer/être appliquées au secteur de la pêche artisanale ?