Les résultats de la recherche présentent des preuves que cette production pour l'utilisation des chaînes d'approvisionnement aquacoles mondiales précipite l'effondrement des stocks et compromet la sécurité alimentaire
Read moreNouveau protocole de l'accord de pêche durable entre l'UE et le Sénégal: les organisations de pêche artisanale demandent une stratégie régionale
La CAPE soutient la demande de la CAOPA et APRAPAM pour une approche concertée dans la gestion des stocks partagés comme les petits pélagiques et le merlu
Read moreNégociation des Accords de Pêche UE-Mauritanie et UE-Sénégal: la pêche artisanale plaide pour une approche concertée
Les 23 et 24 janvier 2019, la Confédération Africaine des Organisations de Pêche artisanale (CAOPA) a organisé à M’Bour (Sénégal) un atelier pour une approche concertée des négociations des accords de pêche en 2019 entre l’UE, le Sénégal et la Mauritanie.
L’atelier a réuni près d’une vingtaine de participants : représentant(e)s des organisations nationales de pêche artisanale de Mauritanie, du Sénégal, ainsi que des professionnels, hommes et femmes de Gambie, Guinée-Bissau et Côte d’Ivoire, qui ont partagé leurs expériences des accords de pêche. L’Institut de recherches IMROP était également représenté, ainsi que les partenaires de CAOPA. Après les deux jours de débats, une série de priorités ont été retenues pour les négociations.
PRIORITES POUR LES NEGOCIATIONS
Les participants plaident pour que l’UE, la Mauritanie et le Sénégal envisagent les négociations pour le renouvellement des protocoles d’APPD de façon concertée sur les aspects suivants :
1) Accès aux ressources
1.1. Accès aux petits pélagiques
Pour ce qui est des protocoles existants, il est très positif que les flottes de chalutiers pélagiques de l’UE n’aient pas accès aux petits pélagiques au Sénégal, et que leur zone de pêche ait été éloignée des côtes dans le cadre du protocole avec la Mauritanie afin d’empêcher leur accès à la sardinelle.
Si les protocoles devaient être renouvelés en 2019, il est important de conserver ces acquis, qui devraient s’appliquer à toutes les flottes d’origine étrangère.
Cependant, notre plus grande préoccupation concernant les petits pélagiques reste le fait qu’un accès aux sardinelles et chinchards soit alloué aux flottes étrangères, notamment celles de l’UE, de la Russie, de la Turquie, de la Chine (Poly Hondone) en l’absence d’un cadre régional de gestion, alors que les stocks de sardinelles et de chinchards sont considérés comme surexploités.
Comment peut-on identifier un surplus, - base pour la signature d'un accord de partenariat de pêche avec l’UE-, en l’absence de cette gestion régionale? Si des étapes décisives ne sont pas mises en place pour une gestion régionale, nous estimons que ces ressources ne devraient pas faire l’objet d’une discussion sur l’accès des flottes européennes dans le cadre d’un futur protocole avec la Mauritanie.
La première de ces étapes, que l’UE doit soutenir dans le cadre des partenariats, c’est l’amélioration de la recherche sur les ressources de petits pélagiques[1], et le développement, avec des moyens financiers et humains adéquats, d’une collaboration ambitieuse entre les instituts de recherche : cette collaboration devrait inclure le dialogue entre chercheurs et professionnels de la pêche, surtout artisanale, pour prendre en considération les connaissances empiriques des professionnels, mais aussi pour améliorer les données sur l’effort de pêche local. De plus, étant donné l’importance sociale, économique, en termes de sécurité alimentaire de l’exploitation de ces ressources, ces autres aspects devraient également être étudiés.
Ensuite, les négociations avec le Sénégal et la Mauritanie sont également l’occasion de soutenir une concertation entre ces pays pour fixer des limites de captures et se partager ces captures. En effet, même si des propositions en matière de gestion ont été faites par la CSRP, même si tant le Sénégal que la Mauritanie ont ratifié la Convention sur les Conditions Minimales d’Accès de la CSRP, qui appelle à cette gestion concertée des stocks partagés, rien n’existe concrètement aujourd’hui en la matière[2].
Dans ce cadre, la CAOPA se propose de réunir la Commission mixte des professionnels de la pêche artisanale de Mauritanie et du Sénégal, qui a été mise sur pied en 2008 pour accompagner la mise en œuvre de l’accord de pêche Mauritanie-Sénégal, afin que les professionnels plaident auprès de leurs états respectifs pour une gestion concertée de ces ressources partagées. La CAOPA se propose également de mettre en place une commission mixte de professionnels de la pêche artisanale sénégalaise et gambienne dans le même but.
L’explosion du nombre d’usines de farine de poisson en Mauritanie mais aussi au Sénégal continue de favoriser une demande élevée pour les petits pélagiques, en particulier les sardinelles[3].
La question de la légalité des agréments d’exploitation donné à ces usines se pose tant en Mauritanie qu’au Sénégal.
D’après une organisation de pêcheurs locaux (FLPA), en Mauritanie, une usine ne peut avoir d’agrément que pour transformer en farine les déchets de poisson, ce qui est loin d’être le cas actuellement. Au Sénégal, il semble que des usines en activité n’aient pas réalisé les études d’impacts indispensables à l’obtention de leur agrément.
Etant donné que les accords de partenariat de l’UE veulent se fonder sur la promotion de la bonne gouvernance, il est important pour l’UE d’obtenir une clarification sur ce point
1.2. Accès au merlu
Le stock de merlus noirs est aujourd’hui considéré par le COPACE comme une ressource partagée entre le Maroc, la Mauritanie, le Sénégal et la Gambie. Les chiffres récents de la FAO indiquent une surexploitation: 17.000 tonnes de captures dans toute la sous-région pour un potentiel de 10.900 tonnes.
En Mauritanie, un problème particulier est que les prises accessoires de merlus réalisées par d’autres bateaux de pêche démersale et pélagique atteignent, voire dépassent les captures ciblées de merlu.
Cette espèce faisant partie des ressources couvertes par les protocoles avec le Sénégal et la Mauritanie (et la Gambie et le Maroc), l’UE doit mettre en place, dans le cadre des négociations, une stratégie pour favoriser une exploitation durable de cette ressource.
Au niveau du Sénégal, les pêcheurs locaux s’étonnent de la qualification de cette pêche sous accord (2 chalutiers espagnols) comme étant « expérimentale », alors que plusieurs chalutiers d’origine espagnole (repavillonnés sénégalais) ont été actifs dans cette pêcherie depuis plusieurs années.
D’autre part, ils s’inquiètent de la compétition possible avec la pêcherie saisonnière de merlu à Cayar.
Au vu des données existantes, il semble peu probable qu’il existe un surplus qui peut être attribué aux bateaux européens.
1.3. Développement d’une pêche artisanale au thon
Bien que les flottilles artisanales mauritaniennes et sénégalaises ne ciblent pas les thons hauturiers, la pêche artisanale capture une quantité limitée de thons, et les organisations du secteur estiment qu’il serait important de voir les possibilités de développer une pêche thonière artisanale dans les années qui viennent.
En Mauritanie, la pêche artisanale a capturé jusqu’à 1600 tonnes de thons mineurs par an ces dernières années, et au Sénégal, il y a aussi des captures occasionnelles de thon (et plusieurs pirogues à Dakar essaient de se spécialiser pour le thon).
L’UE devrait encourager la réflexion au niveau de la région pour le développement d’une pêcherie thonière artisanale, et encourager le dépôt par la Mauritanie et le Sénégal, au niveau de la CICTA, de plans de développement durable d’une telle pêcherie.
2) Appui sectoriel
Le problème principal, c’est le manque de transparence dans les choix pour l’affectation et dans l’utilisation des fonds de l’appui sectoriel. Les rapports annuels des pays pour l’Union européenne ne sont pas rendus publics, et les actions entreprises avec l’argent de l’appui sectoriel ne sont pas identifiées comme telles. Il faut remédier à ces problèmes si les protocoles d’accords de partenariat sont renouvelés en 2019.
Il n’y a pas non plus de consultation des communautés côtières, même lorsque la pêche artisanale est listée comme bénéficiaire de l’appui sectoriel.
Même si les montants de l’appui sectoriels sont modestes (surtout dans le cas d’un accord essentiellement thonier come le Sénégal), ils peuvent néanmoins permettre de soutenir des actions clés pour le développement du secteur, à l’exemple de ce qui va se faire en Côte d’Ivoire (renforcement d’un système de crédit pour les femmes) ou en Mauritanie (appui pour la construction d’un port artisanal).
3) Constitution de sociétés mixtes
Tant le protocole avec le Sénégal que celui avec la Mauritanie encouragent, le cas échéant, la constitution de sociétés mixtes. Les investissements privés européens sont aussi appelés à jouer un rôle important dans le futur partenariat UE-Afrique[4] .
Or, les négociations de partenariat de pêche avec le Sénégal et la Mauritanie sont l’occasion pour l’UE et ses partenaires d’entamer un dialogue public, incluant leurs secteurs de la pêche respectifs, y compris la pêche artisanale, pour définir un cahier des charges/un cadre réglementaire assurant que les sociétés mixtes contribuent au développement d’une pêche durable. Ce cadre devrait être basé sur un ensemble de principes pour s'assurer que les sociétés mixtes opèrent de façon transparente; n’entrent pas en compétition avec la pêche artisanale locale; sont en ligne avec les objectifs de développement durable de la pêche.
Ce cadre réglementaire devrait s'assurer que les sociétés mixtes dans le secteur de la pêche au Sénégal et en Mauritanie: contribuent au progrès économique, social et à la conservation des écosystèmes; respectent les droits fondamentaux des personnes touchées par ces investissements; encouragent la formation et la création d'emplois, en particulier pour les femmes et des jeunes dans le secteur; ne bénéficient pas de dispenses ou d’exemptions concernant le respect des lois en matière de pêche, d'environnement, de santé, de travail, de fiscalité, etc
De plus, tout futur investissement à travers une société mixte devrait se baser sur une évaluation complète des conditions techniques environnementales, économiques et sociales locales; un bilan des sociétés mixtes existantes doit être fait sur ces aspects, car nombre d’entre elles fonctionnent de façon opaque et ne contribuent pas à une filière pêche durable.
4) Transparence/Information/Participation
La situation reste insatisfaisante dans les deux pays en ce qui concerne la connaissance de l’effort de pêche global. L’inclusion de l’article sur la transparence dans le dernier protocole avec la Mauritanie est un pas positif, qui devrait être généralisé dans les protocoles avec les autres pays. Cependant, il faut reconnaître qu’encore aujourd’hui, le contenu des divers accords signés par la Mauritanie avec des entités étrangères n’est pas encore publié.
Au niveau de l’UE, de nombreux efforts ont été faits en matière de transparence, avec les textes des protocoles, des comités scientifiques conjoints maintenant disponibles. Une amélioration consisterait à publier les compte-rendus des commissions mixtes, ainsi que les rapports annuels des pays partenaires sur la mise en œuvre de l’appui sectoriel.
En termes de participation, des avancées importantes ont été enregistrées, avec, par exemple, la participation des professionnels de la pêche artisanale mauritanienne aux négociations (cela a aussi été le cas en Côte d’Ivoire). Malheureusement, au Sénégal, les professionnels sont encore tenus à l’écart des négociations.
Autres commentaires pour l’accord avec la Mauritanie
Un des points positifs les plus importants dans le dernier protocole a été la modification du zonage visant principalement à protéger les fonds de moins de 20 mètres des activités de chalutage et à réduire les interactions potentielles entre flottilles de l'Union européenne et flottilles mauritaniennes de pêche artisanale et côtière. Si le protocole devait être renouvelé en 2019, Il est important de conserver cet acquis, et de faire en sorte que les moyens de surveillance soient suffisants pour une mise en oeuvre efficace de ce zonage.
En ce qui concerne le poulpe, le document de Stratégie de Développement pour le secteur de la pêche 2015-2019 de la Mauritanie insistait sur le fait que, ‘malgré un redressement observé récemment, l’état des stocks du poulpe est toujours préoccupant avec des niveaux de surexploitation estimés à 17%’. Dans ce contexte, il est positif qu'il n'y ait pas d'accès direct des flottes européennes à cette ressource si importante pour la pêche artisanale locale. Le fait qu’il n’y ait pas d’accès au poulpe a vraiment donné un coup de fouet à la pêche locale, notamment artisanale (même si les difficultés de la SMCP d’écouler le produit pèsent sur les revenus des pêcheurs).
L’embarquement des marins devrait être lié avec une obligation de formation de ces marins (formation en techniques de pêche, mais aussi en sécurité à bord, etc)
[1] Pour ce qui est du CRODT, nous avons été informés que cet institut de recherches n’a pas reçu les fonds qui lui sont attribués dans le budget de l’Etat du Sénégal depuis 2015. Cette situation n’est pas admissible si l’UE considère que le CRODT est le référent sénégalais en matière de recherche halieutique dans le cadre du partenariat pour une pêche durable avec le Sénégal.
[2] Lors de la réunion des OP à Mbour, il a été proposé de relancer la commission mixte FNP/CONIPAS, active entre 2008 et 2011, pour promouvoir ensemble cette gestion concertée au niveau de leurs gouvernements respectifs.
[3] La décision récente du gouvernement mauritanien de limiter la quantité de sardinelle ronde destinée à la farine à 10.000 tonnes par usine/an (qui sera réduite progressivement dans les années à venir) est loin d’être une mesure suffisante. Sur ce point, voir https://cape-cffa.squarespace.com/new-blog/2018/10/15/round-sardinella-key-for-food-security-in-west-africa-is-further-declining
[4] Voir Discours sur l’Etat de l’Union 2018 http://europa.eu/rapid/press-release_IP-18-5702_en.htm
La pêche artisanale africaine et des ONG portent plainte auprès de l'UE contre l'Italie qui ferme les yeux sur les activités illégales de ses chalutiers en Afrique de l'Ouest
La Coalition pour des Accords de Pêche Equitables (CAPE), la Confédération Africaine des Organisations Professionnelles de Pêche artisanale (CAOPA), le Partenariat Régional pour la Conservation Côtière et Marine (PRCM), Danish Living Seas et Bloom ont conjointement déposé une plainte auprès de l'UE, demandant à la Commission européenne d'engager une procédure d'infraction à l'encontre de l'Italie. Ils font valoir que les autorités italiennes de la pêche n'ont pas respecté leurs obligations, en vertu de la politique commune de la pêche (PCP), de contrôler et sanctionner les activités illégales de chalutiers italiens dans les eaux du Sierra Leone. Ces navires ont effectué des incursions dans la zone côtière réservée à la pêche artisanale, capturant des espèces qu’ils n’étaient pas autorisés à capturer et transbordant sans autorisation.
Ces navires italiens ont des antécédents d’activités illicites dans la région, documentés par Greenpeace, Océana et CAPE : capture de requins et infraction au règlement sur les nageoires attachées, incursions illégales dans les eaux de pays voisins de l’Afrique de l’Ouest, pêche avec un engin de pêche prohibé en Gambie.
Gaoussou Gueye, président de la CAOPA, déclare: « Lorsqu’elle se rend dans nos pays, l’UE parle toujours de l’importance de la lutte contre la pêche illégale. L’UE soutient que les flottes de pêche européennes pêchent légalement et de manière durable. Néanmoins, certains navires européens pêchent d’une façon qui est loin d'être durable, voire carrément illégale, comme ce que font ces chalutiers italiens depuis des années en Afrique de l'Ouest. Si l'UE veut rester crédible et établir une relation de confiance avec les pays Africains, alors elle ne devrait pas accepter un tel comportement de la part de certains navires de pêche d’un de ses Etats Membres. Ces chalutiers italiens doivent être surveillés et dûment sanctionnés s’ils ne respectent pas les lois de nos pays ou celles de la Politique Commune de la Pêche européenne ».
Ces chalutiers italiens, appartenant à deux sociétés siciliennes, n'ont jamais été soumis à aucun contrôle de la part de l’Italie, leur État du pavillon, et encore moins sanctionnés par cette dernière pour leurs activités illégales. En décembre 2016, une procédure d'infraction a été ouverte par la Commission européenne à l'encontre de l'Italie pour certaines de ces activités illégales en Gambie et en Guinée Bissau mais, à ce jour, - plus de deux ans plus tard -, cette procédure d'infraction est au point mort.
Alors que l'Union européenne défend la pêche durable et prétend mener la lutte contre la pêche INN au niveau mondial, il est inacceptable qu’elle laisse certains navires battant pavillon d’un de ses États membres mener des activités INN dans les eaux de pays africains en toute impunité.
L'UE doit agir maintenant.
Pour plus d'informations, vous pouvez contacter
Secrétariat CAPE
«La sardinelle ronde, essentielle pour la sécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest, continue à décliner»
par Ad Corten, Coordinateur de la coopération entre les Pays-Bas et la Mauritanie dans la recherche sur la pêche.
Des données limitées montrent déjà une nouvelle baisse de l'abondance de la sardinelle
La sardinelle ronde est la plus importante espèce de petits pélagiques pour les flottes nationales au Sénégal et en Mauritanie. Étant donné l’importance du stock pour la création d’emplois et la sécurité alimentaire et les graves menaces qui pèsent sur lui, il est étonnant que les deux principaux pays qui en pratiquent la pêche (la Mauritanie et le Sénégal) aient jusqu’à présent négligé de collecter suffisamment de données scientifiques pour faire l'évaluation des stocks. L'échantillonnage des captures artisanales en Mauritanie a été très faible en 2016 et 2017, malgré les fortes recommandations du groupe de travail de la FAO sur les petits poissons pélagiques en Afrique du Nord-Ouest. Pour le Sénégal, peu d'informations sont disponibles sur le niveau réel d'échantillonnage.
Bien que l'on ne dispose actuellement que de données limitées sur la sardinelle ronde, toutes ces données laissent présager une nouvelle baisse du stock. Les prises de sardinelles rondes en Mauritanie sont passées de 292 000 tonnes en 2016 à 172 000 tonnes en 2017; une baisse de 41%. Mais ces chiffres ont peut-être été affectés dans une certaine mesure par des déclarations erronées. En raison de la nouvelle réglementation concernant la quantité maximale de sardinelles rondes pouvant être utilisées pour la farine de poisson (10 000 t / an / usine), certaines usines de fabrication de farine de poisson ont probablement faussement déclaré une partie des débarquements de sardinelles en bonga. En effet, les captures de bonga déclarées en 2017 ont augmenté d'environ 40 000 t , et il est probable que cette augmentation ait en réalité consisté en sardinelles rondes. Cependant, même si nous tenons compte de ces erreurs de déclaration, les captures de sardinelles rondes en 2017 ont quand même chuté de 80 000 tonnes par rapport à 2016…
Pour le Sénégal, par contre, les captures de sardinelles rondes semblaient être restées stables en 2017 par rapport à 2016, environ 190 000 tonnes. Toutefois, ces chiffres n'incluent pas les captures utilisées pour la farine de poisson. Par conséquent, les débarquements réels de sardinelles rondes au Sénégal en 2017 pourraient avoir été supérieurs à ceux de 2016. Il convient toutefois de noter que, selon les organisations de pêcheurs, les sardinelles rondes étaient très rares dans les eaux au nord de Dakar pendant la saison 2017-2018. Les fortes captures de sardinelles rondes en 2017 ont vraisemblablement été effectuées au sud de Dakar et devaient consister principalement en de jeunes poissons.
En Mauritanie, les captures par unité d'effort de pêche (CPUE) des pirogues et des senneurs côtiers ont considérablement chuté entre 2016 et 2017. La CPUE des chalutiers de type russe en Mauritanie a également accusé une forte baisse en 2017. Une CPUE en baisse est un indice fort que le déclin des captures de sardinelles rondes en 2017 est dû à une baisse de l'abondance du poisson et non à une réduction de l'effort de pêche.
Une étude acoustique réalisée par le bateau de recherche norvégien Dr Fridtjof Nansen en mai-juillet 2017 dans la zone allant du Maroc au Sénégal a produit l'estimation du stock de sardinelles rondes la plus basse du nord-ouest de l'Afrique depuis le début de ces études en 1995. En résumé, on peut conclure que toutes les informations disponibles font état d'une baisse substantielle de l'abondance de sardinelles rondes en 2017.
L'effet de l'industrie de la farine de poisson
Lors d'une réunion avec des représentants des organisations de pêcheurs sénégalais CONIPAS, FENAGIE et APRAPAM en janvier 2018, toutes les organisations ont exprimé leurs inquiétudes par rapport à la diminution des captures de sardinelles rondes, en particulier dans la zone située au nord de Dakar (la «Grande Côte»). Selon ces organisations de pêcheurs, de nombreux pêcheurs ont quitté l'industrie en raison des faibles captures. En fait, les pêcheries en Mauritanie et au Sénégal exploitent différentes composantes du stock de sardinelles rondes. On sait que la pêche sénégalaise au sud de Dakar exploite principalement les poissons les plus jeunes, alors que la pêche en Mauritanie et dans la partie nord du Sénégal dépend des poissons adultes qui effectuent la migration saisonnière du Sénégal vers la Mauritanie et le Maroc. Un épuisement de la composante adulte du stock aura donc un impact plus fort sur les captures en Mauritanie et dans le nord du Sénégal que sur les captures dans le sud du Sénégal.
Les données recueillies en Mauritanie au cours des 19 dernières années indiquent que la mortalité par pêche a augmenté progressivement. Entre 1999 et 2013, cela était dû à l'exploitation de la sardinelle par des chalutiers étrangers en Mauritanie et probablement aussi à une augmentation progressive des efforts de la flotte artisanale sénégalaise. Après 2012, la place des chalutiers étrangers en Mauritanie a été reprise par l'industrie de la farine de poisson. Le développement de cette industrie en Mauritanie a été bien documenté. Plus récemment, une industrie de la farine de poisson s'est également développée au Sénégal et en Gambie. Pour ces pays, peu ou pas d'informations sont disponibles sur les quantités de poisson utilisées pour la farine de poisson, ni sur la composition en espèces de ces captures. Très probablement, la majeure partie des captures utilisées pour la farine de poisson consistent en sardinelle (ronde et plate). Cela a été aussi affirmé par une représentante des femmes transformatrices sénégalaises engagées dans l’industrie du fumage de la sardinelle, qui a expliqué que leur activité était menacée en raison de la concurrence des usines de farine de poisson qui ont acheté toutes les sardinelles.
Alors que l'effort des flottes artisanales des années précédentes était limité par la demande du marché de la consommation humaine, cette restriction n'existe plus pour le moment. Les usines de farine de poisson peuvent absorber de grandes quantités de poisson, ce qui incite les pêcheurs artisanaux à augmenter leur effort de pêche. Les usines de farine de poisson mauritaniennes ont même introduit une toute nouvelle flotte de senneurs turcs efficaces pour leur fournir du poisson. Les pêcheurs sénégalais de Casamance débarquent maintenant des prises dans des usines de fabrication de farine de poisson en Gambie. Parfois, ces débarquements sont si importants que même les usines de farine de poisson ne peuvent pas les absorber. En conséquence, des quantités considérables de sardinelles sont déversées en mer ou à terre.
En conclusion, les données limitées disponibles montrent que le stock de sardinelles rondes du nord-ouest de l’Afrique a encore été réduit ces dernières années par une augmentation de l’effort de pêche. La principale cause de cet effort accru est le développement d’une industrie de la farine de poisson dans la région. Ce développement a accru les possibilités de débouchés pour les flottes artisanales et a même amené une toute nouvelle flotte en Mauritanie pour capturer le poisson destiné aux usines de fabrication de farine de poisson.
Les groupes d’âge plus âgés de la population de sardinelles rondes sont épuisés et la pêche dépend maintenant largement des poissons les plus jeunes. Les flottes qui exploitent la partie adulte de la population, comme celles du nord du Sénégal et de la Mauritanie, sont les plus durement touchées par l’absence de poissons plus âgés. La surexploitation du stock constitue une menace sérieuse pour l'emploi de plusieurs milliers de pêcheurs et de femmes fumeuses de poisson au Sénégal, ainsi que pour la sécurité alimentaire de millions de personnes en Afrique de l'Ouest.
L'évaluation du stock est sérieusement entravée par le manque d'échantillonnage en Mauritanie et par les mauvaises données fournies par le Sénégal au groupe de travail de la FAO. Compte tenu de l'importance sociale et économique de la sardinelle pour la Mauritanie et le Sénégal, il est absolument essentiel d'investir de manière appropriée dans la recherche sur les petits pélagiques, en particulier la sardinelle, dans les deux pays, et dans la coopération entre les pays, afin d'obtenir le meilleur données scientifiques possibles.
La production de farine de poisson en Afrique de l’Ouest: Enjeux pour les communautés côtières
Dans un contexte ou la production de farine de poisson ne cesse de croître en Afrique de l’Ouest, les partenaires de CAPE organisent une rencontre régionale pour discuter des impacts locaux sur la sécurité alimentaire, l’emploi, la santé, les ressources. Nous soulignons ici les inquiétudes principales, ainsi que quelques questions qui informeront la rencontre. Une marche à suivre vous est proposée pour envoyer vos contributions qui enrichiront les débats. Donnez nous votre avis!
Read moreLes communautés de pêche artisanale du Liberia préoccupées par la décision du Gouvernement en faveur des chalutiers
Le 9 juin, prenant la parole au site de débarquement du poisson de West Point, un canton de Monrovia, capitale du Liberia, Jerry Blamo, Secrétaire Général de l’Association des Pêcheurs Artisans du Liberia (LAFA) a appelé le Gouvernement à revoir son décret No. 84, qui propose de réduire la Zone Exclusive de Pêche (IEZ) du pays de six à trois milles nautiques. Les représentants du secteur de la pêche artisanale des neuf régions côtières du Liberia se sont réunis à West Point pour écouter la déclaration de LAFA. Ils craignent tous que la réduction de la Zone Exclusive Côtière, réservée actuellement au secteur de la pêche artisanale, permette aux chalutiers industriels un plus grand accès aux eaux côtières du Liberia : "Nous sommes préoccupés du genre de bateaux qui viendront pêcher dans les eaux libériennes, en raison des expériences fâcheuses vécues avec les chalutiers asiatiques", souligne Jerry Blamo.
Il y a approximativement 33 000 personnes employées dans le secteur de la pêche à petite échelle, composé des sous-secteurs artisanal et semi-industriel. Le sous-secteur de la pêche artisanale emploie actuellement plus de 2000 anciens combattants de la guerre civile libérienne dans toutes les neuf régions côtières et de nombreuses épouses de combattants de guerre décédés sont également employées dans ce secteur.
Le sous-secteur artisanal comprend 3 000 pirogues (allant jusqu’à 7 m de long) utilisant des pagaies ou des voiles, avec jusqu’à trois personnes à bord et exploitées par des libériens. Le sous-secteur semi-industriel est composé d’environ 500 plus grandes pirogues (jusqu’à 15 mètres de long), utilisant un petit moteur de 40cv, employant jusqu’à 15 personnes à bord. Les pêcheurs artisans utilisent principalement des hameçons, de longues lignes, des filets maillants, ciblant des espèces comme les barracudas, les maigres tandis que les canots utilisent des filets à anneau et à senne coulissante pour capturer les petits poissons pélagiques et aussi des requins.
Depuis 2010, les dispositions de la règlementation relative à la pêche incluent une Zone Exclusive Côtière (IEZ) de six milles marins qui protège les activités de la pêche à petite échelle. Cette zone est réservée seulement à l’usage des "activités de la pêche de subsistance, artisanale et semi-industrielle".
Cette règlementation de 2010 a été adoptée après de nombreuses rencontres consultatives avec les acteurs, avec le soutien du Programme Régional des Pêches en Afrique de l’Ouest (PRAO) financé par la Banque mondiale. Un document de la Banque mondiale de 2016 décrit comment la zone des 6 miles a conduit à une réduction de la pêche industrielle:
Au Libéria, l'accès des bateaux industriels à la zone de six milles a été interdit, ce qui permet aux pêcheurs artisans de pêcher en toute sécurité dans cette zone. Depuis 2011, les communautés de pêche artisanales libériennes ont connu un changement positif dans l’abondance et la taille des poissons. Le volume total de poissons capturés a plus que doublés par rapport aux niveaux de 2009, tel qu'indiqué par le programme scientifique communautaire et la collecte de données sur l'évaluation des stocks de poissons du PRAO ... Au cours de la mission de la Banque mondiale de janvier 2016, les communautés de pêche locales (à Robertsport) ont expressément exprimé la nécessité de continuer à soutenir ces efforts qui ont diminué les incidents avec les chalutiers et augmenté leurs revenus tirés de la pêche.
Cependant, ce succès a été terni par les plaintes, presque quotidiennes, des pêcheurs artisans concernant des incursions de chalutiers industriels étrangers qui pêchent illégalement dans la Zone Exclusive Côtière (IEZ) de 6 milles. En 2012, le BNF (Bureau des Pêches Nationales) a géré le cas de 38 navires étrangers accusés de pêcher illégalement dans les eaux libériennes. 31 de ces dossiers ont été clos, après payement d’amendes au gouvernement libérien à hauteur de 6,2 million US$ entre 2011 et 2013. Mais les pêcheurs artisanaux se plaignent encore presque quotidiennement. Début 2017, plusieurs bateaux pêchant illégalement ont encore été arrêtés, battant pavillon nigérian, chinois et ghanéen, appartenant à des chinois, hollandais et espagnols.
Le décret N° 84
Le 22 avril 2017, la Présidente du Libéria Ellen Johnson Sirleaf a pris le décret N° 84 relatif à la gestion des Ressources de pêche du Libéria. Le décret souligne que « les ressources de pêche de la République du Libéria ont été sous-utilisées depuis plus d’une décennie et le Gouvernement du Libéria a l’intention de promouvoir l’investissement dans ce secteur pour garantir le développement durable et l’utilisation de cette ressource naturelle ». Le Gouvernement a insisté sur le fait que ce développement des opérations de pêche aidera la balance de paiement du pays et la situation des opérations de change, étant donné que le pays importe environ 50 000 tonnes de poissons par an.
La moitié de la population libérienne vit le long de la côte, avec 80% de libériens qui dépendent directement de la pêche pour les protéines animales. Toutefois, les libériens consomment une moyenne modeste de 5kg de poisson par habitant par an, tandis que la moyenne des autres pays côtiers d’Afrique subsaharienne est de 17 kg.
En vertu du décret, il est accordé à la Liberia Maritime Authority (LMA - Autorité Maritime du Libéria) "la pleine autorité de contrôle, de surveillance et fiscale du Bureau des Pêcheries Nationales et des ressources de pêche du Libéria en attendant la promulgation de la loi sur les Pêches Nationales". Le décret a chargé la LMA de s’assurer que des dispositions sont prises y compris la réduction de la Zone Côtière Exclusive (IEZ) de six milles nautiques à trois milles nautiques, « pour s’assurer que la pêche industrielle et semi-industrielle puisse reprendre et redevenir viable ». D’autres mesures sont notamment le fait que les navires de pêche d’un tonnage brut inférieur à 500 tonnes sont exempts de frais portuaires; les conditions d’obtention de permis de pêche et le régime fiscal seront également révisés pour faciliter les activités de pêche industrielle. Le Gouvernement a par ailleurs insisté sur le fait que les navires de pêche devront débarquer leurs captures au Libéria, afin que le marché local reçoive davantage de poisson et réduise ainsi les importations de poisson de la Sierra Leone et d’autres pays.
En 2017, seulement deux chalutiers de pêche démersale, d’origine coréenne, étaient autorisés à pêcher dans la ZEE du Libéria. Jusqu’à ce qu’il signe un accord de pêche du thon avec l’UE, le Libéria n’avait pas d’accord de pêche bilatéral avec un pays tiers, et n’avait pas d’accord privé avec des sociétés individuelles. Il n’existe aucune société mixte avec des compagnies de pêche étrangères, ni de sociétés libériennes disposant d’accords d’affrètement pour les bateaux de pêche étrangers. Cependant, il existe un intérêt considérable pour les navires industriels étrangers d’opérer dans la zone côtière de 6 milles, où leur accès est actuellement interdit, ce qui explique des niveaux élevés de pêche illégale. Le décret, en leur permettant d'accéder à la zone entre 3 et 6 milles, encouragera de nombreux navires souhaitant faire du chalutage dans la zone côtière à acheter une licence.
Réactions au décret
Ce décret a causé de vives inquiétudes au niveau des communautés de pêche. En réponse, LAFA a envoyé une lettre aux Présidents de la Chambre des représentants et du Sénat pour leur expliquer que ce décret « va créer de sérieuses difficultés aux pêcheurs artisans qui travaillent d’arrache-pied mais sont dans la pauvreté ». Les membres de la Chambre des Représentants ont voté unanimement pour que la lettre soit transmise à la Présidence et qu’ils rencontrent la Présidente, à cause de la gravité de la plainte.
L’Union Européenne a également réagi. Dans une lettre adressée à la Présidente Ellen Johnson Sirleaf, l’UE a exprimé sa préoccupation sur les implications du décret 84. Par l’intermédiaire de son Ambassadeur au Libéria, l’UE dit croire que les mesures introduites ne conduiront pas à des investissements durables. Elle a noté que le décret 84 conduira à un épuisement accéléré des stocks de poisson actuels, ce qui entrainera une réduction des opportunités économiques du secteur et l’accroissement de l’insécurité alimentaire. Dans la lettre, l’UE a fait une référence spécifique au paragraphe 2.b du décret qui parle de la réduction de la Zone Côtière Exclusive (IEZ) de 6 milles à 3 milles, ainsi qu’au paragraphe 2.c qui stipule que les ressources de pêche à capturer ne doivent pas excéder 100 000 tonnes par an. Selon l’UE, les mesures ne semblent pas être basées sur le principe de précaution du code de conduite de la FAO pour une pêche responsable.
L'UE termine en soulignant son dialogue continu avec la Banque mondiale concernant ce décret. En effet, les impacts de mesures comme la réduction de la zone IEZ risquent de nuire au travail accompli par le gouvernement du Libéria avec le soutien de la Banque mondiale.
LAFA, avec le soutien de la CAOPA, - la Confédération Africaine des Organisations Professionnelles de la Pêche Artisanale dont elle est membre-, a également pris l’initiative de rencontrer les décideurs libériens, y compris l’Autorité Maritime du Libéria (LMA) et le Bureau National des Pêches (BNF). Le BNF a confirmé que le gouvernement n’a pas encore mis en œuvre le décret; et que la mise en œuvre débuterait par un an d’essai. Le Commissaire de la LMA a exprimé sa disponibilité à rencontrer la LAFA pour échanger sur les mesures stratégiques à examiner, avant la mise en œuvre, pour éviter les conflits entre chalutiers et pêcheurs artisans, et pour prévenir et empêcher la pêche INN et la surpêche.
Cela est quelque peu rassurant pour LAFA, mais les hommes et les femmes des communautés de pêche artisanale promettent de surveiller de près la situation et de continuer leurs actions envers les décideurs libériens, particulièrement dans le contexte des élections générales d’octobre.
Pour Jerry Blamo, s’adressant à ses collègues à West Point, le décret passe quelque peu à côté de la question, étant donné qu’il ne prend pas en compte le potentiel qu’à le secteur artisan, - que ce soit les petites pirogues ou les plus grandes pirogues semi industrielles- d’apporter plus de poisson aux populations, s’il bénéficie d’un appui adapté: "L’amélioration des infrastructures de base, comme les équipements sanitaires, de manutention du poisson, les aires de transformation et de stockage des produits transformés artisanalement doivent être une priorité du gouvernement, plutôt que la réduction des droits d’accès des pêcheurs artisans."
Relations de pêche entre l’UE et le Libéria
Depuis la fin de 2015, l’Union Européenne et la République du Libéria ont un Accord de Partenariat de Pêche Durable (APPD) de 5 ans dans le secteur de la Pêche permettant au bateaux de pêche thoniers de l’UE de pêcher dans la ZEE du Libéria. En retour, l’UE paye au Libéria une compensation annuelle de 650 000 euros, dont 50% sont affectés au soutien de la politique de pêche du Libéria, y compris le renforcement de sa capacité de suivi, contrôle et surveillance de ses pêcheries.
La pêche INN est une préoccupation majeure dans les relations de pêche entre l’UE et le Libéria: le 23 mai 2017, le Libéria était pré-identifié comme pays tiers ne coopérant pas, selon la réglementation de l’UE, à la lutte contre la pêche illégale, non reportée et non réglementée (INN). La raison donnée par la Commission européenne est que «Le Libéria a le deuxième plus grand registre de transport maritime au monde, qui inclut plus de 100 bateaux de transport de pêche immatriculés sous son pavillon. Les autorités nationales en charge de la pêche n’ont pas l’information ou les moyens de contrôler cette flotte. Ce manque de contrôle a été confirmé par l’inscription d’un de ces bateaux libériens sur la ‘liste noire’ internationale en octobre dernier. Le Libéria a pris des mesures de réforme y compris la révision de ses lois en matière de pêche, mais des progrès tangibles n’ont pas suivi. La Commission espère que la pré-identification va améliorer la sensibilisation politique sur ce sujet et encourager le pays à mettre en œuvre les réformes nécessaires dans la gouvernance des pêches ».
L’Association des Pêcheurs Artisans du Libéria
L’Association des Pêcheurs Artisans du Libéria (LAFA) a été créée en décembre 2009 comme organisation faitière de toutes les associations de pêche représentant les intérêts des communautés de pêche des neuf (9) régions côtières du Libéria avec plus de trente-trois mille (33 000) pêcheurs et un total de cent quatorze (114) communautés de pêche le long de la côte libérienne. Les activités de la LAFA couvrent un éventail de domaines tels que la pêche, la transformation et la conservation, et la commercialisation du poisson.
Pour plus d’informations, vous pouvez contacter LAFA: : liberiaartisanalfishermen@yahoo.com
Les Accords de pêche avec l'UE vont-ils aider au développement de la pêche africaine?
Depuis le début des années 2000, la CAPE a soutenu que l'UE devrait cesser de payer une partie des redevances pour les navires de l'UE ayant accès aux pays en développement. Il s'agit d'une subvention injuste et l'industrie devrait payer ces coûts. Pourtant, l’UE, à travers la DG MARE, dépense des millions d’euros par an pour contribuer aux coûts de ces arrangements commerciaux - 71 millions d’euros ont été dépensé en 2015 comme contribution à ses Accords de Partenariats de Pêche Durable (APPD). La CAPE estime que les fonds publics de l'UE consacrés à la pêche dans les pays en développement doivent être entièrement utilisés pour réaliser le développement de la pêche locale et que le rôle de l'UE dans ces accords devrait se limiter à la négociation des aspects techniques des accords de pêche commerciale et à un rôle de surveillance réglementaire.
Bien qu'il existe un argument solide pour dissocier les fonds de l'UE des paiements d'accès, un problème connexe réside dans l'assurance que les fonds de l'UE pour le développement de la pêche sont bien utilisés. Déjà, la DG MARE s'efforce de soutenir la gestion des pêches dans les pays partenaires. Environ 31 millions d'euros (en 2015) des paiements totaux des APPD ont été utilisés pour développer la capacité des Etats côtiers à gérer leurs pêcheries, bien que cette somme ne soit pas techniquement une « aide ». La proposition de la CAPE prévoit un découplage clair entre les fonds de l'UE et le paiement de l'accès, avec des décisions sur la meilleure façon de soutenir les pays étrangers basée sur une évaluation des besoins. Nous nous attendons donc à ce que le montant des fonds européens disponibles à la DG MARE pour soutenir le développement de la pêche augmente.
La Cour des comptes européenne a toutefois procédé à un examen de la manière dont ces fonds sont gérés dans son rapport : « Les accords de partenariat dans le secteur de la pêche sont-ils bien gérés par la Commission ? ». Il souligne un certain nombre de problèmes. Il a soulevé des inquiétudes quant à l'impact du fonds, il a montré qu'il y avait des problèmes en termes de transparence et de responsabilité, et il a fait valoir qu'il y avait un manque de coordination avec d'autres sources d'aide au développement. La recommandation de dissocier l'aide des paiements d'accès doit donc s'ajouter aux efforts visant à améliorer la surveillance et le suivi des fonds mis à la disposition de la DG MARE pour le développement de la pêche locale.
Qu’est-ce que le soutien sectoriel de l’UE ?
Le soutien sectoriel apporté par les accords de pêche de l'UE avec les pays en développement remonte à l'accord de pêche Sénégal-UE de 1994. Jusqu'alors, les fonds allaient simplement dans le budget central de l'Etat. Cependant, les critiques croissantes concernant l'impact des accords d'accès aux pêcheries de l'UE signifiaient que, dans l'accord de 1994, le gouvernement du Sénégal et l'UE avaient convenu qu'une partie des fonds versés pour l'accès à la pêche serait réservée aux « actions ciblées ». Celles-ci étaient directement liées au renforcement de la gestion des pêches et à l'appui aux organisations de pêche artisanale. Cela était important car les deux parties reconnaissaient les pêcheurs artisans comme parties prenantes de l'accord de pêche. L'accord UE-Sénégal de 1994 était aussi la première fois qu'un représentant de la pêche artisanale était autorisé à assister à la négociation de l'accord.
Des actions ciblées ont ensuite été introduites dans la plupart des accords entre l'UE et les pays africains. En règle générale, les fonds ont été gérés séparément du budget central de l'État (c'est-à-dire traités comme des revenus hors budget). Avec la réforme de la politique commune de la pêche (PCP) de l'UE en 2002, ces accords ont été transformés en accords de partenariat dans le secteur de la pêche et le soutien ciblé a été qualifié de « soutien sectoriel ». Le règlement de base de la nouvelle PCP, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2014, prévoit d'autres directives juridiques pour le soutien sectoriel (voir articles 31 et 32).
Le soutien sectoriel fait donc partie de la contribution financière versée par l'UE dans le cadre d'un APPD, bien que ce ne soit pas une forme d'Aide Publique au Développement (APD) (bien que l'UE ait parfois signalé cela dans le cadre de son APD, ce qui était une erreur). Le montant identifié pour ce soutien sectoriel est une proportion, décidée par l'Etat côtier, du montant global du paiement d'accès. Un pays peut décider que la totalité de ses recettes provenant de l'UE soit réservée à un soutien sectoriel, comme c'est le cas dans l'île Cook. Cependant, comme l'a signalé la Cour des comptes, la Commission européenne a pour objectif politique de limiter le soutien sectoriel à 50% des paiements d'accès, ce qui est à peu près ce qui est convenu dans la plupart des pays aujourd'hui. La plus faible proportion des fonds réservés au soutien sectoriel se trouve en Mauritanie, où elle a diminué au cours des années, en grande partie du fait que la Mauritanie rencontre des problèmes d'absorption de ces fonds. Dans l'accord le plus récent, les paiements annuels pour l'accès aux pêcheries sont d'un peu moins de 60 millions d'euros et 4 millions pour l'appui sectoriel (environ 15%). Néanmoins, le soutien sectoriel fourni à la Mauritanie par le biais des protocoles des accords de pêche entre 2008 et 2012 s'est élevé à 65 millions d'euros.
La taille de ces transferts est évidemment plus importante pour les pays qui peuvent accorder des accords d'accès aux pêcheries de valeur, y compris ceux qui ont des « accords mixtes ». Ceux-ci tendent à valoir plus que les accords portant uniquement sur le thon. En même temps que la Mauritanie, le plus grand accord mixte existe avec le Maroc, d'une valeur de 30 millions par an avec 14 millions affectés au soutien sectoriel. La Guinée-Bissau et le Sénégal ont également des accords mixtes. Pour la Guinée-Bissau, cela vaut 9,2 millions par an, dont 3 millions sont destinés au soutien sectoriel, et au Sénégal, l'accord de l'UE vaut environ 1,8 million et 750 000 pour le développement de la pêche. En comparaison, le soutien sectoriel le plus restreint se retrouve dans l’APPD Côte d'Ivoire-UE, avec seulement 275 000 euros par an, grâce à un accord thonier de 680 000 euros par an.
L'utilisation de l'aide sectorielle devrait être définie par l'État partenaire sur la base de ses priorités et validée par le Comité mixte qui assure la gestion globale de l'accord de partenariat dans le secteur de la pêche, composé de représentants de l'UE et du pays côtier. La gamme de projets tend à inclure ceux qui visent à améliorer la recherche scientifique sur les stocks de poissons, à soutenir la surveillance, le contrôle et la surveillance des navires de pêche, à améliorer la santé et les conditions sanitaires des exportations de poissons ou à soutenir les petites pêcheries. Il y a aussi des cas, comme le Mozambique, où la majorité des fonds destinés à l'appui sectoriel ont été consacrés à l'aménagement des infrastructures, y compris la construction de bureaux de l'autorité des pêches.
Les paiements de soutien sectoriels dépendent des résultats. Si les fonds affectés au soutien sectoriel n'ont pas été dépensés ou s'il n'existe pas de preuve que les fonds ont été utilisés conformément à la matrice de résultats convenue conjointement, les paiements annuels ultérieurs de l'UE au titre du soutien sectoriel peuvent être retenus. Cela s'est déjà produit auparavant, comme à Madagascar en 2011.
Le Soutien Sectoriel fonctionne-t-il ?
La décision d'allouer jusqu'à 50% des redevances d'accès au développement de la pêche est ouverte à des interprétations différentes. Un point général est que les recettes de la pêche commerciale reçues par les pays fortement sous-développés peuvent être mieux utilisées pour d'autres priorités de développement et non pour les coûts de gestion des pêches. En effet, pour des pays comme la Mauritanie, les fonds totaux de l'UE pour le soutien sectoriel des pêches ont représenté plus de 10% de l'ensemble du budget national du pays. La canalisation de ces fonds vers la pêche peut priver d'autres secteurs (santé, éducation, etc.). Le revers de la médaille est que l'affectation de fonds peut aider le pays à améliorer la gestion des pêches et à contribuer à la durabilité de la pêche, ce qui devrait contribuer au développement et à la sécurité alimentaire du pays. De plus, dans certains pays africains, on craint que les fonds de l'UE versés au budget central ne soient également perdus par la corruption ou dépensés pour des activités nuisibles. Le soutien sectoriel peut également améliorer l'opinion publique sur les accords de pêche, car il démontre que les contributions aux accords de pêche sont utilisées de manière productive.
Cependant, la manière dont les fonds sectoriels de l'UE ont été gérés a fait l'objet de nombreuses critiques. Sur la base du rapport des commissaires aux comptes européens, il y a plusieurs questions.
Efficacité
Une partie du problème auquel sont confrontés les fonds de soutien sectoriels de l'UE réside dans la faiblesse des capacités des États à définir leurs priorités. De nombreux États côtiers ne disposent pas encore d'une stratégie nationale de pêche, ce qui signifie que l'identification des projets financés par le soutien sectoriel peut être décentralisée et ne pas avoir de stratégie cohérente à long terme. Il y a également un manque d'information et de consultation publique dans la manière dont le soutien sectoriel des accords de partenariat de pêche de l'UE est alloué et utilisé. Les rapports nationaux concernant l'utilisation du soutien sectoriel restent confidentiels. C'est ce qu'a découvert un groupe de députés européens qui ont visité la Guinée-Bissau cette année pour en savoir plus sur les défis du pays et ses relations avec l'UE. Les réunions tenues par les députés ont souligné que :
“... le manque généralisé d'informations sur l'aide de l'UE ou sur la mise en œuvre de l'APP, sur les projets qui pourraient être financés au titre du" soutien sectoriel "ou sur la manière et le lieu d'application; Tandis que les parties prenantes ont été incitées à intervenir plus activement auprès des autorités nationales afin que leurs projets deviennent éligibles au financement de l'UE, des plaintes ont également été exprimées sur le manque de transparence dans l'allocation des fonds publics / d'aide.“
L'issue de cette situation est que l'allocation des fonds peut ne pas refléter les priorités du pays. Comme l'indique le rapport de la Cour des comptes, la tendance indique que la plupart des fonds sectoriels sont consacrés à la lutte contre la pêche illégale, non réglementée et non déclarée (INN) par le renforcement du suivi et du contrôle des navires de pêche industriels. Par exemple, près de 60% du soutien sectoriel apporté à Madagascar en 2013 a été consacré à la surveillance et au contrôle des navires de pêche et le reste a été investi dans des entreprises exportatrices de poissons, dont bon nombre appartiennent à des entreprises européennes et asiatiques. Ce sont clairement des secteurs qui peuvent avoir un avantage plus direct pour les gouvernements des États côtiers (par le biais de la fiscalité), mais pas nécessairement pour un développement et une sécurité alimentaire plus larges, qui sont les objectifs de la politique de développement de la pêche européenne. En effet, les décisions des gouvernements partenaires et de l'UE sur la meilleure façon d'utiliser les fonds sectoriels sont principalement axées sur les efforts visant à améliorer la gestion des pêches dans le secteur industriel sans tenir compte des besoins et de l'importance de la pêche artisanale locale.
Tous les pays ne suivent pas le même chemin. Quelques exemples montrent que le soutien sectoriel de l'UE est utilisé pour le développement de la pêche locale. Les Seychelles utilisent au moins 50% de leurs fonds sectoriels de l'UE pour le développement de la pêche locale, y compris l'établissement d'un prêt pour les flottes de pêche artisanale et semi-industrielle. Néanmoins, certains pays estiment qu'une part importante du paiement de l'accès à l'UE découlant de la présence de flottes industrielles européennes est utilisée pour couvrir les coûts de gestion de ces flottes. Cela peut nuire à l'objectif de développer les capacités locales de pêche, simplement comme une autre subvention pour la pêche industrielle. En effet, lorsque les États côtiers ne disposent pas des ressources nécessaires pour couvrir les coûts de base de la gestion de la pêche industrielle, c'est peut-être parce que les droits d'accès sont trop bas. Il est important de savoir si les compagnies de pêche étrangères paient suffisamment de droits d'accès pour que les États côtiers puissent couvrir les coûts de gestion qui en découlent sans avoir à compter sur un soutien supplémentaire de la part des donateurs. Il serait extrêmement utile que les États côtiers soient en mesure de déterminer quels sont les coûts totaux de la gestion de la pêche étrangère ainsi que la valeur ajoutée de leurs économies, ce qui pourrait se traduire par des négociations pour un paiement plus juste des redevances d'accès.
Coordination et Cohérence des Donateurs
La Cour des comptes européenne a identifié des « difficultés d'absorption » dans de nombreux pays. C'est un problème répandu pour les gouvernements en Afrique, où les attentes et le soutien des bailleurs de fonds peuvent dépasser les capacités de délivrance des autorités qui reçoivent ces fonds. Il s'agissait d'un problème majeur du soutien sectoriel fourni à la Mauritanie dans le protocole 2008-2012, où 25 millions d'euros des fonds sectoriels alloués n'ont pas été dépensés. Les protocoles précédents avec les Seychelles et le Mozambique avaient des problèmes similaires, puisque les deux pays ont déclaré des fonds non dépensés représentant 63% de leur budget d'appui sectoriel (bien que la situation semble s'améliorer).
Ce problème est exacerbé par l'existence d'une autre aide publique au développement pour la pêche, qui a augmenté au cours de la dernière décennie dans toute l'Afrique. De nombreuses autorités de pêche ont été encouragées vis-à-vis de la dépendance à l'aide, où l'aide au développement représente une part importante des dépenses de l'État et rien n'indique que le recours à cette aide diminue. Il existe désormais une reconnaissance internationale croissante que la dépendance à l'égard de l'aide a des conséquences négatives pour les pays en développement, bien qu'elle ne soit pas encore sérieusement envisagée dans le secteur de la pêche en Afrique.
La Cour des comptes européenne a également noté comment les fonds sectoriels de l'UE sont utilisés de manière non coordonnée avec d'autres aides au développement. Cela risque d'entraîner des doubles emplois, ainsi qu'un manque de cohérence. À ce titre, le soutien sectoriel de l'UE ne repose pas toujours sur une appréciation plus large de ce que font les autres bailleurs de fonds, y compris le soutien fourni par le Fonds de développement de l'UE, ainsi que par les États membres de l'UE et d'autres partenaires multilatéraux et bilatéraux. Comme l'ont constaté les auditeurs de l'UE (page 32) :
"... dans les pays de l'océan Indien visités, la coordination entre les partenaires au développement actifs dans le secteur de la pêche était faible. Le soutien sectoriel n'est pas examiné lors des réunions de coordination régulières entre les représentants responsables de l'appui du FED à la Délégation de l'UE et les autres partenaires financiers et l'attaché aux pêches ne participe pas à ces réunions ... En outre, dans aucun des pays visités, le soutien sectoriel des APPD n’est intégré dans une approche globale incluant les fonds de l’ensemble des partenaires destinés à la pêche. Par exemple, au Mozambique, où différents partenaires financent des actions similaires, il existe un risque de double financement, notamment en ce qui concerne la participation aux réunions et aux activités d'inspection. Bien que le Mozambique dispose d'une matrice mondiale, il ne comprend ni l'ensemble des partenaires concernés ni l'appui sectoriel. C'est également le cas à Madagascar. "
Il convient de noter que la DG MARE a répondu à cette observation en décrivant qu'il y avait eu des efforts pour améliorer la coordination non seulement avec la DG DEVCO, mais aussi avec d'autres partenaires de développement dans les États côtiers. Mais comme il y a si peu de publications sur l'utilisation et l'efficacité du soutien sectoriel de l'UE, il est difficile pour les autres de savoir si cette collaboration fonctionne bien.
Responsabilités et Surveillance
Le rapport de l'auditeur a également fait valoir que la DG MARE n'avait pas fourni un contrôle ni un suivi cohérents et rigoureux des financements du soutien sectoriel. Une partie du problème réside dans le fait que les fonds sectoriels ne sont souvent pas traçables dans le budget de l'État côtier et que les rapports sur les extrants des États hôtes soumis au comité mixte sont souvent difficiles à vérifier pour la commission. Parfois, les fonds sectoriels de l'UE n'ont pas été dépensés pour des activités convenues et n'ont pas été pleinement pris en compte. Étant donné qu'il n'est pas classé dans l'aide publique au développement, le soutien sectoriel de l'UE n'est pas soumis aux mêmes niveaux de contrôle et de responsabilité que les autres paiements d'aide similaires de l'UE.
Il y a certainement eu des améliorations dans la transparence et la responsabilité dans certains cas. La gestion récente des fonds sectoriels en Mauritanie et au Maroc a probablement atteint les plus hauts niveaux de responsabilité à ce jour. Toutefois, dans de nombreux pays, la transparence et la responsabilité de l'utilisation du soutien sectoriel dans le cadre des accords de pêche de l'UE sont encore considérées comme insuffisantes par la Cour des comptes. Il n'existe que peu d’information, dans le domaine public, sur la façon dont ces paiements ont été utilisés et si leur impact a été positif ou non.
Le rapport de la Cour des comptes européenne jette un doute considérable sur la capacité de la DG MARE à surveiller les dépenses des États côtiers, en grande partie parce qu'ils n'ont pas les capacités nécessaires ni même le mandat pour le faire. En outre, bien que l'UE entreprenne ses propres évaluations externes des accords de partenariat dans le secteur de la pêche, celles-ci sont incohérentes en ce qui concerne l'utilisation des fonds sectoriels. Ces évaluations se concentrent davantage sur ce que les accords de pêche rapportent à l’UE et comment ils fonctionnent sur une base durable. Elles fournissent souvent une analyse superficielle de la manière dont le soutien sectoriel a été réalisé, voire pas du tout.
L’utilisation des conditionnalités
La DG MARE a une politique rigide de retenue des paiements en cas de problèmes de dépenses. Pour le moment, elle n'a aucun moyen de réduire une partie des fonds ou de retenir l'argent pour certains projets ; ça doit être payé en totalité ou pas du tout. C'est pourquoi la Cour des comptes a fait valoir que la Commission a régulièrement fourni des fonds lorsque des problèmes se sont manifestés. La Cour des comptes fait valoir que le régime inflexible de retenue annuelle des paiements les rend extrêmement difficiles à gérer. Le passage au découplage des paiements sectoriels et des paiements d'accès devrait permettre d'atténuer ce problème.
Le rapport de l'auditeur indique également que, dans le passé, la Commission n'a pas travaillé de manière proactive pour aider les États côtiers à surmonter les problèmes de dépenses des fonds sectoriels. Dans le cas de la Mauritanie, la prise de conscience que les fonds étaient insuffisants a conduit à la décision de la DG MARE de simplement réduire la part des fonds alloués au soutien sectoriel dans le prochain protocole d'accord quinquennal. Cela a placé plus d'argent dans le budget de l'Etat central, ce qui, comme l'a fait valoir la Cour des comptes européenne, a des niveaux de transparence et de contrôle publics encore pires. Selon les vérificateurs, la décision n'était pas compatible avec l'objectif d'améliorer la gouvernance des pêches dans le pays, ce qui est contraire à la notion de partenariat durable pour le développement de la pêche.
Améliorer le Soutien Sectoriel
Les États côtiers sont en accord avec la politique de soutien sectoriel de l'UE et ils conservent un certain pouvoir pour le rejeter s'ils le souhaitent. L'inclusion d'un soutien sectoriel suggère que le modèle de commerce « partenariat durable » tente d'être résolu. Cependant, un certain nombre de réformes clés sont nécessaires.
• Premièrement, les deux parties doivent s'efforcer de définir les priorités des États côtiers afin que les fonds sectoriels soient bien utilisés. Cela doit se faire à travers un processus plus consultatif, y compris des représentants de la petite pêche. L'UE a un rôle important à jouer pour soutenir ces efforts et devrait encourager les pays partenaires à élaborer des stratégies nationales à long terme pour la gestion des pêches. Cela permettra d'identifier clairement où l'appui est nécessaire pour améliorer la durabilité et la contribution de la pêche à la sécurité alimentaire et à la réduction de la pauvreté. Bien que la promotion de la sécurité alimentaire soit un objectif clé de la politique de coopération au développement de l'UE en matière de pêche, elle n'est pas considérée comme un objectif sérieux lorsqu'il s'agit d'identifier les actions à soutenir par le soutien sectoriel de l’APPD.
• Deuxièmement, il faut examiner soigneusement s'il convient que les paiements d'accès contribuent aux coûts de gestion des pêches à grande échelle et comment le secteur lui-même doit faire davantage pour couvrir ces coûts. Les États côtiers doivent disposer d'un plus grand nombre d'informations sur les coûts et la valeur ajoutée des entreprises de pêche étrangères afin qu'elles puissent avoir une position plus forte dans la négociation des accords d'accès et décider de l'ordre de priorité du développement des pêches locales.
• Troisièmement, les discussions sur l'utilisation du soutien sectoriel doivent être liées à des efforts plus larges pour coordonner l'aide au développement des pêches et d'autres investissements. Cela ne veut pas dire que tous les bailleurs de fonds et les partenaires étrangers doivent poursuivre les mêmes objectifs et les mêmes priorités, mais au minimum, il devrait y avoir ouverture et discussion sur les objectifs et les priorités. Au cours des dernières années, la DG MARE et la DG DEVCO ont mieux coordonné l'aide à la pêche dans certains pays. Toutefois, sur la base du rapport du commissaire aux comptes, il semble qu'il y ait beaucoup plus à faire, notamment avec les États membres de l'UE et les autres partenaires au développement.
• Quatrièmement, l'amélioration des mécanismes de transparence et de notification des fonds sectoriels de l'UE est également évidente. Dans le cas de l'accord de pêche avec la Mauritanie, une fiche d'information a été publiée sur le soutien sectoriel de l'accord 2008-2012, ce qui a été un effort utile pour sensibiliser le public. Toutefois, les procès-verbaux des réunions du comité mixte qui surveille l'utilisation des fonds sectoriels et les rapports des pays tiers concernant l'utilisation du soutien sectoriel ne sont pas publiés. Ils devraient être.
• Enfin, l'UE et les États côtiers devraient entreprendre une évaluation externe plus rigoureuse du soutien sectoriel, qui pourrait être davantage pris en compte dans les évaluations existantes des APPD. Cela aidera également à améliorer la transparence et l'intégration de multiples parties prenantes dans le processus décisionnel.
Il s'agit de recommandations pratiques sur la réforme de la gestion du soutien sectoriel. Elles doivent être mises en contexte par rapport à la nécessité de dissocier les payements à l’accès de l'aide proprement dite. À l'heure actuelle, cette question a été traitée comme une question administrative, ce qui permettra à la DG-MARE une plus grande souplesse dans le versement des fonds sectoriels par rapport au reste du paiement d'accès. Cela laisse néanmoins le contrôle et la surveillance des fonds de développement pour la pêche à ceux qui participent à la négociation et à la gestion des accords de pêche commerciale, ce qui signifie que l'UE continue à utiliser les fonds publics pour couvrir les coûts des accords de commerce. Une approche plus forte pour dissocier les paiements d'accès de l'aide se ferait par la séparation des droits d'accès et du soutien sectoriel. Le montant des fonds destinés à soutenir les États côtiers dans l'amélioration de la gestion des pêches devrait être entièrement fondé sur une évaluation des besoins et sans aucune incidence sur l'importance des paiements d'accès à la pêche. Comme c'est le cas pour d'autres flottes de pêche, les paiements d'accès devraient être effectués progressivement par l'industrie, tandis que les fonds publics au développement versés à l'Etat côtier devraient être utilisés pour le développement.
La durabilité passe par une révision ambitieuse de la réglementation sur les autorisations de pêche
Depuis que la nouvelle politique commune de pêche (PCP) est entrée en vigueur le 1 janvier 2014 , des améliorations ont été enregistrées lorsqu’il s’agit des Accords de Partenariat de Pêche Durable (APPD). Cependant, il faut encore que le vent tourne pour ce qui est des navires pêchant en dehors des APPD.
En effet, prendre en considération uniquement les APPD ne fournit pas un aperçu complet des opérations des flottes de l’UE dans les pays en développement. Si la flotte de pêche lointaine de l’UE compte environ 700 navires , seulement 245 de ces navires pêchaient dans le cadre d’un APPD en 2014 . Plusieurs centaines de navires européens opèrent donc en dehors des APPD, y compris via des accords privés avec des pays tiers , ou mise en place d’affrètements en collaboration avec des acteurs locaux. Malheureusement, il n’y a pour l’instant aucun moyen d’avoir des informations sur ces arrangements.
Cela pourrait changer dans les prochains mois avec la révision du règlement sur les autorisations de pêche (Fishing Autorisation Regulation – FAR) . Ce règlement détaille des «critères d’éligibilité», - conçus pour assurer la transparence et la durabilité des opérations de pêche-, que devra remplir tout navire de pêche de l’Union européenne souhaitant opérer en dehors des eaux communautaires pour obtenir une autorisation de pêche de l’État membre dans lequel il est enregistré.
La proposition de nouveau règlement FAR est actuellement examinée par le Parlement européen et le Conseil. Cependant, le Comité Economique et Social européen (CESE), a déjà donné son avis sur la question. Le CESE souhaite notamment que la Commission européenne vérifie si les critères d’éligibilité ont été dûment appliqués par l’État membre concerné, et donc si l’autorisation de pêche est valide.
Dans cet article, CAPE expose pourquoi la Commission européenne doit vérifier ce que font les Etats membres. CAPE montre que certains pays de l’UE, comme l'Italie, ont tendance à fermer les yeux face à ce que leurs navires font une fois qu’ils pêchent en dehors des eaux européennes, omettant ainsi de s’acquitter de leurs responsabilités en tant qu’État du pavillon en vertu du droit international. L’Italie a toujours délivré des autorisations de pêche pour tous ses navires de pêche en Afrique de l’Ouest, indépendamment du fait qu’ils ne devraient pas pêcher là ou qu’ils ont été impliqués dans des pratiques de pêche illégale.
Ceci démontre que si l’UE veut s’assurer, par le biais de son règlement sur les autorisations de pêche, que tous ses navires qui pêchent hors de eaux européennes respectent les mêmes principes et normes que celles applicables aux bateaux pêchant dans les eaux européennes, comme l’exige la PCP, la Commission européenne doit jouer un rôle clé pour vérifier que tous les États membres appliquent avec rigueur les critères de durabilité avant d’autoriser leurs bateaux de pêche à aller dans les eaux de pays tiers.
Les femmes transformatrices de Côte d’Ivoire recherchent du poisson désespérément
En Côte d’Ivoire, la basse saison de pêche dure huit mois de l’année. Pour les femmes transformatrices, cela se traduit en une relative abondance de matière première de mi-juillet à mi-novembre, période pendant laquelle elles sont approvisionnées directement par la pêche artisanale locale. Pendant la basse saison de pêche, il n’y a aujourd’hui presque plus rien … Quatre mois de poissons à transformer, c’est trop court pour avoir des moyens de vie décents. Cela ne permet pas aux femmes transformatrices locales, ni aux pêcheurs, de pouvoir vivre correctement de leur activité. Alors, elles doivent se tourner vers les poissons importés, dont le marché est aux mains d’intermédiaires gourmands. Micheline Dion, Présidente de l’Union des Sociétés de Femmes dans la Pêche en Côte d’Ivoire, partage ses idées sur la façon dont cela peut changer, y compris à travers de nouveaux canaux de commercialisation régionaux, ainsi que par le biais de l’accord de pêche entre la Côte d’Ivoire et l’UE.
Comme la plupart des pays ouest africains, le poisson est la principale source de protéines animales pour la population ivoirienne. Un plateau continental étroit limite la pêche artisanale maritime dans ses activités. Néanmoins, quasiment trois quarts de la production totale de la pêche maritime provient de cette pêche artisanale. Mais comme pour d’autres pays tels le Nigeria, l’approvisionnement en poissons de la Côte d’Ivoire dépend en grande partie des importations. Plus des trois quarts du poisson consommé en Côte d’Ivoire est importé.
Les femmes transformatrices de Côte d’Ivoire s’approvisionnent en matières premières auprès des pêcheurs artisans mais aussi auprès d’intermédiaires qui écoulent les petits pélagiques pêchés par des chalutiers industriels en Mauritanie et au Sénégal. Habituellement, 60% de l’approvisionnement des femmes venait de la pêche artisanale et 40% était constitué des importations de poissons congelés pêchés en Mauritanie et au Sénégal.
Mais la situation a changé. D’un côté, les débarquements de la pêche artisanale maritime ivoirienne sont en baisse constante, et ce depuis une dizaine d’années. Les pêcheurs doivent faire face à de nombreuses difficultés. Les récits de pêcheurs concernant des chalutiers d’origine étrangère, surtout coréens et chinois, qui pêchent illégalement en zone côtière et détruisent leurs filets se multiplient. Des mauvaises pratiques, comme le chalutage en bœuf, épuisent les ressources. Micheline Dion Somplehi ajoute: ‘la zone réservée à la pêche artisanale est réduite, et dernièrement, elle s’est encore plus réduite à cause de l’exploitation pétrolière en mer. Les zones les plus poissonneuses se trouvent là où se font les forages pétroliers, et les pêcheurs ont des difficultés pour y avoir accès, d’autant qu’avec le trafic que cela engendre, plusieurs ont déjà perdu leur matériel de pêche emporté par des bateaux de passage, sans aucune compensation’.
Pour les femmes transformatrices, on pourrait penser que les petits pélagiques importés peuvent fournir une source d’approvisionnement complémentaire, voire alternative. Il n’en est rien.
Le commerce des petits pélagiques importés, débarqués congelés, au port d’Abidjan, est dans les mains de quelques intermédiaires, dont l’objectif principal n’est pas d’approvisionner les femmes transformatrices. Qui plus est, les quantités de petits pélagiques débarqués diminuent, et donc, forcément, leur prix augmente encore. Ces dernières années, en Afrique de l’Ouest, il y a une concurrence de plus en plus forte entre le marché des petits pélagiques pour la consommation humaine, et le marché pour la transformation en farine de poisson. En Mauritanie, là où sont pêchés une majorité des petits pélagiques destinés aux marchés de la région, le gouvernement a donné un agrément pour la construction d’une quarantaine d’usines de farine de poisson. Aujourd’hui, plus d’une vingtaine de ces usines sont déjà en activité… Ce phénomène affecte négativement la disponibilité en petits pélagiques pour la consommation humaine, y compris sur des marchés comme la Côte d’Ivoire.
Micheline Dion: Présidente de l’Union des Sociétés de Femmes dans la Pêche en Côte d’Ivoire
‘Je pense qu’on doit mettre en place une filière alternative d’approvisionnement via la pêche artisanale’, estime Micheline Dion. Il faut réfléchir à la mise en place d’un commerce entre les zones où se trouve les petits pélagiques, et où la pêche artisanale va développer sa capacité de les capturer, comme en Mauritanie, et voir la possibilité d’organiser un transport par container, par voie maritime vers nos pays qui sont demandeurs. Avec l’appui de la GIZ (Coopération au Développement allemande), nos collègues pêcheurs artisans mauritaniens réfléchissent à développer une petite flotte de senneurs artisans pour développer une telle filière’.
Mais si l’avenir semble prometteur, la vie quotidienne des femmes transformatrices est extrêmement difficile aujourd’hui: avec un approvisionnement auprès des artisans limité à quatre mois de l’année et en diminution constante, avec de plus grandes difficultés de compléter l’approvisionnement avec les petits pélagiques importés, les femmes se retrouvent sans poisson, et sans revenus.
Une autre source d’approvisionnement qui pourrait aider les femmes transformatrices, c’est le ‘faux thon’ débarqué par les bateaux européens à Abidjan dans le cadre de l’accord Union Européenne - Côte d’Ivoire.
Abidjan est le port le plus important pour le débarquement de thon tropical dans le Golfe de Guinée. Trois conserveries, - Scodi, Pêche et Froid et Castelli-, traitent principalement le thon albacore, listao et patudo. Les thons abîmés, trop petits et les captures accessoires qui ne sont pas utilisés par les conserveries constituent le ‘faux thon’. Aujourd’hui, ce ‘faux thon’ est vendu sans contrôle, - ces captures n’apparaissent pas dans les statistiques officielles-, par l’équipage des bateaux aux intermédiaires locaux, qui ensuite vendent aux femmes. On parle ici de plusieurs milliers de tonnes qui pourraient constituer une alternative intéressante pour approvisionner les femmes transformatrices quand il n’y a rien d’autre.
Mais les choses sont loin d’être aussi simples. Lors d’une audition au Parlement européen sur le rôle des femmes dans la pêche, Micheline Dion a expliqué: ‘Au port d’Abidjan, la femme transformatrice achète aux intermédiaires libanais et burkinabé le faux thon à 1000 CFA le kilo (2 euros). Au cours de la transformation, - séchage, fumage-, le faux thon perd un tiers de son poids. Il faut donc 1,5 kg de faux thon (donc 3 euros) pour un kilo de produit transformé. La femme doit aussi payer pour le transport et le bois de chauffage… En fin de compte, la femme vend le kilo de faux thon transformé à 2800 CFA le kilo (4 euros) – autant dire qu’avec le prix de la matière première, elle travaille dur pour ne gagner presque rien. Pire encore, comme souvent l’intermédiaire lui fait une avance pour acheter ce poisson trop cher, elle est obligée de continuer à travailler à perte pour rembourser et se retrouve en fin de compte endettée et dans le plus grand dénuement’.
C’est pourquoi, au nom des femmes transformatrices ivoiriennes, Micheline Dion a demandé au parlement européen de soutenir, dans le cadre de l’accord de partenariat entre l’UE et la Côte d’Ivoire, le débarquement encadré de faux thon et la vente directe aux femmes à travers leur organisation nationale, afin d’avoir des prix corrects et d’échapper aux intermédiaires.
Les enjeux de l’approvisionnement des femmes ivoiriennes sont des enjeux clés pour tout le secteur de la pêche artisanale. En effet, comme dans beaucoup de pays africains, ce sont les femmes qui préfinancent les sorties de pêche dans le secteur artisanal. La précarisation des femmes et la diminution de leurs revenus diminue d’autant le potentiel de la pêche artisanale de contribuer à la sécurité alimentaire et à l’emploi dans les communautés côtières.
La façon dont la pêche artisanale est protégée et dont le commerce du poisson est réglementé au profit des femmes transformatrices est donc essentiel. Sans réformes urgentes, les transformatrices font face à un avenir sombre, avec moins de poissons et une baisse de revenus.
Commentaires et recommandations sur base du rapport de la Cour des Comptes sur les Accords de Pêche
Le 14 Mars 2016, le Conseil Agriculture et Pêche a adopté des Conclusions sur les accords de partenariat de pêche avec les pays tiers, comme réponse politique aux recommandations émises par la Cour des Comptes européenne sur le sujet dans un rapport spécial.
Ce rapport, « La Commission gère‑t‑elle correctement les accords de partenariat dans le domaine de la pêche? », a été publié par la Cour en octobre 2015. Son objectif était d'évaluer si les Accords de Partenariat de Pêche (APP) sont bien gérées par la Commission européenne, au cours de leurs négociations et leur mise en œuvre. Le rapport est basé sur l'audit de quatre APP : trois APP thoniers dans l'Océan Indien (Madagascar, Mozambique et les Seychelles) et un APP mixte en Afrique de l'Ouest (Mauritanie).
La principale conclusion du rapport est que dans l'ensemble, ces accords sont bien gérées mais il y a des améliorations possibles, tant en ce qui concerne la mise en œuvre que le processus de négociations. La Commission a accepté toutes les recommandations formulées par le rapport, précisant cependant que certains efforts sont déjà faits pour améliorer les APP.
En général, CAPE estime que les conclusions tirées par le rapport de la Cour doivent être approfondies et élargies, puisqu'elles ne reposent que sur quatre accords et surtout ne reflètent que les préoccupations des armateurs de l'UE. Peu d'attention est donnée par la Cour à la société civile et aux besoins et intérêts des communautés de pêche des pays tiers.
Dès lors, CAPE a publié des commentaires et des recommandations, basés sur le rapport de la Cour, sur comment la gestion des Accords de Partenariat de Pêche durables (APPD) peut être améliorée pour contribuer à l’établissement de la pêche durable dans les pays tiers. CAPE veut aussi rappeler qu'il existe d'autres types d'arrangements permettant l’accès de flottes étrangères aux eaux de pays tiers, tels que des accords privés, affrètement, sociétés mixtes, qui ont une incidence importante sur les communautés côtières de ces pays tiers, sur les écosystèmes côtiers et les économies locales. La transparence et la durabilité doivent aussi s’appliquer à ces arrangements.
Enjeux du nouveau protocole d'Accord de pêche UE-Mauritanie: petits pélagiques, prises accessoires et appui sectoriel
Le 22 Mars dernier, la Commission de la Pêche du Parlement européen a débattu du nouveau protocole d'accord de pêche entre la Mauritanie et l'UE. Si la plupart des parlementaires, comme le rapporteur, Mr Mato, ont une appréciation positive de la proposition de protocole, la question de l’absence d’un cadre de gestion régional pour les ressources partagées de petits pélagiques a été soulevée par Mme Rodust, qui a demandé que l’UE s’engage à promouvoir une telle gestion régionale.
CAPE partage entièrement ce point de vue. Notre plus grande préoccupation concernant les petits pélagiques reste le fait qu’un accès soit alloué aux flottes étrangères, notamment celles de l’UE et de la Russie, en l’absence d’un nécessaire cadre régional de gestion pour ces espèces partagées entre, essentiellement, le Maroc, la Mauritanie et le Sénégal. Comment peut-on identifier un surplus, - base pour la signature d'un accord de partenariat de pêche-, en l’absence de cette gestion régionale ?
La Convention sur les Conditions Minimales d’Accès, ratifiée par les Etats Membres de la Commission sous régionale des Pêches d’Afrique de l’Ouest (CSRP), - dont la Mauritanie-, appelle à cette gestion concertée des petits pélagiques dans la région. Cet appel est aussi lancé par la société civile et les organisations de pêche artisanale, étant donné l'importance stratégique de ces ressources pour la sécurité alimentaire de toute la région. Il y a là une urgence, vu le contexte global de pleine exploitation, voire de surexploitation de la sardinelle ronde.
Nous demandons donc à l’UE de faire tous les efforts possibles pour promouvoir cette gestion régionale, notamment par le dialogue existant au niveau des APPD avec les pays concernés : Mauritanie, Maroc, Sénégal
CAPE a publié d'autres commentaires sur la mise en œuvre de l’accord UE- Mauritanie, concernant:
- L’ Engagement de transparence
L’article 1 du nouveau Protocole stipule que ‘la Mauritanie s’engage à rendre public tout accord public ou privé autorisant l’accès à sa ZEE par des navires étrangers’. C'est une grande avancée qui est reconnue par le rapporteur, Mr Mato. Nous espérons que la Mauritanie publiera bientôt l'ensemble de ces accords, car la transparence est un aspect fondamental de la mise en œuvre de l’accord, qui sera examinée lors de la première Commission mixte de l'accord qui se réunira sans doute en Mai.
- L’Accès aux ressources: prises accessoires de poulpes
L’état des ressources de poulpe reste préoccupant. Ainsi, le document de Stratégie de Développement pour le secteur de la pêche 2015-2019 de la Mauritanie insiste sur le fait que, ‘malgré un redressement observé récemment, l’état des stocks du poulpe est toujours préoccupant avec des niveaux de surexploitation estimés à 17%’. Dans ce contexte, il est positif qu'il n'y ait pas d'accès direct des flottes européennes à cette ressource si importante pour la pêche artisanale locale.
Néanmoins, s’il n’y a pas d’accès au poulpe en tant qu’espèce ‘cible’, le poulpe reste une des espèces pêchées comme prises accessoires: les crevettiers européens peuvent conserver à bord 8% de prises accessoires de céphalopodes, composés essentiellement de poulpe.
De plus, le rapporteur souligne que la Mauritanie se serait engagée à envisager, lors de la Commission mixte, l’attribution de nouvelles possibilités de pêche pour des chalutiers congélateurs de pêche démersales, qui incluraient là aussi des prises accessoires de poulpes.
L'impact des volumes cumulés de ces prises accessoires sur l'état du stock doit être pris en compte, et aucune nouvelle possibilité de pêche ne devrait être octroyée si cela signifie un impact négatif sur les stocks non-ciblés, comme le poulpe.
Le problème des prises accessoires est aussi présent dans la pêcherie de petits pélagiques. Pour les super chalutiers pélagiques, le Comité scientifique conjoint de 2013 a émis l’hypothèse de possibles sous-déclarations de captures accessoires, ‘compte tenu de la pratique du chalutage pélagique qui a pour effet général un taux élevé de captures accessoires et de la diversité des espèces rencontrées (plus de 100 espèces)’. L’Atlas maritime des zones vulnérables en Mauritanie de l’Institut Mauritanien de Recherches Océanographiques et des Pêches (IMROP) précise que, pour la pêcherie de petits pélagiques, ‘tandis que les captures des espèces cibles sont bien réglementées, la pêche accessoire pose un problème majeur. Des efforts de sélectivité sont donc à faire pour diminuer les taux de prises accessoires et les rejets des chalutiers, notamment en introduisant, à travers la mise en œuvre de l’accord 2015-2019, l’utilisation de dispositifs de sélectivité.
L’ Appui sectoriel
Au cours des derniers protocoles, le montant de l’appui sectoriel a substantiellement diminué, passant de 16 millions d’euros par an (2008-2012) à 3 millions par an (2012-2014). Il sera dans le nouveau protocole 2015-2019 de 4 millions d’euros par an.
Jusqu’à présent, l’utilisation de l’appui sectoriel est très insatisfaisante pour les deux parties: les fonds ont surtout servi à couvrir des dépenses de fonctionnement, plutôt que des infrastructures, indispensables pour le développement du secteur. La question de la transparence relative à l’utilisation de l’appui sectoriel a aussi été posée à de nombreuses reprises.
Pour pallier à ces déficiences, dans le nouveau protocole, il est prévu que l’appui sectoriel sera géré par une Cellule d’exécution qui coordonnera la mise en œuvre avec les bénéficiaires des projets choisis. Un rapport en fin de projet sera publié, qui examinera les impacts sur les ressources, l’emploi les investissements. Un atelier annuel avec les bénéficiaires pour présenter l’état d’avancement.
Cette approche mérite d'être rappelée et sa mise en oeuvre rapide doit être encouragée, afin d'améliorer l'utilisation des fonds de l'appui sectoriel au bénéfice du développement de pêcheries durables en Mauritanie
'Voix de la Pêche artisanale africaine': la parole à ceux qui pêchent pour vivre
Du Sénégal au Togo, en passant par la Guinée-Bissau, la Mauritanie, la Tunisie et le Ghana, travailler dans la pêche artisanale maritime, c’est, au quotidien, vivre le même attachement à la mer et faire face aux mêmes défis.
Entre Septembre 2014 et Novembre 2015, le Réseau des Journalistes pour une Pêche Responsable et durable en Afrique de l’Ouest (REJOPRAO), en collaboration avec la Confédération Africaine des Organisations Professionnelles de Pêche Artisanale (CAOPA), est allé à la rencontre des acteurs de la pêche artisanale dans ces six pays.
A chaque étape, nous avons multiplié les visites de sites, les échanges en groupe, les entretiens individuels et la recherche documentaire. L’objectif étant clairement de comprendre et de décrire avec honnêteté les situations dans lesquelles les acteurs de la pêche artisanale exercent leur activité et les défis auxquels ils font face. Pour montrer qu’au-delà des statistiques, généralement peu fiables, relayées un peu partout, la pêche artisanale africaine, c’est avant tout des hommes et des femmes qui demandent à se faire entendre.
Construit autour d’une série de six reportages de terrain, ce rapport leur donne la parole. Ces
femmes et ces hommes disent leurs craintes et leurs espoirs pour l’avenir de leur métier. Nous apportons une part de vérité sur la pêche artisanale. En aucun cas nous ne prétendons que ce rapport est une description complète des situations dans les pays visités.
Notre gratitude va à tous ceux et celles qui ont contribué de différentes manières à la production de ce rapport.
Pour le Rejoprao
Inoussa Maiga
Président
Ce rapport a été produit avec l'appui de SSNC et de CAPE
Téléchargez Voix de la Pêche artisanale africaine
'Le public a le droit de savoir combien on paie, combien on pêche, comment et par qui'
Cette interview de Isabella Lovin, Ministre suédoise de la Coopération internationale, réalisée par Jedna Deida, a été publiée sur Mauriweb Info http://mauriweb.info/node/1549
Vous venez juste de terminer une visite en Mauritanie. Vous avez rencontré les hautes autorités mauritaniennes. Pouvez-vous nous dire ce qui a été examiné afin d'améliorer la coopération entre la Suède et la Mauritanie?
Oui, j'ai visité la Mauritanie pour assister à la Conférence du FiTI, où j'ai été invitée comme oratrice principale, en raison de mon engagement de longue date pour une pêche durable. Bien sûr, j'ai également rencontré des membres du gouvernement et le Président, discutant des relations entre la Suède et la Mauritanie. Nous avons un intérêt commun pour une pêche durable, et nous avons également discuté plus largement sur le développement durable, l'importance de la lutte contre la corruption et l'importance de la transparence ainsi que la liberté de la presse.
Vous avec participé à la Conférence FiTi à Nouakchott. Que pensez-vous de cette Conférence et que peut-on attendre de tous les partenaires en matière de pêche pour améliorer les résultats du FiTi?
Je pense qu'il est excellent que la Mauritanie prenne les devants dans cette initiative pour la transparence dans la pêche, où d’autres importants pays comme l'Indonésie et le Sénégal ont aussi adhéré. Ce qui maintenant doit être développé, ce sont les normes techniques du FiTI et j'attends de la nécessaire transparence dans au moins trois domaines : sur les paiements effectués, sur les captures et sur les accords dans le domaine de la pêche. Le public a le droit de savoir combien on paie, combien on pêche, comment et par qui.
Quels seraient les avantages concrets de la transparence dans les pêches africaines en ce qui concerne les activités de la pêche industrielle dans nos eaux?
C’est très important pour deux raisons ; tout d'abord pour lutter contre la corruption. En publiant tous les accords permettant l’accès à la pêche, les termes des accords, les numéros OMI des bateaux impliqués, la société civile et des médias libres peuvent demander des comptes aux décideurs responsables. Deuxièmement, il est essentiel de préserver les ressources marines. Une transparence totale sur les prises est nécessaire pour faire des évaluations de stocks, et c’est aussi important pour les populations locales et les pêcheurs locaux qui devraient avoir un accès prioritaire aux poissons. C’est seulement s’il y a un excédent qui ne peut pas être pêché par les pêcheurs locaux, que la pêche peut être autorisée pour les flottes étrangères.
Pensez-vous qu'une initiative comme la FiTI répondra à nos attentes?
Cela dépendra de tous les intervenants qui participent. Il est trop tôt pour le dire.
Qu’est-ce qui est nécessaire pour s'assurer que cela ne devienne pas simplement un exercice de « blanchiment» pour les gouvernements africains, afin d’attirer davantage d'investissements étrangers sans changer les comportements opaques ?
Ce qui est nécessaire, c’est le véritable engagement par les gouvernements et la pleine participation des acteurs de la société civile et les organisations extérieures. Il est également important de garder à l'esprit que les gouvernements gagnent à adopter la transparence et la durabilité- pour l'UE, c'est une condition pour les accords de pêche : l’UE négocie uniquement pour avoir accès au surplus de poissons, ce qui ne peut pas être pêché par les populations locales. Ensuite, les pays devront publier tous leurs accords, s'ils veulent un accord de pêche avec l'UE. C'est ce qui a changé avec la nouvelle politique de pêche commune de l’UE.
Vous avez été une des combattantes les plus impliquées, au niveau de l’UE, pour défendre la pêche responsable et durable sur les côtes africaines. Maintenant, en tant que Ministre suédoise de la coopération internationale, qu’est ce qui peut être promu pour aider les pêcheurs en Afrique?
La Suède est engagée de plusieurs façons pour soutenir la recherche sur les pêches et le renforcement des capacités en Afrique. Nous voyons que la pêche est une source de revenus importante pour des millions de personnes et aussi une source importante de protéines - il faut éviter que tout soit détruit par la surpêche. C'est pourquoi nous incluons maintenant une gestion durable des pêches dans notre stratégie de coopération régionale pour l'Afrique.